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Maroc Hebdo | Maroc | 17/12/2020
L’information générale disponible fait état de réserves et de controverses frappant tous les vaccins… Pourtant, l’autre option, la non-vaccination serait une catastrophe humanitaire mondiale.
Il faut évidemment saluer la décision royale de la gratuité de la vaccination contre le Covid-19. Alors que le gouvernement s'échinait laborieusement à trouver une solution à ce sujet avec l'hypothèse d'un prix étudié différencié et d'une prise en charge par les organismes sociaux, la sentence est donc tombée. Une nouvelle expression d'une "monarchie sociale", plaçant le Souverain au centre des impulsions et des décisions dans ce domaine.
Ce vaccin, précisément, comment se présente- t-il ? De quel vaccin s'agira-t-il au fait ? Comment s'organisera ensuite la logistique ? Il est prévu qu'il ne sera pas, bien entendu, généralisé du jour au lendemain à quelque 25 millions de personnes de plus de dix-huit ans, mais par étapes et par priorités. Selon les recommandations de l'Organisation mondiale de la Santé (OMS), seront concernées en priorité les personnels de "première ligne" (santé et sécurité), puis ce que le ministre Khalid Aït Taleb a appelé les "personnes utiles" (transport,...), celles de plus de 65 ans et celles à risque souffrant de maladiUne véritable course au vaccines chroniques.
Le Maroc a été l'un des premiers pays à prendre, au titre du principe de précaution, des mesures d'achat de vaccins à l'étranger. Il a ainsi signé avec la société chinoise Sinophram une option d'achat de 10 millions de vaccins. Il a aussi, dans cette même ligne, conclu un autre accord avec le laboratoire britannique AstraZeneca pour un total de 8 millions de vaccins. Il est prévu, dans l'agenda gouvernemental actuel, qu'à la fin du premier trimestre 2021, un bon tiers de la population commencera ainsi à bénéficier de cette inoculation.
Pour l'heure, en tout cas, la validation finale de ces deux vaccins importés n'est pas encore finalisée. L'état des lieux sur les onze vaccins en phase 3 des essais cliniques donne des indications différenciées, voire contrastées. Cette phase 3 en quoi consiste-t-elle ? Il s'agit de tests sur un grand nombre de volontaires pour confirmer l'efficacité du candidat vaccin et rechercher les effets secondaires avant sa mise sur le marché. L'on observe une véritable course au vaccin, un chemin semé d'obstacles vers un remède efficace : essais cliniques, production, acheminement, ...
Dès le mois de janvier 2020, des équipes de chercheurs se sont ainsi mobilisées, au lendemain de la publication par la Chine de la séquence SARS-Cov-2, et ce, soit dans des Universités (Oxford au Royaume-Uni, Queensland en Australie) ou encore des start-ups. Elles ont été rapidement rejointes par des géants pharmaceutiques mondiaux : les américains Pfizer, Johnson & Johnson, les britanniques AstraZeneca et GSK ainsi que le français Sanofi, Des technologies multiples sont en oeuvre. Les unes sont des vaccins classiques à partir d'un virus vivant atténué ; d'autres à partir de virus bien connus (rougeole, adénovirus, ...), modifiés génétiquement ; d'autres encore conçus à partir d'un fragment du code génétique du virus (ARN ou ADN) mais qui n'ont jamais été approuvées pour l'Homme.
Il faut ici donner des précisions sur le vaccin à ARN, qui est un type de vaccin activant le système immunitaire. Il fait l'objet d'une certaine défiance, certains évoquent même qu'il pourrait changer l'ADN des personnes l'ayant reçu. Si le vaccin est efficace, l'organisme va réagir et générer des réponses immunitaires sous la forme d'anticorps et de réponse cellulaire. Les vaccins à ARN de l'allemand BioTech, allié à l'américain Pfizer, et de Moderna (USA) sont avancés dans ce domaine. Le 9 novembre 2020, BioTech-Pfizer ont été ainsi les premiers à annoncer des résultats de l'ordre de 90% d'efficacité chez les personnes vaccinées.
Cela dit, bien des interrogations subsistent. Du côté du vaccin chinois, il reste une ultime validation des essais en phase terminale ; elle est prévue dans les meilleurs délais. Quant au vaccin du laboratoire AstraZeneca, les premières réactions après l'inoculation du vaccin, ces derniers jours seulement, confortent bien des doutes après les effets secondaires constatés. De quoi conduire sans doute le Maroc à reconsidérer son option d'achat en direction de ce laboratoire britannique. D'un autre côté, la valeur scientifique des données mises en avant pour faire des annonces d'efficacité reste discutable dans la communauté des chercheurs et des spécialistes.
