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L'Opinion | Maroc | 02/11/2021
Touchant environ quinze millions de personnes dans le monde, l’Accident Vasculaire Cérébral (AVC) demeure un problème de santé publique. L’accès aux soins thérapeutiques contre ce fléau est jugé encore insuffisamment démocratisé.
Contrairement à ce que de nombreuses personnes pensent, l’Accident Vasculaire Cérébral (AVC) peut toucher tout un chacun, notamment les jeunes. Cette maladie, considérée aujourd’hui comme un problème de santé publique, est l’une des premières causes de décès et d’invalidité dans les quatre coins du globe. Chaque année, la Journée mondiale de l’AVC, célébrée le 29 octobre, est l’occasion pour sensibiliser et prévenir contre le caractère invisible et soudain de cette maladie qui touche une personne toutes les cinq secondes dans le monde. D’après une étude menée par la Société Marocaine de Neurologie (SMN) en 2009, la prévalence de l’attaque cérébrale au Maroc était de 284 pour 100.000 habitants, tandis que le nombre des patients ayant survécu à un AVC avec des handicaps plus ou moins sévères était de 85.000 parmi lesquels 30.000 avaient un handicap très sévère.
L’AVC, ischémique (80%) ou hémorragique (20%), peut survenir brutalement lorsque la circulation sanguine est interrompue par un vaisseau sanguin bouché ou par la rupture d’une artère cérébrale, forme la plus grave. Dépourvues d’oxygène, les cellules nerveuses dans la partie affectée du cerveau meurent après quelques minutes laissant des séquelles graves qui affectent la vie quotidienne du survivant. Il s’agit de l’aphasie, qui correspond à la perte totale ou partielle de la capacité de communiquer, des troubles sensitifs, des troubles de la vision ou même de l’hémiplégie, c’est-à-dire une paralysie de la moitié du corps, etc. C’est pourquoi la prise en charge de cette urgence vitale doit être aussi rapide que possible, accompagnée d’une rééducation bien menée plus tard.
Contacté par nos soins, Dr Mohammed Faouzi Belahsen, vice-président de la SMN, a assuré qu’«au sein de l’hôpital où j’exerce, le service de neurologie s’organise bien comme il faut pour prendre en charge correctement les patients d’AVC, notamment pour qu’ils puissent bénéficier d’un traitement qu’on administre de plus en plus à ceux qui se rendent aux urgences le plus rapidement possible ». Il s’agit, selon lui, de « la thrombolyse intraveineuse qui consiste à injecter une substance capable de dissoudre le caillot qui bouche l’artère du cerveau », soulignant que « le recours à cette technique n’est cependant efficace que dans les 3 ou 4 heures qui suivent les premiers symptômes de l’AVC ».
Notre interlocuteur a ajouté que « depuis quelques années, il y a une prise de conscience de cette pathologie handicapante, voire mortelle », illustrant ses propos par l’exemple du CHU de Fès qui reçoit 1000 vcitimes d’AVC par an, parfois plus dans les grandes villes, à savoir Rabat ou Casablanca.
Malgré les efforts réalisés par le ministère de la Santé, à leur tête la préparation d’un plan des urgences neuro-vasculaires, M. Belahsen a pointé du doigt la quasi-inexistence des structures étatiques adaptées de rééducation, l’absence de suivi post-AVC ainsi que la situation de neurologie qui est très disproportionnée et inéquitablement répartie au Royaume.
En dépit de l’importance du problème, l’AVC ne semble pas au nombre des priorités de la santé publique au Maroc, en témoigne les mille et une lacunes que rencontrent à la fois les survivants qui gardent des handicaps plus ou moins sévères ainsi que leurs proches. Il est évident de profiter de cette journée mondiale pour mettre la lumière sur les dangers de cette maladie face à laquelle il faut agir vite aux premiers signes, vu qu’à chaque minute, 2 millions de neurones peuvent être détruites définitivement, a ajouté M. Belahsen.
Il a expliqué, à ce sujet, que la SMN avait mené une vaste campagne de sensibilisation du grand public aux signes avant-coureurs d’un accident vasculaire cérébral. La campagne comportait des messages en Darija qui listaient les divers signes de l’imminence d’un AVC auxquels il est nécessaire de réagir le plus vite possible. Il s’agit de la déformation de la bouche, l’alourdissement d’un côté du corps, d’un bras ou d’une jambe ou encore des troubles de la parole ou de la vision. Depuis lors, « nous avons constaté que de nombreuses personnes consultaient plus tôt, ce qui faisait que nous pouvions efficacement déboucher l’artère touchée grâce à une thrombolyse ».
Siham MDIJI
Le manque en neurologues, dont le nombre ne dépasse pas les 250 au Maroc, et leur mauvaise répartition avec une concentration dans certaines villes comme Rabat et Casablanca constitue un grand défi à la bonne prise en charge des maladies neurovasculaires, notamment l’AVC. Selon la carte sanitaire de 2020, publiée par le ministère de la Santé, il existe 152 neurologues dans le secteur public, tandis qu’ils sont au nombre de 77 dans le secteur privé. Un nombre trop modeste face aux besoins de la population.
En 2020, une équipe de recherche affiliée à l’École de médecine Mount Sinai à New York a confirmé une association entre l’infection à Covid-19 et l’incidence de l’accident vasculaire cérébral et a engagé les hospitaliers à mieux détecter ce risque d’AVC chez les patients hospitalisés. L’étude cas-témoins, présentée dans l’American Journal of Neuroradiology, estime que le risque d’AVC ischémique aigu est multiplié par 4 avec le Covid-19.
