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Albayane | Maroc | 15/12/2020
En ces jours ensoleillés du mois de novembre, l’effervescence qui caractérise l’hôpital Mustapha-Pacha ne faiblit pas. L’accès à ce grand CHU est constamment bloqué par des dizaines de voitures qui se disputent l’entrée à longueur de journée.
Les différentes plaques minéralogiques se dirigeant vers cet hôpital donnent une idée sur sa renommée, qui a, apparemment, dépassé les limites territoriales de la capitale. Les occupants des véhicules viennent des quatre coins du pays à la recherche, sans doute, de la meilleure prise en charge possible ou de l’émérite expertise médicale de ses centaines de professeurs, maîtres assistants et autres praticiens spécialistes. Aussi, à l’intérieur, il y a foule. Les agents de sécurité essaient, tant bien que mal, de canaliser le flux dès 8h devant le service des urgences. Un service scindé en deux, puisqu’une partie est toujours réservée aux urgences habituelles et l’autre est dédiée à l’imagerie médicale, là où l’on doit passer un scanner thoracique en cas de suspicion du coronavirus.
Auparavant, il faut passer par le centre de tri, spécialement créé pour l’occasion, qui se trouve juste en face des urgences. Là, les médecins examinent les patients et décident s’ils doivent passer par le scanner ou rentrer chez eux. Pour y accéder, on s’y presse.
Les agents de sécurité essaient tant bien que mal de faire respecter la distanciation entre les dizaines de personnes qui attendent, mais en vain. « Tout ce qu’on peut faire c’est de les obliger à ne pas baisser leur masque », explique un agent, d’un air las. « Ils sont tous pressés et chacun dit que son cas est plus urgent que celui des autres, on n’a plus d’arguments pour les retenir ».
Du coup, le meilleur moyen de se prémunir, reste la désinfection. Des agents en tenue de protection passent constamment pour asperger les moindres recoins de l’endroit en produits désinfectants. La consultation dure en moyenne une vingtaine de minutes. Alors que quelques personnes obtiennent le précieux sésame qui leur permettra de passer un scanner, d’autres sont renvoyées chez eux ; fausse alerte !
Mais le parcours est encore long pour les premiers. Il faut deux à trois heures d’attente pour passer le scanner, attendre ensuite pour récupérer sa radio, puis, du service des urgences aller vers une autre structure où des médecins sont chargés de statuer sur votre cas. Une autre chaine de quelques heures au vu de la foule. Selon les résultats, vous êtes dirigés vers un autre service en vue d’une hospitalisation immédiate si votre cas le nécessite ou un suivi médical externe avec octroi du traitement adéquat, gratuitement. Vous êtes également tenu de vous présenter à la consultation tous les deux jours.
Ce parcours du combattant, si l’on peut dire, est justifié par la pression exercée au quotidien sur cette structure hospitalo-universitaire.
Pour le directeur des activités médicales et paramédicales, le Pr Belhadj Rachid, qui coordonne l’opération de prise en charge de la pandémie du coronavirus, bien que le nombre de patients ne cesse d’augmenter, « la situation est maitrisable ».
C’est une moyenne de 100 à 125 personnes atteintes de la Covid qui est enregistrée chaque jour. « On arrive à hospitalise quotidiennement jusqu’à 15 personnes, ce qui n’est pas une mince affaire lorsque l’on sait que la durée d’hospitalisation dépasse les dix jours. Il y a par ailleurs les deux tiers des patients qui sont traités en soins ambulatoires. En tout, ce ne sont pas moins de 80 scanners qui sont effectués quotidiennement. On s’adapte de plus en plus. Toutefois, pour faire face aux demandes abusives on a dû installer un centre de tri des patients ». Il faut dire que depuis sept mois déjà, la demande ne fait qu’augmenter, ce qui a nécessité la mobilisation de pas moins de 20 services spécialisés, sur les 48 que compte cet immense hôpital qui s’étend sur prés de 10 hectares. Des services qui ont dû mettre leurs activités de base en veilleuse, pour se consacrer à la prise en charge des personnes infectées, au détriment des autres malades quelle que soit la gravité de leur cas. A leur grand dam, ceux-ci sont redirigés vers d’autres structures. Bien sûr, les services de médecine interne et pneumologie sont les plus sollicités.
