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L'Opinion | Maroc | 14/03/2021
Un scientifique marocain a découvert un remède contre une forme agressive de cancer du sein. Le composant en question est issu d’un champignon qui vit en symbiose avec une fleur de l’Atlas.
Aristoloche à nervures peu nombreuses. Un nom d’oiseau porté par une fleur carnivore marocaine qui, actuellement, se trouve sous les feux des projecteurs de la recherche biomédicale. La particularité de cette fleur ? Sous nos cieux, elle vit en symbiose avec un champignon (fusariumtricinctum) à partir duquel un scientifique marocain a pu isoler un composant qui a montré des résultats prometteurs en tant que remède puissant contre le cancer triple négatif agressif du sein. La découverte du Dr Ahmed Chadli, biochimiste au Département de médecine de l’Université Augusta (Géorgie, Etats Unis), a été relayée dans plusieurs médias spécialisés et notamment dans ceux de l’American Association for the Advancement of Science et du News Medical Life Science. L’engouement autour de cette découverte s’explique en grande partie par l’absence actuelle de thérapie ciblée pour le cancer triple négatif du sein qui est, par ailleurs, considéré comme une forme des plus agressive représentant 10 à 20 % des cancers du sein.
Pour éviter les attaques du système immunitaire, le cancer détourne un « chaperon moléculaire » connu sous le nom de HSP90 qui est, en temps normal, un puissant protecteur cellulaire naturel qui aide les cellules à survivre au stress. Ce détournement permet au cancer de perpétuer sa croissance sauvage en évitant aux cellules cancéreuses d’être ciblées par les moteurs de la réponse immunitaire. Pour casser ce cycle vicieux, les chercheurs tentent d’inhiber la HSP90 détournée. « Les inhibiteurs actuels de la HSP90 se sont révélés prometteurs, mais n’ont pas vraiment permis de traiter efficacement le cancer avec des effets secondaires tolérables », explique le Dr Chadli dans un article publié sur le site web de l’Université Augusta. C’est à ce niveau que le composant (le peptide EnnA) isolé à partir du champignon marocain entre en jeu. « EnnA permet au système immunitaire de faire ce qu’il doit faire en mettant la HSP90 hors d’état de nuire. Nous sommes très enthousiastes quant à l’effet de ce composé sur les tumeurs », se réjouit le biochimiste marocain.
Le champignon et la plante sur laquelle il pousse ont déjà été considérés par le passé comme ayant des vertus médicinales. Le Dr Chadli a cependant la preuve, à la fois dans des cultures cellulaires et dans un modèle animal de cancer du sein agressif triple négatif, que le composé EnnA est « le type de tueur de tumeurs efficace » qu’il recherchait. Lorsque le biochimiste examine les images microscopiques de la tumeur du cancer du sein 15 à 20 jours après le traitement par EnnA, la masse tumorale du sein, normalement dense, est littéralement criblée de trous et une foule de cellules immunitaires semblent installées. « Le système immunitaire commence à reconnaître les cellules cancéreuses comme étrangères et va les détruire », explique-t-il. C’est l’illustration tangible d’un mécanisme de destruction des tumeurs que les scientifiques appellent « mort cellulaire immunogène ». « Nous avons constaté que les cellules tuées par EnnA semblent également s’immuniser contre les attaques ultérieures des cellules cancéreuses », affirme le chercheur.
Pour explorer le potentiel manifestement très prometteur d’EnnA, le biochimiste marocain a reçu une subvention de 1,8 million de dollars de la part du National Cancer Institute. Si le chercheur et son équipe n’ont à ce jour pas constaté d’effets secondaires évidents d’EnnA, ils continuent d’étudier les paramètres de toxicité et de dosage du composé afin de pouvoir passer à l’étape d’utilisation clinique chez des patients humains. Les chercheurs disposent par ailleurs de « quelques preuves » que le composé pourrait être plus largement applicable à d’autres types de cancer du sein ainsi qu’à d’autres types de tumeurs solides comme le mélanome. À noter que le site de l’Université de Augusta a souligné que Pr Chadli a fait sa découverte après une rencontre (et plus tard collaboration) avec le Dr Abdessamad Debbab, chimiste médicinal à l’Institut de biologie pharmaceutique et de biotechnologie de l’université Heinrich-Heine de Düsseldorf, il y a quelques années, lors d’une réunion de la Société Marocaine de Pharmacologie.
Oussama ABAOUSS
« Les champignons du Maroc n’ont pas encore livré tous leurs secrets »
Biologiste spécialisé en mycologie, le Pr Mohamed Haimed a répondu à nos questions sur la biodiversité fongique du Royaume et sur la place des champignons dans la culture marocaine.
