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Maroc Hebdo | Maroc | 17/12/2020
Dans une interview exclusive, le patron de l’ANAM, Docteur Khalid Lahlou, revient notamment sur la polémique suscitée récemment par les agissements de certaines cliniques privées dans le cadre de la prise en charge des malades du Covid-19.
Trois cliniques privées ont été récemment sanctionnées par l’ANAM pour surfacturation des prestations médicales liées au Covid-19. L’ANAM compte-t-elle maintenir la pression sur les cliniques privées ?
Conformément aux orientations royales et consciente de son devoir, à l’image de l’ensemble des intervenants de l’assurance maladie obligatoire, l’ANAM s’est engagée à participer activement à la gestion de la crise sanitaire que vit notre pays, marquée par la propagation de la pandémie liée à la Covid-19. En effet, cet engagement s’est exprimé par l’élaboration d’un protocole de prise en charge des actes et des prestations liées à la Covid-19 par les organismes gestionnaires de l’AMO.
Après sa validation par le comité national technique et scientifique de la grippe et des infections respiratoires aiguës relevant du ministère de la Santé, ce protocole a été largement diffusé par l’ANAM ainsi que la tarification y afférente. Suite à cela et devant l’agissement de certains prestataires, le ministre de la Santé a ordonné des missions d’inspection qui ont révélé des dépassements tarifaires justifiant ainsi la suspension provisoire du mode tiers payant, par l’ANAM à l’encontre de trois cliniques, dans le cadre de la convention nationale conclue entre les organismes gestionnaires de l’AMO et les médecins et les établissements de soins du secteur privé et l’exigence de la restitution des sommes indues perçues au profit des assurés victimes des dépassement.
Allez-vous continuer cette pression sur les cliniques ?
L’ANAM n’exerce aucune pression sur quiconque, elle travaille plutôt pour défendre les intérêts de toutes les parties, à savoir, préserver l’équilibre budgétaire des caisses, permettre aux prestataires d’exercer une médecine de qualité pour le compte des assurés AMO. Dans ce sens, l’ANAM agit en conformité avec les dispositions de l’article 40 du décret 2-05- 733, qui encadre les missions de contrôle technique et en tant que membre de la commission nationale et des commissions régionales, créées par le ministre de la Santé destinées au suivi et au contrôle des prises en charge des patients de la Covid au niveau des cliniques.
Certaines cliniques privées font usage de pratiques interdites par la loi, dont l’exigence du chèque de garantie. L’ANAM a-t-elle le pouvoir pour stopper cette pratique ?
La pratique de demander aux personnes assurées ou à leurs ayant-droits une garantie en espèces, par chèque ou tout autre moyen de paiement en dehors de la part restant à leur charge, est interdite en vertu de l’article 75 de la loi 131.13 relative à l’exercice de la médecine. Cette pratique est aussi répréhensible et ce conformément à l’article 316 du Code du commerce. En effet, la demande du chèque de garantie par les cliniques privées est la conséquence de l’absence de certains dispositifs permettant à la fois de connaitre le statut des assurés auprès des caisses et de garantir le paiement des prestations aux professionnels de santé.
Consciente de cette problématique, l’ANAM, dans la perspective d’y mettre un terme, a prévu au sein de sa stratégie 2020- 2024 une série de mesures et de solutions innovantes visant à préserver les intérêts des différentes parties, passant par, entre autres, la mise en place d’un système d’information interconnecté, des demandes et des accords de prises en charge dématérialisés…
Pourquoi l’ANAM ne met pas en place une nomenclature tarifaire pour les prestations médicales liées au covid-19 ?
L’ANAM a déjà élaboré un protocole thérapeutique lié aux soins et aux actes médicaux nécessaire pour la prise en charge de la covid-19. Ce travail a été accompagné de sa grille tarifaire basée sur la tarification nationale de référence en vigueur. Toutefois et suite à la communication de ce protocole, la problématique liée au tarif de prise en charge et plus précisément celle de la réanimation a émergé. Face à cette nouvelle situation, une rencontre présidée par le ministre de la Santé, en présence des représentants des prestataires de soins privés et de l’ANAM, s’est conclue par un engagement à discuter les modalités de prise en charge et le tarif correspondant, dans le cadre de la commission permanente de suivi émanant de la convention nationale liant les organismes gestionnaires aux médecins et établissements de soins du secteur privé.
À ce titre, une première réunion s’est tenue, le mardi 24 novembre 2020, qui a débouché sur l’adoption d’un scénario visant la revalorisation de la tarification nationale de référence en se référant à celle signé en janvier 2020 avec la CNSS et qui fera l’objet d’une évaluation et d’une étude d’impact dans le cadre d’une commission mixte constituée de l’ANAM, la CNOPS et la CNSS.
