Les besoins en dons de sang se font sentir au quotidien, mais les rumeurs faisant état de « zéro donneur pendant les matchs de la Coupe du Monde » sont infondées. Le point avec la cheffe du Centre National de Transfusion Sanguine et d’Hématologie (CNTSH).

Quel est l’état du stock de sang actuellement au Maroc ? Les chiffres sont-ils rassurants ?

En moyenne, il y a 350.000 donneurs de sang par an. En 2021, le nombre de dons a atteint 319.219, soit 0,86 %. Cela constitue un taux normal dans le contexte post-Covid. L’OMS estime que si au moins 1% de la population donne son sang, c’est généralement suffisant pour répondre aux besoins essentiels d’un pays en sang sécurisé. Au Royaume, le pourcentage de dons de la population totale est estimé à 0,99% en 2019 (ce qui correspond à 334.510). De temps à autre, les centres de don de sang connaissent une pénurie dans le stock de poches de sang, due principalement à la réticence des donneurs. Nous avons besoin d’une régularité du don tout au long de l’année. En tant que Centre National de Transfusion Sanguine et d’Hématologie, notre rôle est de gérer le stock à l’échelle nationale et tirer la sonnette d’alarme à l’approche de toute éventuelle pénurie. En décembre, le seuil minimal de dons a été atteint. Pendant les jours ouvrables, le nombre minimal de donneurs a atteint 875 dons par jour et 1246 dons par jour au maximum. Le 29 décembre, 1154 donneurs ont été enregistrés. Il y a un besoin de 1.000 poches de sang quotidiennement, surtout dans les grandes villes du Maroc, étant donné le nombre important de patients et d’hôpitaux. Mais il y avait des donneurs de sang le jour des matchs du Maroc en Coupe du Monde.

Qui peut donner son sang ? Attendez-vous des groupes sanguins particulièrement ?

Le don de sang relève de la responsabilité de tout un chacun. Il s’agit d’un devoir national, moral et religieux. Toute personne, homme ou femme, en bonne santé, ayant plus de 18 ans et moins de 60 ans peut donner son sang, à condition d’être reconnue apte par le médecin responsable du prélèvement. L’homme peut donner une fois tous les deux mois, et la femme une fois tous les trois mois. Chaque don est obligatoirement précédé d’un entretien médical qui permet de connaître l’état de santé du donneur afin de garantir la sécurité de celui-ci et du malade. Le groupe O est le plus recherché en raison de sa rareté, mais aussi de sa grande polyvalence. Environ 6 % seulement des Marocains possèdent un sang de type O- alors que 40% sont du groupe O+. Appelées donneurs universels, les personnes dont le sang est de type O- peuvent donner leur sang à tout le monde, peu importe leur groupe sanguin. Ce type de sang est souvent utilisé lors des soins d’urgence dans les centres hospitaliers chez des patients dont on ignore le groupe sanguin.

Si les vacances riment souvent avec détente, dans les centres de transfusion sanguine, c’est le stress. Comment gérez-vous les périodes où les donneurs viennent moins et les réserves diminuent ?

Le don de sang doit être effectué tout au long de l’année. Il y a des périodes dites critiques, où on connaît une baisse des stocks. Les dons ralentissent généralement dans tout le pays pendant les vacances, les fêtes et les jours fériés. C’est le cas dans de nombreux pays, tels que le Canada ou la France. Il est préférable de ne pas dépasser la moyenne journalière qui est de 1000 poches. C’est parce que les plaquettes ont une durée de vie de cinq jours. Des quantités données seraient jetées. Pour les cas urgents, les stocks sont disponibles pendant une période de 5 à 7 jours en temps normal, alors qu’en période critique ils sont moins de 5 jours. Le sang a une durée de vie, qu’il ne faut pas dépasser. Une poche de sang collectée est ensuite divisée en trois poches. La première comprend les globules rouges (durée de validité à 42 jours), la deuxième poche contient les plaquettes (dont la durée de validité n’excède pas cinq jours), tandis que la troisième poche comprend du plasma, qui a une durée de vie d’un an. Cela nécessite une gestion quotidienne des stocks et l’engagement quotidien des citoyens. Il y a un besoin continu pour tous les groupes sanguins chaque jour de l’année. D’ailleurs, tous les pays souffrent de pénurie de stock des poches de sang.

Quelles solutions préconisez-vous pour éviter des situations de manque ? Ne peut-on pas créer du sang de tous types ?

En effet, le sang est un tissu liquide qui circule dans notre corps grâce aux vaisseaux sanguins. Il est composé de globules rouges, de globules blancs et de plaquettes qui baignent dans un liquide appelé plasma. Le sang est une matière vitale qui joue un rôle essentiel dans le transport de l’oxygène, des nutriments, des anticorps et des hormones. A ce jour, aucun chercheur ou savant n’a trouvé un éventuel produit substituable à cette précieuse substance. C’est pourquoi nous lançons des alertes pour affronter la grande pénurie de sang. Les médias et la société civile jouent un rôle important dans la sensibilisation de la population. On ne sait jamais quand quelqu’un aura besoin de quelque chose qu’on est en mesure d’offrir. Nous invitons les organismes publics et privés et la société civile à s’engager dans l’organisation de campagnes de collecte de dons dans les dix- huit centres régionaux de transfusion sanguine.

Safaa KSAANI