Dans une étude publiée sur Science Direct, l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS) et l’Organisation Internationale du Travail (OIT) ont estimé qu’un risque plus élevé de cardiopathie ischémique et d’accident vasculaire cérébral a été remarqué chez les personnes travaillant plus de 55 heures ou plus par semaine. Cela est associé à une hausse estimée de 35 % du risque d’AVC et de 17 % du risque de mourir d’une cardiopathie ischémique par rapport à des horaires de 35 à 40 heures de travail par semaine.
Selon les auteurs, entre 2000 et 2016, le nombre de décès dus à des cardiopathies liées aux longues heures de travail a augmenté de 42%, un chiffre qui s’établit à 19% pour les AVC. Cette charge de morbidité liée au travail est particulièrement importante chez les hommes (72% des décès les concernent), chez les personnes vivant dans les régions du Pacifique occidental et de l’Asie du Sud-Est, ainsi que chez les travailleurs d’âge moyen ou plus âgés.
La plupart des décès enregistrés concernaient des personnes âgées de 60 à 79 ans, qui avaient travaillé pendant 55 heures ou plus par semaine lorsqu’elles avaient entre 45 et 74 ans.
En outre, le nombre de personnes travaillant plus de 55 heures est en augmentation et représente actuellement 9% du total de la population mondiale. Cette tendance expose encore plus de personnes à un risque de handicap ou de décès prématuré liés au travail.
« Travailler 55 heures ou plus par semaine représente un grave danger pour la santé », a ajouté Maria Neira, Directrice du Département Environnement, Changements Climatiques et Santé à l’Organisation Mondiale de la Santé, ajoutant qu’ « iI est temps que tous, gouvernements, employeurs et salariés, nous admettions enfin que de longues heures de travail peuvent entraîner des décès prématurés ».
Le Covid-19 peut endommager des vaisseaux sanguins du cerveau et provoquer des symptômes neurologiques, le privant temporairement de nutriments, c’est du moins ce qui ressort d’une étude publiée le 21 octobre dans la revue Nature Neuroscience.
Menée par des scientifiques d’Allemagne, de France et d’Espagne, ladite étude a démontré que le Sars-Cov-2 n’attaque pas que les poumons, mais peut également tuer des cellules du cerveau appelées cellules endothéliales vasculaires cérébrales. Ces dernières se situent autour du cerveau, le protègent et jouent un rôle primordial dans sa bonne irrigation sanguine. Les scientifiques ont fait ce constat en procédant à des analyses sur les tissus cérébraux de patients décédés du Covid-19.
Ils ont, en effet, remarqué que le virus avait détruit chez eux ces fameuses cellules endothéliales, ce qui peut entraîner l’augmentation des risques de microhémorragies, ainsi que la baisse du débit sanguin dans le cerveau. Cette dernière peut provoquer des problèmes cognitifs ainsi que de mener à la mort.
Pr Wadi Bnouhanna, responsable au sein du service de Neurologie à l’Hôpital des Spécialités CHU Ibn Sina - Rabat, a répondu à nos questions sur les lacunes de la prise en charge des AVC.
Comment évaluez-vous la qualité de la prise en charge des AVC, notamment dans les hôpitaux publics ?
La prise en charge des AVC est en train de s’organiser, mais elle demeure encore insuffisante face au nombre des patients que l’on reçoit chaque année. Nous estimons qu’il y a 5000 cas d’AVC par an rien que dans la région de Rabat, mais nous n’arrivons à prendre en charge que quelque 1000 patients.
Au Maroc, les unités neurovasculaires (UNV) n’existent qu’au niveau des CHU, ainsi que la neuroradiologie interventionnelle qui ne se pratique qu’à ceux de Rabat et de Fès. Ces derniers sont dédiés spécialement aux patients atteints d’AVC et sont équipés des dispositifs techniques nécessaires pour diminuer la mortalité et pour améliorer les chances de récupération.
Plusieurs patients se sentent laissés à leur sort après avoir subi un AVC. Qu’en est-il du suivi médical ?
D’abord, il y a ce qu’on appelle la consultation post AVC qui consiste à mettre en place la prévention secondaire pour qu’il n’y ait pas de récidive et pour contrôler les facteurs de risque vasculaire. Puis, il y a la prise en charge des séquelles de l’AVC. Celle-ci constitue un défi majeur pour les victimes d’AVC, car, malheureusement, les centres de réhabilitation sont presque inexistants au Royaume et le nombre des kinésithérapeutes exerçant au sein des CHU est en deçà des besoins et des attentes des patients.
Face à ces lacunes, quelle stratégie est à concevoir pour œuvrer à une prise en charge effective de l’AVC ?
Premièrement, les autorités sanitaires doivent veiller à mettre en place des unités neuro-vasculaires de proximité, ne serait-ce que pour initier le traitement avant de transférer les patients au CHU de Rabat, notamment les victimes d’AVC ischémique dont la prise en charge doit être réalisée dans les premières 4 heures. Ainsi, il faut développer la politique du médecin traitant et du médecin de famille, pour mieux contrôler les facteurs de risque et permettre la diminution des nombres des cas d’AVC.
Enfin, il est impératif de créer des centres de rééducation et de réhabilitation pour permettre une meilleure intégration aux survivants d’AVC.
Recueillis par S. M
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