Comment, dans ces conditions, apprécier la force de protection conférée par le vaccin et comparer ainsi de manière significative le nombre de volontaires infectés dans le groupe vacciné et dans le groupe sous placebo ? Autant de résultats partiels aujourd'hui qui devront être confirmés par des statistiques plus larges. Autre interrogation : la durée de la protection conférée par le vaccin, laquelle reste à déterminer. Aujourd'hui, l'efficacité du vaccin est évaluée au moment le plus favorable, lorsque les anticorps sont les plus nombreux.
Mais combien de temps persisteront-ils ? Il faut ajouter encore que l'on ne sait pas l'effet du vaccin sur des sujets précédemment infectés, seules les personnes séronégatives étant acceptées dans l'étude des essais. Protection et sûreté du vaccin dans le temps : voilà une inconnue. D'autres questions sont à relever, dont celles-ci: le vaccin permet-il d'éviter les formes graves de la maladie? Protège-t-il les sujets fragiles, en particulier les personnes âgées ? Une question essentielle pour mettre en place une politique vaccinale conséquente.
Vendre, acheminer, vacciner la population : tels sont les termes de référence de cette situation. Vendre ? Il y a bien la communauté internationale qui considère volontiers le futur vaccin comme "un bien public mondial". Mais qu’en est-il, au juste ? Chaque fabricant est libre de fixer le prix de son produit. L’accessibilité est donc un premier problème. De plus, elle conduit à relever un gros différentiel entre le Nord et le Sud. L’ONG Oxfam a ainsi signalé, en septembre dernier, que les pays riches, soit 13% seulement de la population mondiale, avaient mis la main sur plus de la moitié (51%) des doses des principaux vaccins à l’étude. Une sorte de monopolisation… tournant le dos à la facilitation de l’accès de tous aux outils de lutte contre la Covid-19 (vaccins, traitements, diagnostics).
L’acheminement du vaccin n’est pas le moins problématique : comment mettre à la disposition des milliards de doses à des milliards d’individus en même temps, aux quatre coins de la planète ? Un défi logistique à relever, aggravé par des contraintes supplémentaires en termes de respect de la chaîne du froid (-70°C, congélateurs spécifiques de 10.000 euros l’unité, stockage) – même si le groupe Moderna propose des congélateurs "standards" à -20°C et à 2°c et 8°C par exemple pour le vaccin Sanofi GSK.
Enfin, vacciner, mais suivant quelles modalités ? Le calendrier est très accéléré et la disponibilité des vaccins pour l’ensemble de la population n’est pas réalisable avant au moins la fin 2021. La "résistance" au vaccin, voire même à tous les vaccins dans certains pans de la population, n’est pas négligeable. Se pose notamment la question des ingrédients de la confiance. Au Maroc, comme ailleurs, toute une culture anti-vaccin existe.
A propos du vaccin Covid-19, l’on observe davantage de rigidité et de ressorts peu favorables. Les réseaux sociaux nourrissent et surdimensionnent même cet état d’esprit d'anxiété mâtinée d’alarmisme. Le "Made in China" du vaccin Sinophram ne bénéficie pas d’un grand préjugé favorable. L’information générale disponible sur toutes les chaînes fait état des réserves et des controverses frappant tous les vaccins, Sinophram, Pfizer et autres… Pourtant, il n’y a pas d’autre choix que la vaccination ; l’autre option, la non-vaccination, n’est ni acceptable ni souhaitable parce qu’elle serait une catastrophe humanitaire mondiale.
Il importe donc d’instaurer la confiance : elle est le pivot de toute stratégie vaccinale. Elle prend des chemins très différents dans notre stratégie –dans les pays étrangers aussi. Elle dépend du niveau d’éducation, de l’âge, de la profession, de l’assignation territoriale, … Le gouvernement El Othmani se distingue t- il dans ce domaine ? Les départements de la santé et de l’intérieur sont sur le « front office », en pleine exposition.
Des orientations royales ont été données et réintégrées dans ce sens pour engranger des gains de confiance : transparence complète dans la diffusion de l’information ; sa crédibilité soutenue par la communauté scientifique ; la cohérence des messages. Tout cela avec des relais de proximité et de validation par les réseaux sociaux. Une capacité à insérer cette communication dans un récit collectif. Un esprit de solidarité et de citoyenneté.
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