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L'Opinion | Maroc | 15/09/2022
La pandémie a montré l’importance des épidémiologistes, dont le Maroc manque terriblement. Il en faut vingt fois plus, selon Jaâfar Heikel qui appelle à intégrer la surveillance épidémiologique dans la nouvelle Haute Autorité de Santé. L’épidémiologiste et expert en économie de la Santé développe ses arguments.
Les épidémiologistes au Maroc sont peu nombreux, est-ce problématique à votre avis ?
Il va sans dire que l’épidémiologie est importante comme discipline, elle est d’autant plus vitale qu’elle permet de détecter les maladies transmissibles, faire le pronostic et donner lieu à la mise en place des traitements. Idem pour les vaccins, sachant que leur efficacité n’est prouvée que par les essais cliniques. Je vous cite un exemple : plusieurs virus comme Ebola, le VIH et d’autres virus ont été découverts grâce aux études épidémiologiques.
Pour sa part, le Maroc, d’ailleurs, n’a commencé à intégrer cette spécialité qu’au début des années 90 et plus précisément à la fin de cette décennie qui a vu l’agrégation de la première promotion. Aujourd’hui, nous disposons d’un parcours de spécialité d’une durée de quatre ans en épidémiologie clinique, et qui fait partie de la liste des spécialités. Mais nous manquons de médecins en épidémiologie de base, c’est-à-dire la surveillance épidémiologique, sachant que les docteurs sont tellement rares qu’ils se comptent sur les bouts des doigts.
L’Ecole Nationale de Santé Publique et les Facultés de médecine en forment aussi, mais le nombre des personnes formées reste dérisoire. J’estime qu’il nous faut vingt fois plus d’épidémiologistes que ce que nous avons aujourd’hui. Pour être plus précis, il est urgent qu’on puisse former 200 épidémiologistes dans les cinq prochaines années. Je rappelle que pour être épidémiologiste, il faut quatre ans d’études de spécialité, c’est comme la cardiologie. Il existe, cependant, des formations de courte durée sous forme de diplômes ou de formations certifiantes.
Pensez-vous que les médecins s’y intéressent peu, faute d’y voir une carrière prometteuse ?
Je suis heureux que les Facultés forment de plus en plus de lauréats, mais je crois qu’il faut faire plus d’efforts. Le manque d’intérêt existe. Les gens estiment peut-être qu’il ne s’agit pas d’une spécialité qui vous permet d’ouvrir un cabinet médical. Permettez-moi de citer un autre facteur qui explique ce manque d’intérêt : les médecins ne sont pas souvent motivés par les disciplines qui ne sont pas purement cliniques ou curatives.
Pour faire une carrière en épidémiologie, il n’y que deux options : enseigner dans les Facultés ou travailler avec le ministère de la Santé. C’est pour cette raison que nombreux sont ceux qui font de l’épidémiologie en tant que formation complémentaire après avoir achevé leur parcours de spécialité. Cela permet d’avoir la possibilité de soigner les gens, et, en même temps, pratiquer de l’épidémiologie.
Pensez-vous qu’il faut des formations spécifiques à l’épidémiologie dès la médecine générale ?
Aujourd’hui, il est possible de faire une formation au niveau des spécialités dans les Facultés de médecine. De même, l’Ecole Nationale de Santé Publique et l’Université Mohammed VI des sciences de la Santé offrent également cette opportunité en dehors de la Faculté de médecine. L’essentiel est de booster le nombre des personnes formées.
Comme vous le savez, la surveillance épidémiologique est prise en charge au niveau national par le ministère de la Santé. Vous avez écrit sur Twitter qu’il faut que cette fonction incombe à la Haute Autorité de Santé qui sera créée prochainement dans le cadre de la réforme, pourquoi à votre avis ?
La surveillance épidémiologique, je le rappelle, consiste à prévoir la survenue d’une maladie, et d’en déceler les causes et les effets. Aujourd’hui, il s’agit malheureusement de l’un des maillons faibles de la politique de Santé publique. En témoignent les difficultés qu’on observe sur le terrain.
Force est de constater que le ministère de la Santé manque de visibilité et de données sur les maladies et les pathologies traitées dans les cliniques privées. Les données statistiques dont dispose la Direction de l’épidémiologie et des maladies infectieuses au ministère de la Santé concernent uniquement le secteur public. Pour montrer à quel point cela pose problème, je précise qu’on ne saurait savoir ni le nombre de cas ni quels types de maladies traitées par telle ou telle clinique.
Par contre, l’information demeure accessible dans le secteur public, dont les données épidémiologiques sont centralisées au niveau de la Direction compétente au ministère de la Santé. Cela fait des années que j’attends une réponse de la part des autorités sur une requête concernant l’intégration de la surveillance épidémiologique dans le secteur privé. Ceci est d’autant plus urgent que la moitié des médecins, qui sont en majorité des spécialistes, exercent dans le secteur libéral. A cela s’ajoute le fait que nous avons 3000 centres publics de santé, contre 12.000 cabinets privés. Aussi, les cliniques privées sont-elles plus nombreuses que les hôpitaux (400 contre 165). Je me demande s’il est logique qu’on n’ait pas une visibilité sur la situation dans un secteur aussi vaste.
C’est pour cette raison que je plaide pour que la surveillance épidémiologique soit intégrée au sein de la Haute Autorité de Santé qui sera chargée de réguler la Santé publique. Il est tout à fait normal, à mon avis, qu’il lui incombe de faire la surveillance épidémiologique à l’échelle nationale. Aujourd’hui, cette moitié de l’information sanitaire, dont nous manquons, est d’une utilité incommensurable dans la planification stratégique. Ça nous permet de mieux organiser la cartographie sanitaire, c’est-à-dire détecter les besoins en termes de cliniques, de lits de réanimation, etc. Cette carte, qui sera mise en place dans le cadre de la réforme, sera optimale si nous disposons d’une vision claire sur le secteur privé.
Quelle est le rôle des épidémiologistes dans ce sens ?
Pour pouvoir analyser l’information sanitaire, il faut des épidémiologistes en état de la faire convenablement. Raison pour laquelle il nous en faut plus.
Recueillis par Anass MACHLOUKH
Haute Autorité de la Santé : pilier de la nouvelle architecture de la gouvernance
Le projet de loi-cadre relatif au système national de santé a été adopté par le Conseil des ministres en juillet 2022. La réforme tant attendue prévoit une nouvelle gouvernance avec une nouvelle architecture institutionnelle du système, dont la Haute Autorité est l’un des piliers.
Son rôle consiste à accompagner la généralisation de la couverture médicale et à évaluer l’efficacité des prestations dispensées par les différents intervenants des secteurs public et privé. À cela s’ajoute sa vocation à veiller à l’exécution de la nouvelle stratégie sanitaire. Plusieurs mesures seront prises dans ce sens, à savoir une nouvelle carte sanitaire avec un nouveau découpage de l’espace géographique en secteurs sanitaires. Ceci se fera de sorte à mieux couvrir le territoire national et éviter les déserts médicaux. Les attributions exactes de cette Haute Autorité et son domaine de compétence devraient être fixés par un texte d’application de la loi-cadre.
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