Consultez les mentions légales (RCP) des médicaments disponibles dans votre pays
Médecine d'Afrique Noire
Consulter la revue
Médecine du Maghreb
Consulter la revue
Odonto-Stomatologie Tropicale
Consulter la revue
Restez informés : recevez, chaque jeudi, la lettre d'informations de Santé Maghreb.
Accueil > Santé Maghreb au Maroc > Revue de presse
Médias24 | Maroc | 16/03/2021
Quatre cas de thrombose ont été notifiés au Maroc, aucun n'est décédé. Le lien avec le vaccin n'est pas établi. En attendant la décision de la commission nationale de pharmacovigilance, voici les détails et explications du Centre national antipoison et de pharmacovigilance.
Le vaccin AstraZeneca est actuellement la cible d'une grande controverse au sujet de supposés effets secondaires liés à la formation de caillots sanguins (thrombose). Cette simple supposition a poussé de nombreux pays d'Europe à suspendre son utilisation en attendant l'avis de l'Agence européenne des médicaments (EMA).
De son côté, l'OMS réunit ce mardi 16 mars, le Groupe consultatif d'experts sur la vaccination pour étudier la sûreté du vaccin.
En attendant la décision de la commission nationale de pharmacovigilance, Médias24 a contacté la Centre national de pharmacovigilance, pour savoir si des cas de Thrombose ont été détectés et afin de connaitre son avis sur une éventuelle suspension de l'utilisation du vaccin au Maroc, également. Ce centre étant chargé du suivi des effets secondaires des médicaments de façon générale et bien évidemment de l'opération de vaccination anti-Covid.
"Dans l’état actuel des connaissances que nous possédons, il n’y a aucune inquiétude à se faire par rapport au vaccin AstraZeneca. Il n’y a pas lieu de s’inquiéter et il n’y a pas de raison de suspendre l’utilisation du vaccin AstraZeneca", nous déclare Pr Rachida Soulaymani Bencheikh, directrice du centre antipoison et de pharmacovigilance du Maroc (CNPV) et directrice du centre collaborateur de l'OMS pour le renforcement des pratiques de la pharmacovigilance.
"Néanmoins, la commission technique de pharmacovigilance et la commission nationale de pharmacovigilance vont se réunir incessamment, c’est-à-dire aujourd’hui ou demain, pour renforcer cet avis par celui d’un groupe d’experts multidisciplinaires", ajoute-t-elle.
"Nous sommes en train de réunir ce groupe pour lui exposer l’ensemble des données recueillies à ce jour et pour qu’il puisse donner son avis. Par ailleurs, nous restons très vigilants et à l’écoute de ce qui se dit au niveau international au cas où de nouvelles données sont exposées", poursuit-elle.
Elle nous expose les arguments et données ayant mené le centre national antipoison et de pharmacovigilance à cette position.
"Au Maroc, quatre cas d'effets indésirables thromboemboliques ont été notifiés à ce jour. Ce qui représente moins d'un cas déclaré par million de personnes vaccinées", nous confie notre interlocutrice. Initialement, une dizaine de cas d'événements en relation avec la coagulation sanguine ont été rapportés, mais après examen de chacun des cas dans le cadre du comité national de vaccination composé de professeurs spécialistes, quatre cas seulement ont été retenus comme des accidents thromboemboliques.
"Dieu merci, nous n’avons constaté aucun décès suite à ces accidents", assure notre interlocutrice. Pour ce qui est de l'état de santé de ces personnes, Pr Soulaymani explique que la rémission après des accidents thromboemboliques nécessite du temps. "Néanmoins, la majorité de nos cas ont très bien évolué et d'autres sont encore en cours de guérison".
Ces quatre cas ont été investigués dans le cadre du comité national scientifique de la vaccination, réuni le mardi 16 mars.
Après analyse approfondie des cas signalés, voici ce qu’il en ressort :
Quelle lecture doit-on faire de ce chiffre ? "Quand on regarde le peu de statistiques mondiales disponibles sur les accidents thromboemboliques dans la population générale indépendamment des campagnes de vaccination, on estime l’incidence globale de cette pathologie dans une population autour de 5 cas pour un million de personnes", nous répond Pr Soulaymani.
"Nous avons donc moins de cas de thrombose chez les vaccinés que dans une population générale", poursuit-elle.
Il est aussi pertinent d'analyser le groupe de personnes chez qui cet incident est survenu. Sur ce registre, la directrice du CNPV avance que "la majorité des cas recensés actuellement sont des personnes âgées qui sont soit hypertendues, soit diabétiques, soit ont des atteintes cardiovasculaires connues à l'avance. Ce sont des maladies avec plusieurs facteurs thrombogènes".
"Est-ce que le vaccin peut être pris pour responsable ? On ne peut pas trancher ce point dans l'état actuel des connaissances", affirme-t-elle.
"Il faut aussi savoir que ces incidents ne sont notifiés que pour le vaccin AstraZeneca. Sur la base de données internationales à laquelle nous avons accès en temps réel, AstraZeneca arrive en troisième position pour les accidents thromboemboliques derrière Pfizer et Moderna", nous assure-t-elle.
