Un groupe de scientifiques marocains et internationaux appelle les gouvernements à modifier leur approche des soins de santé à travers la publication « Harm Reduction, le Manifesto », un livre co-rédigé par des professeurs, journalistes et docteurs, sous la direction du Dr Imane Kendili.

Le Washington Times a organisé ce mercredi 26 janvier une table ronde pour les 26 écrivains et contributeurs au « Harm Reduction, le Manifesto ». La publication a été conçue sous la direction de l’écrivain et journaliste marocain Abdelhak Najib, du Dr Imane Kendili et du professeur Jallal Toufiq, qui sortira le 26 janvier à Washington aux États-Unis. La discussion a réuni des experts de la restauration climatique, de la santé publique, de l’application de la loi et de la prévention des abus. La réduction des risques n’est pas un concept nouveau, car elle est apparue initialement dans les années 70 comme un effort pour limiter les maladies sexuellement transmissibles (MST) et les infections dues à l’utilisation de drogues injectables.

Dans ce sens, le Dr Kendil s’est exprimé sur les méfaits du tabac et a loué les efforts du Maroc qui « a été avant-gardiste il y a une quinzaine d’années avec les héroïnomanes, les usagers de drogue injectables, il y a eu des kits d’injection distribués, la méthadone est rentrée dans les Centres, et aujourd’hui la prise en charge est à l’instar de groupes de pays développés qui prennent en charge les choses correctement ». « Il faut donc faire de la prévention, il faut absolument sensibiliser les jeunes à ne pas commencer à fumer, mais il faut prendre en charge l’adulte, et les personnes qui sont de grands fumeurs et qui n’arrivent pas à arrêter », a-t-elle estimé.

Selon l’experte, « il faut penser aux produits de substitution et avoir l’esprit ouvert, car la meilleure des choses à faire, c’est de pouvoir améliorer la santé des citoyens comme on a pu le faire pendant la pandémie avec la réduction des risques en matière de Covid, à l’image du port du masque, de la distanciation, ou de la vaccination. Il s’agit également d’une politique de réduction des risques ».
Concernant les gouvernements qui ne disposent pas toujours de gros budgets pour la santé publique, Kendili soutient qu’« en impliquant tous les individus dans un système de prévention et de réduction des risques, et en généralisant le concept de citoyens patients, un poids sera allégé hors des épaules des gouvernements, et permettra une meilleure gestion des soins de santé publics ».

Le médecin a poursuivi en expliquant que « la pandémie a démontré le pouvoir de la réduction des méfaits dans le monde ». « Les mesures préventives imposées dans le monde entier telles que les masques, la vaccination, les couvre-feux, la quarantaine et la distanciation sociale ont aidé les pays à surmonter les plus grandes menaces » de la pandémie, fait-elle remarquer.

Selon le médecin marocain, « la logistique des soins de santé est facilitée si les gens pratiquent la réduction des risques ». Cette dernière est particulièrement pertinente pour les pays dont le budget pour les soins de santé est faible. La réduction des risques devient « plus efficace que le traitement des maladies chroniques et la prohibition », car la stratégie tient compte de la nature humaine.

Les gens « prendront de la drogue, consommeront du sucre blanc, fumeront du tabac et auront des rapports sexuels non protégés malgré tous les risques pour la santé, ce qui rend inutiles tous les efforts de criminalisation, tant pour la société que pour le secteur de la santé », poursuit-elle.

Mais les experts qui ont contribué au manifeste affirment que la réduction des méfaits ne concerne pas seulement la santé, car elle touche aux problèmes environnementaux, à la criminalité et à l’économie.

Grâce à la réduction des méfaits, les décideurs politiques peuvent décriminaliser les drogues ou offrir un « approvisionnement sûr » aux toxicomanes, afin qu’ils ne meurent pas de drogues illicites ou ne tombent pas malades en partageant des seringues et des accessoires, que les contribuables ne supportent pas les coûts de l’incarcération et que la police et les passants ne sont pas mis en danger dans les raids antidrogue.

« Bien que les intentions des gouvernements ici et à l’étranger puissent être nobles dans la lutte contre la consommation de drogues et d’autres comportements à risque, le premier point d’action devrait être une prise de conscience que les solutions miracles n’existent pas », a déclaré Mazen Saleh, directeur des politiques pour la réduction intégrée des risques. Au R Street Institute, un groupe de réflexion basé à Washington.
Les politiques de réduction des risques ont tendance à être politiquement polarisantes, car les responsables « ne veulent pas être étiquetés comme indulgents envers la criminalité » ou semblent tolérer la consommation de drogue.
« Les tactiques du tout ou rien et l’interdiction des comportements à risque ne fonctionnent pas, il est donc temps de se concentrer sur des approches holistiques qui réduisent les risques et sauvent des vies », ont déclaré les panélistes.
« Nous n’éliminerons jamais les troubles liés à l’utilisation de substances. Nous n’éliminerons jamais le crime. Notre rôle en tant que décideurs est de mettre en œuvre des politiques qui atténuent les préjudices non seulement pour les individus, mais pour toutes nos communautés », a déclaré la lieutenante de police californienne à la retraite Diane Goldstein, directrice exécutive du Law Enforcement Action Partnership.

Les gens utilisent chaque jour des tactiques de réduction des méfaits, comme porter une ceinture de sécurité ou appeler un taxi s’ils ont bu quelques verres et ne devraient pas conduire.

Dans le domaine politique, les efforts visant à réduire les méfaits se concentrent généralement sur la réduction des risques liés à la consommation de drogues ou aux relations sexuelles. Dr Imane Kendili a déclaré que les décideurs politiques devraient « cesser de se battre » et se rendre compte que les gens adopteront toujours des comportements à risque, pour éventuellement passer à « une meilleure gestion » des plus grands goulots d’étranglement des soins de santé, de la justice pénale et de la crise climatique.

Cette rencontre interactive a été aussi l’occasion de donner un large aperçu sur le livre « Harm Reduction -The Manifesto », dirigé par Abdelhak Najib et Dr Imane Kendili. Cet ouvrage collectif résume le travail de 26 experts de 9 pays, couvrant divers domaines d’expertise, allant de la santé publique à l’anthropologie sociale, en passant par différentes disciplines médicales, la philosophie, la sociologie, ainsi que l’analyse macroéconomique.