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Maroc Hebdo | Maroc | 04/05/2021
Sur le terrain, le constat est déprimant : des bâtiments vétustes, une capacité d’accueil et un nombre de lits très faibles, un manque flagrant de respirateurs et de bouteilles d’oxygène, des places insuffisantes en réanimation, une prise en charge qui laisser à désirer… Autant de défaillances de l’hôpital public dont souffrent depuis des lustres les Marocains aux revenus limités et modestes.
Toute stratégie véritable commence par un bon diagnostic. C’est ce à quoi s’est livré le ministre de la Santé, Khalid Aït Taleb, lundi 26 avril 2021, à la Chambre des représentants. Il s’est arrêté sur les limites du système actuel avant de donner des détails de la réforme du système de santé. Sur quel document ou étude stratégiques se base le ministre Khalid Aït Taleb pour parler de réforme? L’ancien ministère de la Santé, Anas Doukkali, avait lancé, le 25 janvier 2019, un appel d’offres pour désigner des bureaux d’études devant réaliser un diagnostic de 133 hôpitaux dans les 12 régions du Maroc.
Cela va des CHU (Ibn Sina de Rabat) aux hôpitaux de proximité, en passant par les centres hospitaliers régionaux et provinciaux, les hôpitaux psychiatriques et les centres d’oncologie. Le but était de réaliser un diagnostic de la performance des immeubles et des équipements biomédicaux. L’ouverture des plis était prévue le 11 mars 2019 et la mission devait durer 8 mois à compter de la date de notification de l’ordre de service. Pour l’heure, aucune nouvelle sur ce marché public n’a été communiquée.
Passons. Cette réforme n’est pas la toute première et ne sera pas, sans doute, la dernière. On va se contenter de ce qui a été révélé. M. Aït Taleb semble au moins persuadé que les réformes déjà ébauchées et jamais achevées n’ont occasionné aucun changement réel dans le secteur, a-t-il affirmé au Parlement. Son diagnostic montre également un financement insuffisant du secteur, basé essentiellement sur les contributions directes des familles, qui s’élèvent à 50,7% (contre 25% selon les normes internationales); un faible financement des assurances et des mutuelles, qui ne dépasse pas 25%; et un budget limité alloué au secteur de la santé, qui ne dépasse pas 6% du budget général de l’Etat (contre un taux de 12% recommandé par l’OMS). Pour le ministre, le Maroc a besoin de 97.566 professionnels de la santé, dont 32.522 médecins et 65.044 infirmiers. Sur le plan managérial, défaillant à plus d’un titre, il suffit de citer que le taux d’occupation des postes (médecins, infirmiers et techniciens), lui, ne dépasse pas 30%.
Sur le terrain, le constat est encore plus déprimant. Une capacité d’accueil et un nombre de lits très faibles, un manque flagrant de respirateurs et de bouteilles d’oxygène, des places insuffisantes en réanimation, une prise en charge qui laisser à désirer… Autant de défaillances de l’hôpital public qui sont montées à la surface depuis l’apparition de l’épidémie du Covid-19 et dont souffrent depuis des lustres les Marocains aux revenus limités et modestes.
Une chose est sûre, ce projet de réforme n’est pas une trouvaille en soi. Depuis des années, voire des décennies, chaque gouvernement et chaque ministre de la Santé vient avec l’ambition de parer aux déficits du système de santé publique en tirant le tapis sous les pieds de son prédécesseur. Et c’est toujours vers la fin du mandat de chaque ministre qu’un projet de réforme est lancé. M. Aït Taleb ne fait donc pas l’exception. Leurs réformes ne s’inscrivent jamais dans la continuité de ce qu’ont entamé ceux qui occupaient leurs postes auparavant. C’est peut-être ce qui qui a fait durer les problèmes structurels de l’offre de santé.
La santé publique est malade. Et le ministre actuel veut la soigner. Il est vrai que le projet de réforme présenté par Khalid Aït Taleb est ambitieux, mais il est difficile de croire qu’un changement réel va être instauré dans des infrastructures sanitaires et notamment des CHU (centres hospitaliers universitaires) qui manquent d’équipements, de matériels, de médecins, d’infirmiers et de bons gestionnaires.
Le cas de l’hôpital Ibn Rochd, à Casablanca, qui reçoit le plus grand nombre de patients de toutes les régions du Royaume, est édifiant. Des dizaines de patients attendent des mois et des mois pour obtenir des rendez- vous pour des consultations dans des locaux délabrés et des chambres humides manquant même de couvertures pour les patients subissant des opérations chirurgicales. Des médecins et infirmiers qui avouent être dépassés au vu de leur petit nombre. Bref, l’hôpital manque de personnel, de matériel… de tout.
Avec 6,2 médecins pour 10.000 habitants, le Maroc est loin des objectifs fixés par l’Organisation mondiale de la santé (15 pour 10.000). Le pays dispose seulement de 3.853 médecins généralistes et 7.553 spécialistes dans le public.
Pour certaines spécialités, la situation est alarmante. C’est, notamment, le cas de la neurochirurgie, où l’on ne compte que 134 médecins, l’oncologie (128 médecins), l’hématologie (63 médecins), la médecine nucléaire (47), la chirurgie cardio-vasculaire (42), la réanimation médicale (42), la chirurgie en cancérologie (39), la médecine d’urgence et de catastrophe (32), immunologie (15), toxicologie (4), physiologie (4) et anatomie (2).
Ce n’est pas tout. Les établissements hospitaliers manquent cruellement d’équipements biomédicaux et d’installations de haute technologie. On compte 99 scanographes, 80 unités de mammographie, 73 échodoppler 4 D et 21 unités de radiologie panoramique, 17 IRM et 1 TEP-Scan (Tomographie par Émission de Positrons) dans tous nos hôpitaux. A titre de comparaison avec la France, 110 IRM ont été installés en 2018 uniquement pour la région Auvergne-Rhône-Alpes. Sans compter les désordres et dysfonctionnements de ces bâtiments sanitaires et de leurs installations techniques. Et le comble, c’est quand on demande à un patient en état critique de ramener du fil de suture et des médicaments pour être opéré car l’hôpital n’en dispose pas.
Attirer des investisseurs locaux ou étrangers ne va jamais résoudre les problèmes de l’hôpital public. Au contraire, ils ne feront que les aggraver. Car même en généralisant le système d’assurance maladie obligatoire, il ne va profiter qu’aux structures privées. Au final, c’est le citoyen aux ressources limitées qui va continuer à payer le reste à charge.
Il va falloir se focaliser sur l’offre de soins et la gouvernance des hôpitaux publics et en créer de nouveaux. Pour ne citer que cet exemple, dans la capitale économique, un CHU et quelques hôpitaux ne suffisent plus pour répondre aux besoins d’une population de près de 10 millions d’âmes.
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