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Albayane | Maroc | 22/12/2008
Hier ce fut le cas pour la mortalité maternelle, pour l’accès aux médicaments, la régionalisation du secteur de la santé, l’assurance maladie obligatoire (AMO)... Aujourd’hui, le secteur de la santé du PPS s’est penché sur la problématique de la médecine d’urgence et de catastrophe.
La conférence débat qui a été organisée à l’hôtel Idou Anfa a connu une participation massive de professionnels de santé, d’imminentes personnalités du monde de la médecine du secteur public et libéral, des représentants d’ONG, de syndicats, d’artistes, d’étudiants. La salle prévue pour 400 personnes était archi comble.
La santé au cœur du projet du P.P.S
Ismaël Alaoui, secrétaire général du PPS, a pris la parole en premier. Il a insisté sur l’importance des services d’urgences, le rôle que doivent jouer ces structures afin de sauver des vies au moment ou notre pays connaît des catastrophes naturelles (inondations, séismes…), sans oublier le fléau des accidents de la route.
Ismaël Alaoui a mis l’accent sur la nécessité d’une nouvelle approche en matière de santé qui soit en rupture avec les modèles dominants et proposer des orientations qui ouvrent la voie à la mise en œuvre d’une politique de santé qui soit réellement au bénéfice de tous.
Assurer les conditions de la préservation ou de l’amélioration de la santé, assurer l’égalité de l’accès aux soins doivent être la constante d’une politique de gauche, en se référant à la définition de la santé par l’OMS : «un état complet de bien être physique, mental et social, et non seulement l’absence de maladie ou d’infirmité».
Les hôpitaux ont mal à leurs urgences
Parmi les structures déficientes de notre système de santé, les services d’urgence semblent se situer en pole position. Peu d’hôpitaux peuvent aujourd’hui se targuer d’avoir un service d’accueil des urgences digne de ce nom ou, tout au plus, convenable : structures inadaptées, logistique non appropriée, pénurie de personnels, charge de travail rebutante, démotivation, manque de formation adéquate, personnel non qualifié, manque de médicaments, accueil approximatif, attente trop longue, SAMU qui tarde à démarrer... La liste des anomalies et des défaillances est longue, ce qui déteint négativement sur la notion même de l’urgence qui perd toute sa signification.
Ce constat, qui est connu de tous, n’a pas laissé le P.P.S insensible, c’est pourquoi le secteur de la santé du parti, fidèle à ses orientations, à ses principes, a organisé une conférence-débat sur le thème des urgences et catastrophes au Maroc, brillamment présenté par le camarade Houcine Louardi, membre du Bureau politique du PPS, coordinateur national du secteur santé du PPS, spécialiste de médecine d’urgence et de catastrophe mondialement connu et reconnu, expert auprès de l’OMS pour la médecine d’urgence... Nous vous présentons les grandes lignes de cette conférence qui a suscité un grand débat.
Problème des urgences : absence d’une volonté politique réelle
Les décès enregistrés dans un climat d’urgence au Maroc arrivent au premier rang de l’ensemble des décès, c’est notamment le cas des événements douloureux qui ont frappés notre pays (attentats terroristes) qui ont causés la mort d’innocentes victimes et fait des dizaines de blessés graves. C’est aussi le cas des catastrophes naturelles que notre pays a connues (inondations, séismes…) ou encore des accidents de la route avec leurs lots quotidiens de morts et de blessés graves… Autant de causes et de situations qui sont à la base d’une demande urgente en soins à laquelle normalement, et en toute bonne logique, le service d’accueil des urgences de l’hôpital le plus proche, c’est-à-dire celui dont dépend l’aire géographique où a eu lieu le drame, devrait correctement y faire face. Bien équipé, doté en moyens humains suffisants et bien rodé à la tâche et en matériel de réanimation adéquats, ce service d’accueil des urgences devrait en principe pouvoir offrir les meilleures prestations et soins, et surtout répondre à une situation urgente en cas de catastrophe. Ce rôle, ces missions et la réalisation de tous ces objectifs sont par essence la raison d’être de tout service d’accueil des urgences qui se respecte et qui a à cœur la santé des citoyens.
Ce qui veut dire que rien de tout cela n’existe aujourd’hui. Bien, plus en matière d’urgence, nous pouvons dire que le bilan est négatif. Ainsi, à titre d’exemple, au niveau des grandes villes du pays, il n’existe pratiquement pas de services d’urgence ou l’on peut pratiquer en urgence un électrocardiogramme au-delà de 18 heures, et même avant. Le problème prend un tour inquiétant lorsqu’on sait que les infarctus du myocarde intéressent aujourd’hui une population de plus en plus jeune. L’évidence saute ici aux yeux, il y a un grand et réel problème d’organisation.
