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Revue de presse

Traitement Covid-19 : la chloroquine a-t-elle sauvé ou tué des Marocains ?

L'Opinion | Maroc | 27/06/2022

Considérée auparavant comme le traitement miracle, l’hydroxychloroquine est, une fois de plus, au centre d’une polémique internationale, suite à une étude qui l’accuse d’avoir causé des milliers de morts lors de la première vague de la pandémie. Quid de l’expérience marocaine, où l’utilisation de cette molécule est toujours recommandée ?
En début de pandémie, son nom était sur toutes les lèvres et pour de nombreux scientifiques, c’était le traitement « miracle » contre le Covid-19. Aujourd’hui, on l’accuse d’avoir causé le décès de quelque 16.000 personnes à travers 8 pays, notamment en France, en Turquie, en Italie, en Espagne et au Royaume Uni.

Si l’hydroxychloroquine, habituellement prescrite sous le nom commercial de « Plaquénil » pour traiter certaines maladies auto-immunes, aurait permis, selon certains scientifiques - dont Didier Raoult, grand apôtre du traitement controversé - d’atténuer les ravages de la première vague du SARS-CoV 2, une étude menée par l’Université de Lyon estime que cette molécule accentue les risques de mortalité chez les patients.

Des résultats qui viennent conforter les conclusions d’une autre étude publiée en 2021, avançant que les patients sous chloroquine avaient 11% de chance de plus de décéder que les autres.

Pour sa part, l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS) ne recommande pas l’hydroxychloroquine en tant que traitement contre la maladie, et ce, après 30 essais auxquels ont participé plus de 10.000 patients atteints du virus, poussant plusieurs pays à exclure la molécule de leur protocole sanitaire.

Au Maroc, officiellement oui, officieusement non !

Le Maroc, qui a pris très tôt la décision d’adopter ce médicament pour traiter «tous les malades» du Covid, maintient, de son côté, sa feuille de route thérapeutique, incluant l’utilisation de la chloroquine. La dernière communication de la tutelle sur cette question remonte à août 2021.

Dans une circulaire adressée aux directeurs régionaux de la Santé, le ministre Khalid Ait Taleb a rappelé, à l’ensemble des médecins des deux secteurs public et privé, « l’obligation de se conformer strictement audit protocole thérapeutique, notamment la prescription de l’hydroxychloroquine et de l’azithromycine chez les patients dont la symptomatologie remonte à moins d’une semaine ». Un rappel à l’ordre dû au non-respect dudit protocole par certains cliniciens qui refusent de soumettre leurs patients à la chloroquine et n’hésitent pas à jouer la carte de «la liberté de prescrire pour chaque médecin ».

Une information confirmée par plusieurs médecins praticiens, dont Tayeb Hamdi, qui nous indique qu’au moment où des études ont commencé à montrer l’inefficacité de ce traitement, voire même sa dangerosité, une certaine réticence dans les prescriptions a commencé à émerger. « La chloroquine est réservée désormais à quelques cas rares », ajoute-t-il.

Cela dit, les différents experts contactés par nos soins sont affirmatifs sur le fait que le Royaume a pris les décisions nécessaires dans « un contexte où on ne savait pas grand-chose sur le virus ». Pour Jaâfar Heikel, épidémiologiste et spécialiste des maladies infectieuses, une analyse approfondie de l’expérience marocaine est de mise, mais il n’en demeure pas moins vrai que la conjonction des différentes mesures prises par les autorités sanitaires, notamment le protocole thérapeutique, a donné de bons résultats. «Il faut quand même se prévaloir que nous avons l’un des taux de létalité les plus bas au monde, situé à environ 1,3% pour plus de 1,2 million de cas confirmés», ajoute l’épidémiologiste.

Faire confiance à quelles études ?

Pour Tayeb Hamdi, dans ce genre de contexte, il faut mener des études randomisées en double aveugle, qui est le gold standard des études en médecine, «du fait qu’elle permet d’évaluer de manière probante l’efficacité d’une démarche ou d’un traitement» (voir 3 questions à...). Ce qui n’est pas le cas de toutes les études qui mettent en doute l’efficacité de la chloroquine.