« Nous vivons l’expérience d’un grand CHU. Aussi, on a été les premiers à en être impactés. Le 21 mars, nous avons enregistré notre 1er décès de la Covid-19 », signale le Pr Belhadj qui précise que ce premier cas «a provoqué une panique générale». Depuis, le nombre de personnes infectées n’a cessé d’augmenter, surtout depuis le 1er juillet, début de la première vague.
A ce jour, l’hôpital a enregistré une soixantaine de décès, liés à la Covid. Néanmoins, l’on tient à nous préciser que ces personnes souffraient de pathologies chroniques. « La situation actuelle de la Covid est légèrement différente que celle vécue au cours des mois de juillet-août. C’est-à-dire qu’elle est l’image miroir de la première vague. Mais elle a ses particularités. En effet, celle-ci a coïncidé avec deux événements importants. A savoir, la rentrée scolaire et la grippe saisonnière », a également signalé le spécialiste qui indique qu’entre ces deux vagues, « ce sont à peu près les mêmes chiffres que nous avons constatés ». Néanmoins, selon lui, il y a beaucoup moins de décès. « Je dirais que grâce à l’amélioration de la prise en charge au fil des mois, nous avons pu faire chuter le taux de mortalité de 60%. Et puis, on s’est adapté à la situation ».
Selon le professeur, même avec une hausse du nombre des cas, qui occasionne une mobilisation et des moyens de plus en plus importants, l’heure est à l’optimisme. « Nous sauvons de plus en plus de vies, avec de moins en moins de décès ».
Seule ombre au tableau, avec cet afflux massif de personnes atteintes du coronavirus, beaucoup de membres du personnel hospitalier ont été infectés. « Nous sommes dans l’obligation d’organiser la prise en charge de notre personnel. D’ailleurs le nombre de cas a tellement augmenté que nous avons dû leur aménager des couloirs de prise en charge spécifiques » a expliqué le praticien qui spécifie que « le contrôle post- Covid a aussi occasionné des activités en plus ». Et c’est un moindre mal, lorsque l’on sait qu’au début de la pandémie en juin, juillet, tous les porteurs du virus étaient hospitalisés. « Au fil du temps, et avec l’afflux de plus en plus important de malades, on a remonté les critères d’hospitalisation. Maintenant, on procède à un dépistage ciblé. On fait passer à la personne un scanner plus un bilan, on lui donne un traitement et on la suit à titre externe. Cela représente les deux tiers des cas. Le troisième tiers concerne les personnes dont les lésions détectées au scanner dépassent les 30%, qui présentent des difficultés respiratoires, en plus d’une co-morbidité (maladie chronique associée), celles-ci sont immédiatement hospitalisées », a affirmé le Pr Belhadj qui signale que le problème de fond qui se pose actuellement est la forte demande en matière de réanimation. « Pour cela, nous sommes en train de plancher sur l’ouverture de nouveaux services qui n’étaient pas concernés jusque-là par la Covid. Nous voulons passer de 40 lits de réanimation actuellement à 85 ».
Et comme le flux massif est dans l’ambulatoire, « nous avons aussi pris la décision d’ouvrir d’autres services, pour arriver à une capacité de 400 lits d’hospitalisation. A ne pas confondre avec les lits de réanimation, qui nécessitent des soins intensifs », explique encore le professeur. « Nous sommes également entrain de mobiliser les personnels et notamment les médecins réanimateurs. En effet, pour le CHU Mustapha-Pacha, ils sont 75 médecins réanimateurs à officier au niveau des 48 services de l’hôpital. Des réanimateurs qui travaillent sans discontinuer 24 heures/24 et 7 jours/7, en mode de roulement. Nous procédons comme les équilibristes » a-t-il dit avec un sourire désenchanté.