Cette constat n’est pas une vue de l’esprit, et que ceux qui en doutent, ceux qui ne veulent pas voir la réalité en face aillent faire un tour du côté des urgences de Hay Hassani, Ain Chock, Hay Mohamadi, El Fida, Mohammedia, Salé, Kenitra, ceux qui ne veulent pas voir la réalité en face.
Là où le cœur vous en dit, et surtout à 2 heures du matin, vous pourrez alors vous faire une idée sur ce qu’est réellement un service d’urgence.
Peut-être qu’il existe quelques rares exceptions dont nous n’avons pas connaissance. C’est dire que le problème des urgences est avant toute chose un problème inhérent à une absence réelle d’une volonté politique, car cela fait des années, des décennies même, que ce problème existe, que tous les ministres en parlent, mais que rien de véritablement efficace n’a été jusqu’ici entrepris pour pallier cette situation.
La réaction à l’urgence reste avant tout une question d’organisation
Ce constat souligne la nécessité d’une réorganisation profonde des urgences. On ne peut plus se borner aujourd’hui, en parlant d’urgence, à faire référence à tel ou tel hôpital. On devrait en principe pouvoir être pris en charge de la même manière où que l’on soit. Tous les Marocains devraient avoir les mêmes chances d’être bien traités, indépendamment de leur lieu de résidence ou de leurs moyens financiers. Malheureusement, ce n’est pas le cas, et bien des citoyens paient un lourd tribut inhérent à un vide total. Jusqu’à quand doit-on permettre par laxisme la perte de précieuses vies humaines ?
Les responsables au niveau du département de la Santé devraient permettre à tous les citoyens, là où ils se trouvent, de pouvoir accéder à des structures d’accueil dignes de ce nom, des urgences capables d’assumer pleinement leur mission.
Malheureusement, force est de constater que sur le terrain les choses sont loin d’être satisfaisantes. Les premiers secours aux blessés ou aux accidentés, par exemple, sont à l’heure actuelle encore trop souvent soit improvisés, soit même inexistants. Or les faits et les statistiques sont formels, le drame débute sur le lieu même de la catastrophe ou de l’accident et les premiers gestes ne manqueront pas d’influencer le déroulement final des secours. C’est de la qualité et de la rapidité de prise en charge de départ que dépendra le pronostic.
Pour réaliser cette approche, pour contourner tous les morts inutiles, pour sauver le plus de monde pour être efficace en de pareilles situations, il aurait fallu mettre en place un plan ORSEC comme cela existe dans la plupart des pays, un plan rouge susceptible d’être mis en marche en peu de temps.
Malheureusement, nous sommes à des années-lumière de cet objectif. Dans la réalité, les choses sont autres. Elles sont amères et à peine croyable au Maroc. Pour la petite histoire, il y a la division entre urgences et secours, sans moyens de mener à bien les missions qui sont les siennes pour les uns et les autres. Bien plus grave, les responsables de cette division n’ont même pas daigné nous informer sur la situation sanitaire qui prévalait à Al Hoceima. De là à songer à un plan type ORSEC..., il n’y a qu’un pas !
La médecine d’urgence n’est pas une simple histoire, c’est une lourde responsabilité et ce ne sont pas des médecins généralistes, avec tout le respect qu’on leur doit, qui pourront du jour au lendemain se découvrir urgentologues. La médecine d’urgence et de catastrophe est avant toute chose l’affaire de spécialistes qui sont les mieux placés pour élaborer une stratégie nationale, un plan type ORSEC avec tous les intervenants des autres secteurs (Protection civile, gendarmerie, défense nationale, autorités locales, collectivités locales ainsi que les départements concernés, sans oublier les ONGs...). Dans tous les cas de figures, nous aurons beaucoup à gagner avec une telle organisation où chacun aura à jouer le rôle qui lui est imparti, à savoir faire ce qu’il sait le mieux. La finalité d’une vraie médecine d’urgence est d’assurer aux blessés graves une prise en charge la plus rapide possible avec les moyens et les ressources les plus adaptées à chaque cas afin d’optimiser cette prise en charge et assurer son efficience. Cet aspect de ce que nous venons de voir, a été en grande partie ignoré aussi bien à Mohammedia, à Casablanca la nuit du drame du 16 mai 2003, qu’à Al Hoceima où il y a en plus de 400 blessés
Les moyens existent, le système fait défaut
En observant la situation des urgences au Maroc, un constat s’impose à nous. Nous avons des moyens mais pas un système. La situation des urgences aussi bien extra-hospitalière, qu’hospitalière publiques ou privées est caractérisée par un certain individualisme, avec des acteurs cloisonnés. Il n’existe pas de partenariat, pas de logique collective.