Mais cette revalorisation va avoir un impact sur les finances de la CNOPS, qui sont déjà fragilisées…
Certes, nous sommes conscients que cette revalorisation générera une pression supplémentaire sur les finances de la CNOPS, qui souffre déjà d’un déficit technique. Toutefois, cette question fait l’objet des discussions et des travaux de la commission ad-hoc composée des ministères de l’Économie, des Finances et de la Réforme de l’Administration, de la Santé, du Travail et de l’Insertion professionnelle ainsi que l’ACAPS, l’ANAM et la CNOPS.
Des négociations sont en cours entre votre Agence et les laboratoires privés pour réviser à la baisse les prix des tests PCR. Qu’en est-il de ce chantier ?
Le protocole de prise en charge de la Covid- 19 contient en son sein une étape de diagnostic reposant sur le test RT-PCR. Le tarif de ce dernier a été fixé par le ministre de la Santé sur la base d’une cotation à B600, pour l’ensemble de la population, suite à la recommandation de la commission nationale de nomenclature. L’ANAM, en vertu de ses missions et afin de réduire l’impact financier conséquent généré par ce test, a engagé des négociations, dans le cadre de la commission permanente de suivi, avec les représentants des biologistes privés afin de fixer un tarif spécifique à la population couverte par l’AMO.
En effet et conscients de leur devoir citoyen, les biologistes du secteur privé ont répondu favorablement à cette requête en participant activement, en ce qui les concerne, à la gestion de la crise sanitaire. Les discussions censées arrêter un tarif national de référence sont arrivées à un accord et nous sommes en phase de concrétisation à travers la signature de l’avenant en vue de sa publication par arrêté.
Vous avez récemment rendu publiques les bases tarifaires de remboursement pour l’AMO dans le cadre des soins covid-19. Comment avez-vous évalué ces bases tarifaires ?
Le coût de la prise en charge de la maladie Covid-19 selon le protocole réalisé s’est basée essentiellement sur les outils de régulation déjà établis et développés par l’ANAM dans le cadre de sa mission d’encadrement technique de l’AMO, à savoir: le Guide des médicaments remboursables (GMR), qui représente la base de remboursement des médicaments dans le cadre de l’AMO; les différentes nomenclatures nationales, à savoir celle concernant les actes médicaux (NGAP) et celle des actes de biologie (NABM), qui définissent les cotations des actes remboursables; enfin, les différentes conventions nationales liant les organismes gestionnaires de l’AMO aux prestataires de soins publics et privés (établissements des soins privés, CHU), arrêtant les tarifs forfaitaires et les valeurs des cotations.
Néanmoins, l’ensemble des parties sont conscientes de l’existence d’un surcoût généré par la spécificité de la prise en charge de cette affection. Des réunions sont en cours pour dépasser cette contrainte en se basant sur la tarification actée en janvier 2020 avec la CNSS. Cependant, cette tarification est vouée à être révisée dans le cadre des travaux continus de la commission de négociation et de suivi créée à cet effet.
On vous désigne comme le gendarme du secteur privé de la santé, avez-vous l’intention de renforcer le contrôle pour préserver l’intérêt des malades ?
L’ANAM est l’entité responsable de la régulation et de l’encadrement technique de l’AMO et, par conséquent, elle est vouée à proposer au ministre de la Santé des missions de contrôle technique comme il est stipulé dans l’article 40 du décret 2-05-733. L’actualité récente n’a fait que conforter cette mission suite à la création par le ministre de la Santé de la commission nationale et des commissions régionales destinées au suivi et au contrôle des prises en charge des patients de la Covid-19 au niveau des cliniques. Ces commissions tiennent des réunions hebdomadaires pour, entre autres, détecter toute anomalie et décider, le cas échéant, d’effectuer des missions de contrôle ou d’inspection.
L’ANAM a gagné en influence pendant la crise de la Covid-19. Quelle est votre stratégie pour consolider cette influence ?
L’ANAM a lancé, bien avant cette crise sanitaire, plusieurs chantiers qu’elle a traduits en projets dans sa stratégie 2020-2024 et censés accompagner la réforme de la couverture médicale de base. La pandémie de la Covid 19 n’a fait que mettre en relief le rôle clé que joue l’Agence à travers les outils de régulation à l’instar des protocoles thérapeutiques, le parcours coordonné de soins, la prévention permettant in fine de garantir l’équilibre des caisses.
Toutefois, il faut rappeler que la réglementation actuellement en vigueur limite le champ d’action de l’ANAM en tant que vrai régulateur. À cet effet nous comptons profiter de cette vague de réformes pour retrouver la place naturelle qu’elle devrait occuper en tant que régulateur de la couverture médicale de base en vue d’atteindre la couverture santé universelle.
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