Pour ce qui est de la disponibilité des médicaments, là, il n ya rien à dire. Au contraire ! « Avant, on était tributaire de l’importation, maintenant c’est le privé qui a pris le relais pour la fabrication de matériel médical approprié, des consommables et les équipements de protection, tels que les masques FFP2, les tenues, les produits de désinfection... C’est une prouesse qu’il faut relever. C’est également le cas pour la disponibilité du médicament », indique également le Pr Belhadj qui souligne aussi les efforts des pouvoirs publics en la matière. « Le coût moyen de la prise en charge d’un malade est de 60.000 DA, entre scanner et traitement. Le PCR coûte 18.000 DA, alors qu’on fait tout cela gratuitement à Mustapha-Pacha », dit-il.
Ceci, sans compter le contrôle médical effectué tous les deux jours pour le malade externe, dix jours d’hospitalisation, contre quinze auparavant, pour les plus atteints, sont requis en plus du suivi pulmonaire, après la guérison. Aussi, bien que la prise en charge de cette pandémie ait été grandement améliorée, les spécialistes tirent la sonnette d’alarme en faisant appel au civisme des citoyens pour contrer cette pandémie qui dure et perdure. « Si on évoque le cycle de vie d’un virus, celui-ci est de deux ans, soit au moins 24 mois. Donc, c’est loin d’être fini » , explique notre interlocuteur qui rappelle le funeste épisode de la grippe espagnole qui a décimé plus de 50 millions de personnes dans le monde en 1918.
« Ce qu’on a constaté également, c’est que les foyers de contamination sont désormais dans le milieu professionnel et le milieu familial. Maintenant ils viennent en groupe quand ils travaillent dans une entreprise ou dans un ministère, ou en famille quand c’est une fratrie qui est contaminée », indique-t-il.
L’autre constat implacable, c’est que les gens ne respectent plus les consignes barrières : « On réorganise désormais des fêtes, on assiste aux enterrements, ce qui n’est pas normal et incompréhensible lorsqu’on sait qu’on risque sa vie. »
De ce fait, il est plus qu’urgent de revenir à une restriction des déplacements des personnes, selon le Pr Belhadj qui prévoit une hausse plus importante des cas si rien n’est fait. « Déjà qu’on a dépassé la barre des 600 cas/jour et cela peut vite aller au-delà », a rappelé le praticien, déplorant dans ce contexte, le fait que le secteur médical privé a été peu présent lors de cette pandémie «et n’a pas servi d’appoint au secteur public ». Un point est à retenir. La solidarité citoyenne a été d’un apport très important durant les moments les plus difficiles de la pandémie. « Les bénévoles nous ont réellement aidés.?Nous n’aurions jamais pu gérer le flux massif de malades et la défection de bon nombre de notre personnel, si nous n’avions pas reçu l’aide du mouvement associatif, qui s’est vraiment, efficacement, et grandement impliqué avec nous », a conclu le Pr Belhadj qui a tenu à rendre un hommage et à saluer le dévouement de tous ceux qui ont dépensé sans compter, en temps et en moyens, pour aider leur prochain au niveau de tous les hôpitaux du pays.
Amel Zemouri
Le directeur général du CHU Mustapha-Pacha, Bennana Abdeslam, a affirmé, hier, que l’établissement n’avait pas fermé ses portes et fonctionne normalement.
Contacté par l’APS, M. Bennana a démenti l’information de fermeture des portes de l’hôpital sous prétexte de surcharge, soulignant que « les soins y sont prodigués de façon normale 24h/24h ». À titre d’exemple, il a indiqué que l’hôpital avait accueilli, pour la seule journée de samedi (hier, ndlr), 130 malades suspectés d’infection au COVID-19, dont 17 ont été hospitalisés et les 65 autres se sont vus prescrire un traitement en externe, car présentant une forme « légère » de la maladie. L’établissement a accueilli, en outre, 48 personnes, dans le cadre des contrôles médicaux périodiques, a précisé le même responsable, ajoutant que l’hôpital compte 300 lits pour les malades atteints de Covid-19 et 90 autres en réanimation.
Concernant les cas admis dans d’autres spécialités, à l’instar des cas de cancer urgents, de la mère et de l’enfant, et les chirurgies infantile et maxillo-faciale, M. Bennana a affirmé que leur « prise en charge est assurée de façon normale ».
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