De son côté, Heikel n’y est pas allé de main morte, rappelant le scandale « The Lancet Gate » et celui de la prétendue « bible du médical » The New England Journal of Medicine. « Il s’agit de deux grandes revues qui ont manipulé des données, induisant l’opinion publique et le monde scientifique en erreur», note Jaâfar Heikel, qui appelle à la méfiance, car cette crise sanitaire est remplie « d’enjeux politiques et économiques ».

S’agissant de la dernière étude de l’Université de Lyon, qui a été présentée devant le congrès de la Société française de pharmacologie et de thérapeutique (SFPT), l’épidémiologiste précise qu’elle ne prend pas en considération plusieurs facteurs épidémiologiques, notamment au niveau des profils étudiés, sans oublier les critères d’examens. Même son de cloche du côté de Tayeb Hamdi, qui explique que celle-ci permet d’avoir une idée rapprochée sur l’efficacité ou les effets du traitement en question.

La chloroquine a-t-elle tué au Maroc ?

Pour répondre à cette question, nous avons essayé de joindre le ministère de tutelle, mais en vain ! Toutefois, Jaâfar Heikel nous affirme que dans le contexte marocain, aucune surmortalité due à l’usage de la chloroquine n’a été constatée « selon les données que nous avons suivies », a-t-il précisé, notant qu’il aurait été judicieux de lancer une véritable étude comparative au niveau national pour tirer les bonnes conclusions. « Nous avons fait une demande au ministère de la Santé pour pouvoir évaluer l’efficacité de la stratégie marocaine. Nous espérons un feedback positif », a-t-il déclaré.

Somme toute, si la chloroquine aurait servi à contrer les premières vagues, nos experts estiment qu’aujourd’hui son rôle est moins important avec l’avènement des antiviraux comme le molnupiravir ou le paxlovid qui permet d’éviter 9 hospitalisations sur 10.

3 QUESTIONS À TAYEB HAMDI, MÉDECIN CHERCHEUR EN POLITIQUES ET SYSTÈMES DE SANTÉ

« La chloroquine est réservée désormais à quelques cas rares »


Une étude française estime aujourd’hui que l’hydroxychloroquine aurait causé pas moins de 16.000 décès à travers 8 pays. Quelle confiance accorder à ces travaux ?
L’étude a comparé les patients ayant pris l’hydroxychloroquine dans leur traitement et d’autres qui ne l’ont pas prise et s’est soldée par un constat de surmortalité chez la première catégorie. Néanmoins, il faut noter qu’il ne s’agit pas d’une étude randomisée en double aveugle, qui est le gold standard des études en médecine, du fait qu’elle permet d’évaluer de manière probante l’efficacité d’une démarche ou d’un traitement. Les patients ou volontaires sont dispatchés par HASARD, ce qui élimine les différences possibles de profils.
Aussi, durant l’étude, ni le patient ni le prescripteur ne savent si le patient utilise le médicament actif ou le placebo. Ceci pour que le jugement du patient et du médecin ne soit pas basé sur une hypothèse quelconque.
L’étude que vous avez abordée est observationnelle, elle permet d’avoir une idée rapprochée, des fois même précise, sur l’efficacité ou les effets du traitement. Maintenant, après plus de deux ans et demi d’expérience avec le Covid-19, beaucoup d’études sur l’efficacité de la chloroquine ont été menées et beaucoup d’entre elles recommandent son exclusion des protocoles.

