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Libération | Maroc | 30/06/2022
La situation des hôpitaux psychiatriques et des centres de santé a été au cœur des discussions à la Chambre des représentants, lors de la séance hebdomadaire des questions orales. Le Groupe socialiste à la première Chambre a notamment interpellé le ministre de la Santé et de la Protection sociale, Khalid Ait Taleb, sur le manque flagrant de ressources humaines et logistiques, estimant que « les centres de santé, censés prendre soin des malades mentaux, sont dans un état désastreux et manquent cruellement de lits, d'équipements et de personnel médical ».
« Il y a également une pénurie de médicaments nécessaires aux soins des maladies psychiatriques. Sans parler de l’absence totale du suivi social des malades », a souligné le député ittihadi Abdelkader Taher, avant de mettre la lumière sur «la responsabilité du ministère de tutelle dans la non-hospitalisation de certains malades dangereux ». Il a, dans ce sens, appelé à « renforcer la structure des hôpitaux psychiatriques » en « augmentant le nombre de lits », en « formant et en recrutant du personnel médical », mais également en « encourageant le secteur privé à investir dans les cliniques psychiatriques » pour corriger cette situation d’autant plus alarmante qu’une enquête nationale, réalisée par le ministère de la Santé, en partenariat avec l’OMS, en a démontré la gravité et l’urgence d’y remédier. 48,9% des personnes interrogées dans ce cadre présentaient au moins un signe relevant de tel ou tel trouble mental, allant du simple trouble obsessionnel ou de l’insomnie passagère à des manifestations plus graves comme les psychoses, alors que 25,6% des personnes visées présentaient une dépression.
Malgré le nombre important de personnes qui souffrent de troubles mentaux dans notre pays, on ne dispose que de quelques milliers de lits en psychiatrie. Casablanca, grande métropole et qui compte plus de 100.000 malades mentaux, ne dispose que de près de 400 lits, répartis entre le Centre psychiatrique universitaire (CPU), l’hôpital Baouafi, l’hôpital de Mohammedia et le centre de TitMellil. Encore est-il que ces lits sont loin d’être tous fonctionnels. « A mon avis, c’est nettement insuffisant, eu égard au nombre d’habitants de Casablanca qui avoisine les 5 millions. Ce manque de lits en psychiatrie génère énormément de problèmes. En premier lieu, la non-hospitalisation de certains patients dangereux pour eux-mêmes (suicide) ou pour les autres (hétéro-agressivité)», nous explique Dr O.Redoine, psychiatre addictologue. « Parmi les autres difficultés, liées à ce manque de lits hospitaliers, il y a le suivi irrégulier, voire même l’abandon de tout soin, et l’épuisement, en fin de compte, des familles qui essaient tant bien que mal de prendre en charge leurs patients à l’extérieur de l’hôpital. Il arrive parfois que ces familles se sentent abandonnées par l’équipe soignante », précise notre source.
Selon Dr O.Redoine, «la psychiatrie n’a pas toujours été inscrite dans l’agenda des décideurs dans le domaine de la santé. Par conséquent, elle n’a pas bénéficié d’un investissement public ». « Ceci explique en partie la pénurie flagrante en ressources humaines (psychiatres, psychologues, infirmiers, assistants sociaux...) », précise-t-il. Et d’ajouter : « Je pense que le nombre de postes ouverts pour les résidents en psychiatrie (NDLR : ceux qui font leur spécialité en psychiatrie) est nettement insuffisant. Il faut se poser la question, s’il ne faudrait pas créer un résidanat spécifique pour la spécialité psychiatrique, dans le but d’augmenter le nombre de psychiatres ».
Aujourd’hui, ils sont près de 400 psychiatres à exercer au Maroc. Soit un praticien pour 85.000 habitants. Un chiffre tout à fait dérisoire, loin derrière nos voisins maghrébins. Quant aux pays européens, aucune comparaison n’est possible, bien entendu. En Suisse, la ville de Genève dispose à elle seule de plus de 400 psychiatres, pour un peu moins de 200.000 habitants. Au Maroc, nous ne pouvons, pour l’heure, prétendre à une telle prouesse. Mais notre pays pourra-t-il au moins atteindre le seuil minimal nécessaire qui, selon l’OMS, est de 2,5 psychiatres pour 100.000 habitants ?
Mehdi Ouassat
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