Titulaire du «Prix Bourguiba» de médecine et de recherche médicale
Si le quotidien du professeur Mohamed Miguil est ponctué d'heureux événements, il en est un qui a eu un impact particulier sur sa carrière et qui restera gravé à jamais dans sa mémoire. Chef du service d'anesthésie réanimation de la maternité Lalla Meryem du CHU Ibn Rochd de Casablanca, il assiste tous les jours au spectacle merveilleux de la naissance.

A cette joie s'ajoute celle de pouvoir sauver «celles qui en voulant donner une vie risquent de perdre la leur».
Le plaisir de se voir décerner le «Prix Bourguiba» de médecine et de recherche médicale n'en reste pas moins singulier.
Par cette journée printanière du 22 avril, même loin de cette ambiance enchanteresse de naissance et de renaissance, sa joie était intense. Il était loin, très loin de son service, de son pays et de Son quotidien, mais tout près de la « reconnaissance» dont il a tant rêvé. Sa persévérance a guidé ses pas vers la Tunisie où il recevait le fameux «Prix» des mains de Son Excellence le Président Zine El Abidine Ben Ali en personne, s'il vous plait !
«Quand j'ai touché la main du Président, je l'ai remercié mais je n'ai pas entendu ce qu'il m'a dit et probablement qu'il n'a pas entendu, non plus, ce que je lui ai dit à cause des applaudissements de la foule.» Emotion et confusion étaient au rendez-vous.
Décerné depuis 1988 au meilleur ouvrage réalisé dans l'un des pays du Maghreb, le «Prix Bourguiba» récompense les chercheurs les plus méritants. La qualité de son ouvrage «Réanimation des urgences obstétricales» lui a valu tous les honneurs.
Achevé en mars 2005, le livre de Miguil a reçu les félicitations de ses collègues qui lui conseillent vivement de postuler pour ce Prix, chose que notre spécialiste ne tarde pas à faire. En décembre 2005, une missive de la République tunisienne lui apprend qu'il a remporté le Prix.
Aujourd'hui, c'est avec beaucoup de fierté que Mohamed Miguil parle de cette distinction quoiqu'un arrière-goût d'amertume entache sa joie. En fait, il aurait aimé que cette reconnaissance émane de son propre pays.

Fort de ses 11 années d'exercice au sein du service de réanimation de la maternité du CHU Ibn Rochd, Mohamed Miguil a constaté qu'en dépit des progrès et des efforts déployés, la mortalité maternelle et infantile reste importante dans notre pays à cause des complications qui accompagnent la grossesse et l'accouchement. Ceci étant, il a eu la bonne idée d'en répertorier les causes dans un ouvrage qui traite de la problématique de la pratique obstétricale dans notre pays.

Dans les 13 chapitres qui composent son livre, l'auteur revient sur les différentes conduites adoptées au Maroc, les éléments de préventions ainsi que les traitements des complications qui surviennent au cours de la grossesse.
«La grossesse, étant quelque chose de normale et de physiologique, la femme pourrait penser que tout se passera très bien alors que ce n'est pas toujours le cas. Durant cette période, beaucoup de maladies peuvent apparaître même si la patiente n'en a jamais souffert auparavant, tels l'hypertension artérielle, le diabète ou encore les hémorragies.
Quand la femme accouche, elle peut saigner même si elle a été bien suivie durant la grossesse. C'est pour cette raison qu'on insiste sur la nécessité d'une prise en charge adéquate lors de l'accouchement et même après.» Et c'est là où le bât blesse.

En effet, notre praticien déplore le manque de services de réanimation spécialisés en obstétrique au Maroc. C'est, d'ailleurs, ce qui explique le nombre élevé de décès dans les régions enclavées. Il nourrit, partant, le rêve de voir ce genre de services dans toutes les régions du pays. En attendant, il continue d'exercer avec autant d'abnégation sa mission qu'il érige en sacerdoce.
«Notre devoir est d'enseigner mais surtout de prodiguer les soins de qualité à nos patients. Dans notre travail, nous essayons de former des futurs médecins réanimateurs qui vont servir le pays. C'est justement ce que nous essayons de faire à travers la pratique quotidienne mais aussi par l'intermédiaire de nos ouvrages qui vont être utiles pour les générations à venir».
Cette certitude de servir les autres et de leur venir en aide a toujours été sienne. Après avoir obtenu son bac en 1980, Mohamed Miguil savait qu'il voulait faire «Médecine».
Il devait suivre son instinct et accomplir son objectif ; celui de soulager les autres. Le choix de la réanimation est, quant à lui, venu après. Il s'est imposé de lui-même. Et depuis, il en fait son combat quotidien. «J'espère continuer dans ce domaine» affirme-t-il avec détermination.
Et d'ajouter : «J'espère dans l'avenir écrire un ouvrage sur l'anesthésie en obstétrique parce qu'elle constitue une véritable problématique dans notre pays. Il y a, dans ce sens, beaucoup de conduites et de protocoles à respecter étant donné qu'une femme peut mourir à cause de l'anesthésie quand elle n'est pas pratiquée comme il faut.»
Il faut, néanmoins, préciser qu'il s'agit d'une discipline relativement récente par rapport à la chirurgie. Les premiers anesthésistes marocains ont commencé à pratiquer à la fin des années 70.
«Au Maroc, nous sommes quelque 330 médecins réanimateurs anesthésistes.
Nous sommes très peu en comparaison avec la Tunisie par exemple. Mais actuellement, nous sommes en train de former une génération de réanimateurs anesthésistes et j'espère que dans chaque région, aussi lointaine soit-elle, il y ait un réanimateur pour prendre en charge les patients. Cette spécialité a le vent en poupe et va certainement évoluer dans les années à venir», conclut-t-il avec optimisme.

Réanimation des urgences obstétricales

La mortalité maternelle au Maroc, bien qu'en décroissance, reste très élevée. Notre pays est classé par l'Organisation mondiale de la Santé parmi ceux ayant des chiffres des plus alarmants. Les causes sont dominées par l'hémorragie particulièrement en post partum, les complications de l'hypertension artérielle gravidique, les infections et les cardiopathies valvulaires. Les embolies pulmonaire et amniotique sont sûrement sous-estimées à cause de la difficulté de leur diagnostic dans tous les sites d'accouchement dans notre pays.

Cet ouvrage est destiné à tous les professionnels de santé intervenant directement ou indirectement au cours de la grossesse, au cours de l'accouchement et dans les suites des couches.
Les treize différents chapitres traités dans ce livre sont inspirés des principales causes des décès maternels, leur description est faite à partir des données de la littérature nationale et internationale ainsi que de notre propre expérience quotidienne. Des cas cliniques et des observations vécues illustrent les différents chapitres de ce livre.

Kenza Alaoui