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Albayane | Maroc | 14/10/2021
Au Maroc, l’avortement à risque est un réel problème de santé publique, un drame humain et un phénomène social complexe. Le nombre de cas d’avortements clandestins est trop élevé (300 à 400 par jour), avec des conséquences médicales, sociales et économiques dramatiques. Sur le plan médical, on compte parmi les complications, les hémorragies, les septicémies et parfois la mort de la femme ou de la jeune fille qui se fait avorter. Le temps est venu pour redébattre dans le calme, la sérénité, sagesse et responsabilité, et d’en finir avec l’idéologie, les discours culpabilisants et les tabous.
Un tel débat a eu lieu, mais il n’a pas abouti. Sauf à compliquer encore plus la situation, à envenimer les relations entre ceux qui défendent le droit des femmes à disposer de leurs corps, et ceux pour qui un tel acte est Haram. Maintenant, il nous faut regarder la réalité bien en face, mettre de côté les attitudes négatives. Nous devons avoir le courage d’assumer pleinement nos actes, car une grossesse non désirée est le résultat d’une relation entre un homme et une femme, qui souvent n’est pas consentante comme c’est le cas dans les viols et l’inceste. Cette situation dramatique n’arrive pas qu’aux autres, qui sait si un jour votre propre fille ou sœur….
Il faut en parler, reprendre le débat national sur cette question. Un débat sincère, franc, honnête, auquel devront participer toutes les parties concernées par cette problématique. Il vaut mieux remettre cette question et ce dossier sur la table en ce moment avec le nouveau gouvernement de Aziz Akhenouch , qui est composé de personnalités plus sensibles à cette question que ne l’était l’équipe du PJD . La question des avortements clandestins est telle une plaie infectée, qui est toujours ouverte ?
La question n’est plus de savoir si avorter est Haram ou non ?
Le débat devrait s’attacher à démontrer les conséquences de l’avortement clandestin, des conséquences très graves, néfastes sur la santé des femmes en termes de morbidité et de mortalité, sachant que 13% des mortalités maternelles sont directement liées aux avortements clandestins à risque. Les conséquences de ces pratiques jaillissent aussi sur les enfants, les familles et partant sur l’ensemble de la communauté. Il s’agit de démontrer qu’un avortement médicalement justifié, réalisé dans les normes appropriées dans une structure adaptée, par un personnel médical qualifié est de nature à limiter les dégâts que nous constatons aujourd’hui.
Il est souhaitable, nécessaire que soit exercé l’ijtihad sur la question de l’avortement en ce qui concerne les textes de loi, qu’en ce qui concerne les aspects religieux. Au regard des conséquences dramatiques liées aux avortements à risques, les arguments aujourd’hui, plaident en faveur de la révision d’une loi élaborée. Dans sa mouture actuelle, le Code pénal prévoit jusqu’à 2 ans de prison pour une femme qui se fait avorter, de 1 à 5 ans pour quiconque pratique un avortement sur autrui, de 10 à 20 ans s’il y a décès de la patiente et jusqu’à 30 s’il y a récidive.
Il faut faire la distinction entre un avortement clandestin, et une interruption de grossesse qui présente un risque pour la mère ou pour le fœtus. Dans ce cas de figure, il faut un avis médical spécialiste en la matière. Il peut s’agir par exemple, de l’atteinte du fœtus d’une maladie génétique grave qui mettrait en danger la vie du nouveau-né.
En ce qui concerne le cas des malformations graves du fœtus, comme l’anencéphalie, des jurisconsultes musulmans autorisent la pratique de l’avortement.
Dans la jurisprudence islamique, la vie humaine bénéficie d’un statut particulier quant à son respect ; la mettre en danger est totalement prohibé. Les écoles de fikh distinguent entre deux étapes, avant et après l’insufflation de l’âme. Après l’insufflation, généralement au-delà du 42ème jour de grossesse, tout avortement n’est permis que pour des raisons de santé mettant en danger la vie de la mère. A ce stade il y a concordance avec la loi marocaine.
Par contre, avant l’insufflation de l’âme, l’avortement, tout en restant dans le domaine de l’illicite serait autorisé pour simple besoin pressant. Cette autorisation nécessite évidemment l’avis express d’un médecin spécialiste en la matière. Il peut s’agir par exemple de l’atteinte du fœtus d’une maladie génétique grave qui mettrait en danger la vie du nouveau-né.
Ce qui bien entendu reste très restrictif si l’on prend en considération les drames inhérents aux multiples grossesses non désirées qui résultent des viols dont sont souvent victimes des jeunes filles de bonne famille, que des criminels, des repris de justice multirécidivistes agressent, violent tout en leur faisant subir les pires atrocités. C’est aussi le cas des viols dont sont victimes de jeunes bonnes qui se retrouvent enceintes, c’est aussi le cas des jeunes filles abusées par des fiancés indélicats qui disparaissent quand la fille tombe enceinte. C’est aussi le cas de l’inceste, et elles sont nombreuses ces jeunes filles à souffrir souvent en silence.
La grande majorité se fait avorter dans la clandestinité pour ne pas avoir à rougir, mais combien d’entre elles se retrouvent dans la rue, livrées à elles-mêmes ? Combien d’entre elles sombrent dans la prostitution, la drogue, la mendicité ….
L’avortement dans notre milieu demeure un tabou, un déshonneur, une pratique condamnable et immorale, autant de qualificatifs qui ne font que stigmatiser davantage le phénomène. Mais face aux drames qui secouent notre société, face à toutes ces situations qui ébranlent bien des familles, la société toute entière est aujourd’hui mise devant le fait accompli pour lequel, il faut absolument trouver une solution.
Selon les résultats de l’Association marocaine de lutte contre l’avortement clandestin (Amlac), ce sont 600 avortements qui seraient pratiqués chaque jour au Maroc dont 200 non médicalisés. D’après l’association Insaf (Institut national de solidarité avec les femmes en détresse) : 50 000 enfants naissent chaque année hors mariage au Maroc ; 300 bébés sont retrouvés abandonnés morts ou vivants à Casablanca chaque année.
Plus de 45 % des mères célibataires ont été des petites bonnes.
Ouardirhi Abdelaziz
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