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L'Opinion | Maroc | 27/09/2008
L’idée a déjà germé dans l’esprit de nombreux chercheurs qui pendant longtemps ont déclaré forfait devant l’ampleur et la complexité de la tâche. Les équipes du professeur José Sahel (chef du service à l’hôpital des Quinze-vingts et à la Fondation Rothschild, directeur d’une unité Inserm et professeur à l’université Pierre-et-Marie-Curie à Paris et à Londres), fortes d’une collaboration interdisciplinaire exemplaire (physiologistes, physiciens, biologistes...) sont en train de mettre au point une nouvelle génération de prothèses rétiniennes électroniques. Et elles devraient de surcroît réaliser bientôt, pour quatre patients atteints de cécité, les premières greffes dans le cadre d’essais internationaux, avec des implants produits l’un aux États-Unis et l’autre en Allemagne.
Stimuler les neurones
La rétine est constituée d’une matrice de photorécepteurs qui captent les signaux lumineux et les transforment en impulsions électriques transmises au réseau complexe de neurones internes de la rétine qui les acheminent ensuite du nerf optique vers les centres visuels du cerveau. La prothèse rétinienne vise à se substituer aux fonctions défaillantes des photorécepteurs par un système apte à capter les images, et à les transformer en signaux électriques capables de stimuler les neurones de la rétine interne. « Les prothèses rétiniennes ont pour objet de restaurer une vision utile chez des patients aveugles suite à une dégénérescence des photorécepteurs dans des maladies comme la rétinopathie pigmentaire ou la dégénérescence maculaire liée à l’âge, dans lesquelles les neurones de la rétine interne restent encore fonctionnelles », expliquait récemment le professeur José Sahel en présentant ses travaux lors d’une réunion sur l’innovation en biotechnologie organisée le 19 décembre dernier dans le cadre d’un partenariat franco-israélien.
Ces prothèses rétiniennes ne peuvent pas s’appliquer aux pathologies comme le glaucome où le nerf optique est atteint ou la rétinopathie diabétique où les neurones de la rétine interne dégénèrent. En 2008, l’équipe de José Sahel devrait donc procéder à deux essais distincts, avec deux prothèses rétiniennes différentes. La première devrait être implantée à l’hôpital des Quinze-vingts chez deux patients atteints de cécité, dans le cadre d’un essai international multicentrique organisé par des chercheurs américains de la Southern California University. Il s’agit d’évaluer l’impact sur la vision d’une prothèse implantée à la surface de la rétine produite par la firme Second Sight.
Ces mêmes prothèses vont être implantées simultanément chez d’autres malades aux États-Unis et en Suisse. L’objectif est de montrer la faisabilité de la technique et d’évaluer son impact sur la vision. Un deuxième type de prothèse, mise au point par la firme allemande Intelligent Medical Impact, doit être également testé à la Fondation Rothschild. « Nous ne pouvons prédire si, avec de tels implants, les patients retrouveront plus qu’une perception de l’ombre et de la lumière », explique le professeur José Sahel. En parallèle, son équipe, sous la direction de Serge Picaud (directeur de recherche Insem), travaille à la conception et la fabrication de son propre implant rétinien.
Pour sa part, contrairement aux autres, cette équipe a choisi de produire un implant positionné sous la rétine, à l’emplacement des photorécepteurs. Cette prothèse est composée d’une matrice de nanoélectrodes. Une étude réalisée par le professeur Safran à Genève a montré qu’une matrice composée de 20 électrodes sur 30 sur un implant de 3 fois 3 millimètres carrés pourrait permettre de lire de gros caractères et même d’identifier des visages.
Des lunettes équipées de minicaméras externes
Très schématiquement, les dispositifs imaginés comportent des lunettes dont les branches sont armées de minicaméras externes, connectées à un microprocesseur miniaturisé qui interprète les images enregistrées par la caméra et les transmet par le biais d’un câble à l’implant rétinien : les photorécepteurs sont remplacés par un système électronique qui stimule électriquement les neurones rétiniens résiduels afin de produire des images au niveau cérébral. Pour procurer une résolution plus fine que les premiers systèmes en cours d’expérimentation, une interface biocompatible en diamant et des électrodes tridimentionnelles pénétrant au contact des neurones à stimuler sont en cours de mise au point avec une équipe du CEA (Commissariat à l’énergie atomique). « Si le chemin est encore long, l’objectif de restaurer une vision utile à des patients aveugles doit nous permettre de trouver la ténacité, l’ingéniosité et les moyens nécessaires pour aboutir », assure le professeur Sahel. Pour l’instant, l’équipe française primée par la Fondation Altran, qui bénéficie de différents financements (Fondation ophtalmologiste Rothschild, Fédération des aveugles et handicapés visuels de France, association Yvoir, Gueules cassées...) devra à terme identifier un partenaire industriel fiable prêt à participer à une telle aventure.
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