La biodiversité fongique du Maroc est-elle bien connue et suffisamment étudiée ?
Le Maroc est connu depuis longtemps par sa biodiversité fongique. Parmi les références à l’échelle internationale, deux ouvrages incontournables ont été préparés par les chercheurs Malençon et Bertault, grâce à un travail réalisé entre 1930 et 1955. Depuis, il y a eu des études marocaines menées notamment par les laboratoires affiliés aux Facultés des sciences de l’Université Ibn Tofail de Kénitra et de l’Université Mohammed V de Rabat. Cela dit, il reste beaucoup à découvrir dans ce domaine. Les champignons du Maroc n’ont pas encore livré tous leurs secrets.
Quelle place occupent les champignons dans la culture marocaine ?
Les champignons avaient dans le passé une perception plutôt négative. Ces espèces étaient plus associées à la pourriture et à la toxicité. Même dans notre culture culinaire, les champignons étaient quasiment absents, sauf pour les familles juives qui consommaient régulièrement le Terfes par exemple. Nous n’avions pas la culture et le savoir-faire de cueillette qu’on peut par exemple trouver dans les pays européens. Cette tendance a cependant changé ces dernières décennies, car la cuisine marocaine a commencé à adopter les champignons qui ont d’ailleurs largement fait leur apparition dans les grandes surfaces.
Outre leurs vertus alimentaires et médicinales, quelle est la valeur écologique des champignons ?
Les champignons constituent le premier maillon des cycles écologiques des écosystèmes naturels. C’est grâce à eux que la matière organique est décomposée, fournissant ainsi aux sols les minéraux essentiels à la photosynthèse des plantes. Il existe néanmoins des menaces qui pèsent sur certaines espèces fongiques : le surpâturage, l’urbanisation, la pollution ou encore le réchauffement climatique.
Recueillis par O. A
Si certains champignons sont toxiques pour la consommation humaine, d’autres peuvent s’avérer nocifs pour l’agriculture. Pour lutter contre ce fléau, les chercheurs développent des fongicides adaptés qui permettent de limiter ou de prévenir les dégâts agricoles potentiels. La dernière trouvaille dans ce domaine a pris la forme d’un produit biofongicide et biostimulant développé par une équipe de chercheurs de la Faculté des sciences de Kénitra.
« Ce produit à base de Trichodermaasperellum (une espèce de champignon, ndlr) est susceptible d’application industrielle et présente une utilité déterminée, probante et crédible », souligne un communiqué datant du 18 janvier 2021 et diffusé en marge de la cérémonie de signature du contrat de cession à la société privée Agricultural And Trading Company (ATRACO SARL) du brevet d’invention de l’Université Ibn Tofail de Kénitra. Présidée par le ministre de l’Education nationale, de la formation professionnelle, de l’enseignement supérieur et de la recherche scientifique, Saaïd Amzazi, et du ministre délégué chargé de l’Enseignement supérieur et de la recherche scientifique, Driss Ouaouicha, « cette première cérémonie du genre au niveau national s’inscrit dans le cadre de la stratégie mise en œuvre par l’université pour la commercialisation de la propriété intellectuelle avec comme objectif la valorisation et le transfert des résultats de la recherche académique au monde socio-économique sous forme de produits et services, ainsi que la promotion du partenariat public-privé », précise la même source.
Ces champignons qui sauvent le monde
Plusieurs espèces de champignons ont démontré des qualités médicinales et thérapeutiques qui sont devenues incontournables dans la médecine moderne. C’est le cas, par exemple, de la pénicilline découverte par Dr Alexander Fleming à partir d’un champignon (Penicillium). La gamme des composés actifs sur le plan médical qui ont été identifiés à partir de champignons comprend des antibiotiques, des médicaments anti-cancer, des inhibiteurs du cholestérol, des substances psychotropes, des médicaments immunosuppresseurs et même des antifongiques.
L’intérêt socio-économique des champignons
Le marché dédié aux champignons prend de plus en plus d’ampleur au Maroc, confirmant l’intérêt socio-économique important de ce secteur. En plus du Terfes, le Royaume héberge actuellement plusieurs projets de culture de champignons et notamment celui de la truffe noire. « La culture ou cueillette des champignons est un secteur très prometteur qui peut créer de l’emploi et de la valeur à partir d’investissements qui ne sont pas lourds. À cet effet, il faut que des formations adaptées voient le jour », souligne le Pr Mohamed Haimed.
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