Le protocole sanitaire adopté par le Maroc inclut l’hydroxychloroquine. Avions-nous d’autres options, surtout en début de pandémie ?
En effet, le Maroc a également opté pour la chloroquine en combinaison avec l’azithromycine, néanmoins, à l’époque, il n’y avait pas d’autres options. Au moment où des études ont commencé à montrer l’inefficacité de ce traitement, voire même sa dangerosité, une certaine réticence dans les prescriptions a commencé à émerger. La chloroquine est réservée désormais à quelques cas rares. Car, en fin de compte, l’efficacité de cette molécule est basée sur une étude menée sur les cellules de singes.
Sur le volet humain, on a remarqué une baisse de la charge virale du virus chez les personnes sous chloroquine, mais, une fois de plus, aucune étude randomisée en double aveugle n’a été conduite pour tirer les bonnes conclusions. Aujourd’hui, l’alternative est là. Nous avons des antiviraux comme le molnupiravir ou le paxlovid qui permet d’éviter 9 hospitalisations sur 10. Il y a aussi des anticorps monoclonaux, qui sont chers et qui ne sont pas disponibles partout.

Comment l’hydroxychloroquine pourrait-elle conduire à la mort des patients Covid ? A-t-elle des effets indésirables statistiquement significatifs ?
A chaque fois qu’un patient est mis sous chloroquine, il faut faire un bilan de surveillance. Les patients qui ont des problèmes d’hypokaliémie sont disposés à devenir des cas graves au cas où ils seraient soumis à la chloroquine. L’hydroxychloroquine est toxique pour les yeux, les reins, le foie, le coeur et abaisse le seuil de convulsions. Ce sont essentiellement ses effets indésirables cardiaques par trouble de rythme qui causent les décès.

Recueillis par S. J.

Hydroxychloroquine, Kezako ?

L’hydroxychloroquine est une molécule dérivée de la chloroquine dont la structure est chimiquement proche. Elle est utilisée depuis de nombreuses années dans le traitement de certaines pathologies auto-immunes sous le nom de Plaquénil®.
Ce médicament est indiqué chez les personnes atteintes de polyarthrite rhumatoïde et de lupus érythémateux. On l’utilise aussi pour prévenir les allergies provoquées par le soleil (lucites). Il s’administre par voie orale et se présente sous forme de comprimé à prendre à la fin des repas. La posologie et la durée du traitement varient en fonction des troubles présentés. Ce médicament est contre-indiqué chez les enfants de moins de 6 ans, pendant l’allaitement et en cas de maladie de la rétine (rétinopathie).

UNIVERSITÉ DE LYON
Ce que dit la nouvelle étude

À travers 8 pays, l’hydroxychloroquine aurait causé pas moins de 16.274 décès, selon l’étude de l’Université de Lyon, présentée au congrès de la Société française de pharmacologie et de thérapeutique (SFPT). Pour la France, l’hydroxychloroquine aurait été proposée de 6 à 16% des patients hospitalisés.

Selon les chiffres dévoilés, 115 à 293 d’entre eux seraient morts par la suite. « En tant que médecin, ce sont entre 115 et 293 décès de trop », explique Jean-Christophe Lega, un des auteurs de l’étude, dans Le Parisien. Globalement, le taux de mortalité oscillerait entre 6 (Brésil) et 10.821 décès (États-Unis), même si, selon le journal, la fourchette est comprise entre 3.127 et 14.384. L’essentiel des décès aurait ainsi été déploré aux États-Unis.
Les auteurs estiment que leurs conclusions chiffrées à l’échelle mondiale se révèlent très probablement sous-estimées, « en raison du manque de données dans la plupart des pays ». « On ne cherche pas à produire un résultat exact, on voulait surtout montrer quelles peuvent être les conséquences concrètes lorsque l’on prescrit un médicament potentiellement toxique », commente le Pr Lega auprès du Parisien. Il reconnaît en effet volontiers qu’effectuer des calculs très précis se révèle impossible. La faute notamment aux informations disponibles quant au nombre de patients s’étant vu prescrire la molécule controversée.

Des experts soulignent par ailleurs que le taux de surmortalité retenu pour l’hydroxychloroquine (de 11% comme évoqué plus haut) reste à utiliser avec parcimonie, selon TF1 info. L’intervalle de confiance pour le définir est en effet très large, entre 2% et 20%.

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