Ce qui soulève la question : pourquoi seul le vaccin AstraZeneca est pointé du doigt et pas les autres ?!
Par ailleurs, explique Pr Soulaymani, "ce problème d'accidents thromboemboliques avec les vaccins a été déjà soulevé pour plusieurs vaccins par le passé, notamment les vaccins anti-grippaux. Le phénomène est soupçonné depuis longtemps avec certains vaccins sans que cela n'arrête pour autant la vaccination", nous explique-t-elle.
Le débat est scientifiquement lancé sur la question de savoir si le vaccin est un facteur favorisant ce genre de manifestations sans qu'il ne soit tranché.
"Nous ne comprenons pas la position européenne sur ce dossier et encore moins celle de certains pays qui ont suspendu des lots en particulier. D’abord, il faut savoir que nous n’avons pas ces lots au Maroc. Cela dit, la suspension d’un lot est incompréhensible, car si le vaccin était responsable de ces incidents, peu importe le lot, il y aurait des incidents similaires", analyse Pr Soulaymani.
"Maintenant, quand on décide de retirer un lot donné, c’est que sa qualité est remise en cause. Alors que ce phénomène n’est pas lié à la qualité du vaccin", poursuit-elle.
Le système de pharmacovigilance a été renforcé pour la campagne de vaccination
En tous les cas, le Maroc est souverain dans ses décisions. Il l'a prouvé plus d'une fois depuis la déclaration de cette pandémie, sur plusieurs dossiers comme l'utilisation de la chloroquine, le confinement précoce, l'enseignement à distance, ou l'utilisation du vaccin AstraZenaca pour les personnes âgées de plus de 65 ans.
En février dernier, plusieurs pays européens avaient déconseillé l'utilisation du vaccin AstraZeneca pour les plus de 65 ans parce qu'ils avaient des doutes sur son efficacité pour cette catégorie. Début mars, ils sont revenus sur cette décision et ont autorisé le vaccin britanico-suédois pour les personnes âgées de plus de 65 ans.
Entre temps, le Maroc a maintenu sa stratégie de vaccination inchangée et il a eu raison, ce qui lui a permis un gain de temps considérable.
Aujourd'hui encore, les autorités sanitaires marocaines doivent prendre une décision en se basant sur un bon système de pharmacovigilance reconnu au niveau international qui est pleinement mobilisé dans le suivi de la campagne de vaccination.
"Nous avons des procédures rodées qui ont donné de bons résultats", assure Pr Rachida Soulaymani Bencheikh.
"En prévision de la campagne de vaccination contre la covid-19, le ministère de la Santé a renforcé ce système sur le volet réglementaire et au niveau régional. Il a également mis en place un système d’information pour la remontée d’information sur les effets indésirables via l’application Yakada Liqah", ajoute notre interlocutrice.
"Ceci a donné de bons résultats dans la mesure où le système reçoit 1,3 notification pour chaque 1000 vaccinations. Ces notifications émanent à la fois des populations et des professionnels de la santé", nous explique-t-elle tout en précisant que ce ratio démontre l'efficacité du système de notification mis en place.
Ces notifications font par la suite l’objet d’analyse et de validation par le centre national de pharmacovigilance (CNPV) pour établir la relation de cause à effet.Autrement dit si l’incident notifié est causé ou non par l’opération de vaccination.
"Il faut savoir que toute l’information analysée et validée par le centre est automatiquement partagée au jour le jour dans la base de données internationale de l’OMS. Au niveau national, nous faisons un bilan hebdomadaire qu’on partage avec le ministre et avec le comité central de vaccination. Ils sont au courant de tout ce qui est notifié. Ainsi, on peut prendre les décisions qui s’imposent après discussion avec les experts", nous explique-t-elle.
Selon les données disponibles, plus de 50% des effets indésirables collectés à ce jour sont des réactions locorégionales ou des signes généraux (fièvre ou fatigue…). "Ce sont des effets bénins passagers prévisibles et attendus", commente la directrice du CNPV.
"On peut aussi avoir des effets indésirables prévisibles sérieux. On les connaît et ils sont attendus dans la mesure où ils sont ressortis dans le cadre des essais. Parmi ces effets, il y a le choc anaphylactique dû à des allergies. Dans la mesure où ce risque est connu et qu’on sait qu’il peut survenir, on l’anticipe", poursuit-elle.
Le Maroc a justement mis en place une procédure bien ficelée qui permet de prévenir ce genre d’incidents, ou sa prise en charge s’il survient. Des personnels des centres de vaccination ont été sensibilisés à ce risque et formés pour sa prise en charge.
La consigne a été donnée pour que toute personne allergique aux médicaments ne soit pas vaccinée. Et que toute personne vaccinée doit rester 20 minutes au niveau du lieu de vaccination, car ces allergies surviennent 5 à 10 minutes après la vaccination. Tous les centres ont été équipés avec les médicaments nécessaires pour la gestion de ces incidents.
"À ce jour, 12 cas d’allergies sérieuses sont survenus et ont tous été pris en charge", nous confie-t-elle.
Hayat Gharbaoui
APIDPM © Copyright 2000-2024 - Tous droits réservés. Site réalisé et développé par APIDPM Santé tropicale.