Il n’y a pas de tradition de collaboration entre structures hospitalières (complémentarités, transferts), services médicaux (comptes-rendus d’hospitalisation, transferts réciproques de malades pour dégagement de lits d’urgence, staffs communs), services et médecins «pourvoyeurs» publics (santé de base, urgences première ligne SMUR) ou libéraux pour un retour d’information...
La recherche de la qualité, de la prise en charge des urgences est axée sur la mise en valeur de l’appartenance à un service aux dépens de la recherche de la qualité dans un ensemble plus large dans un réseau ou un système.
Alors que la prise en charge de tels patients est souvent multidisciplinaire. Le patient est donc actuellement pris en charge dans l’urgence par des services ou des individualités, non par un système.
Les tentatives d’organisation en système de travail collectif sont souvent vécues comme des atteintes à la «souveraineté», à l’«autorité», aux prérogatives des individus, et chacun vit dans sa propre citadelle, dans son service. Il n’existe donc en règle générale pas de tradition de «contrats de partenariat», sauf rares exceptions.
Il est donc indispensable de repenser autrement les urgences pour, en premier lieu, améliorer la prise en charge des patients qui ont droit à des soins de qualité dans des structures adaptées, quelle que soit l’origine de l’urgence. C’est une simple question d’organisation. Dans tous les cas de figure, il est urgent de procéder à une véritable réorganisation qui aura pour objectif la mise à niveau des services d’urgences et la création de nouveaux services là où il y a un manque. C’est un choix à faire, et ceux qui ont le pouvoir de décision sont aujourd’hui interpellés
Les possibilités existent, les moyens aussi. Ce qui fait défaut, c’est une organisation cohérente qui doit être imposée et à laquelle le ministère de la Santé doit accorder une importance soutenue et constante. Le problème de la médecine d’urgence et de catastrophe, tel que nous venons de le voir, est un problème de santé publique qui impose l’acquisition d’une culture des catastrophes, sachant que notre pays est situé dans une zone à hauts risques.
Des palabres, des commissions, des rapports…
Il faut rappeler sans cesse que le secteur de la santé est sans aucun doute celui qui connaît le plus de paradoxes, celui où existe à un décalage constant entre les principes énoncés et le discours politique tenu, d’une part, et la réalité sur le terrain, d’autre part. les exemples en la matière foisonnent et tous les ministres qui se sont succédés depuis une vingtaine d’années s’en sont donnés a cœur joie.
En avril 2005, le ministère de la Santé a établi un rapport détaillé sur la gestion des urgences médicales et des risques sanitaires dans les situations quotidiennes et de catastrophes. Il s’agit d’un véritable document stratégique de politique de santé dans ces deux domaines de l’urgence. L’OMS avait contribué activement au développement de cette politique en offrant un appui technique (consultants) et un soutien financier. Afin de promouvoir la mise en place progressive de cette politique globale de gestion des risques sanitaires.
La stratégie adoptée par le ministère de la Santé en matière de gestion des soins d’urgence prévoit la mise en place d’un système de régulation médicale des soins d’urgences (SAMU), dans chaque région ou regroupement de régions du Maroc relevant de la responsabilité du ministère de la Santé. Elle inclura, notamment, la coordination du transport sanitaire assurée par chaque partenaire. Rien de tout cela n’a été entrepris, sur le terrain, c’est le calme plat, on attend qu’un drame se produit pour agir.
Les différentes instances de réflexions chargées, auprès du ministère de la santé, du dossier des urgences ont fait des études, émis des avis, rédigé des rapports qui sont allés grossir les archives. Notre problème réside dans notre incapacité à mettre les hommes qu’il faut à la place qu’il faut, le cas échéant comment expliquer que le problème des urgences et catastrophe soit encore posé après plus de cinquante ans d’indépendance ? A ce jour au crépuscule de l’année 2008, le problème reste posé.
Pour finir sur une note d’espoir, nous voudrions que le droit à la santé soit fondamental, que chaque Marocaine, chaque Marocain puisse bénéficier des mêmes chances, des mêmes soins
C’est sur ce terrain de la préservation de la santé et de l’accès aux soins que nous devrons nous battre inlassablement. Avec des objectifs clairs, avec une mobilisation de tous nous pourrons réussir ensemble à offrir à nos concitoyens une vraie santé publique et à leur garantir l’accès à des soins de qualité.
Le débat est ouvert faites nous part de vos remarques et aussi de vos suggestions, elles seront les bienvenues.
Par Abdelaziz Ouardighi
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