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Le matin | Maroc | 10/11/2020
Prudence, vigilance, précaution, mais pas de psychose. C’est en somme le message du Pr Jaâfar Heikel, invité de L’Info en Face pour un focus sur la situation épidémiologique au Maroc. Pendant 90 minutes de débat, le professeur de médecine préventive et spécialiste en maladies infectieuses a répondu aux questions de Rachid Hallaouy et celles des internautes dans le but d’apporter les éclairages nécessaires à un moment où les Marocains, et surtout les Casablancais, redoutent le pire dans l’évolution de la pandémie. Sans créer la psychose, l’expert a une nouvelle fois insisté sur la prudence et la nécessité de respecter les mesures barrières, et ce même en pleine discussion sur un probable vaccin anti-Covid qui serait disponible prochainement.
Selon l’expert, le Maroc n’est pas encore entré dans la deuxième vague, « les cas au Maroc se sont multipliés depuis la levée du confinement total et le nombre va crescendo. Donc, chez nous, on ne parle pas encore de deuxième vague, mais de différentes phases d’accélération du virus. En effet, après le confinement, la dynamique épidémiologique a totalement changé avec une hausse importante des cas positifs et donc un virus qui circule beaucoup plus vite ». Une situation que le professeur explique principalement par le non-respect des mesures barrières, et « même les personnes asymptomatiques, ou avec peu de symptômes, qui sont des transmetteurs, n’ont pas facilité la tâche aux autorités et ont fait circuler le virus ».
Par ailleurs, cette situation de relâchement par rapport au respect des mesures barrières n’est pas spécifique au Maroc, d’où une recrudescence des cas dans le monde entier. Ceci s’explique, selon l’expert, par la notion de courbe de gauss. C’est-à-dire qu’on assiste à une phase où tout le monde est attentionné et respecte les règles imposées, mais arrive un moment où l’on est fatigué et donc on risque de lâcher prise. L’autre élément qui explique cette hausse des cas est la phase de prise en charge des malades dès l’apparition des symptômes et le dépistage. « Aujourd’hui, de nombreux patients arrivent après 8 à 10 jours de l’apparition des premiers symptômes. Ces gens-là, étaient donc des transmetteurs potentiels qui ont laissé le virus circuler pendant toute cette période avant de se rendre à l’hôpital », alerte le Pr Heikel.
Les signes probables de la maladie sont la clé pour permettre d’identifier les personnes susceptibles de porter le virus. « Les gens ont tendance à ignorer les premiers symptômes, alors que c’est la seule manière de traiter rapidement et d’être pris en charge dans les meilleurs délais. « Aujourd’hui, on a l’impression que la Covid-19 est tellement banalisée que la personne qui a un peu de fièvre, des courbatures, des maux de tête, de la diarrhée… ne prend pas la peine d’aller se faire tester et préfère faire de l’automédication. Pendant ce temps-là, et n’étant pas en isolation, ces personnes vont contaminer d’autres », s’indigne l’expert qui rappelle que le virus est transmissible même en cette phase où l’on commence à peine à observer les premiers symptômes, et même avant.
Il est donc primordial d’expliquer clairement les symptômes, d’agir dans un esprit de responsabilité collective, et de ne pas hésiter à communiquer des messages forts aux citoyens. « Nous devons savoir qu’avec ces agissements, nous nous mettons nous-mêmes en danger et nous mettons les autres en danger, surtout les personnes fragiles et à risque. Nous sommes tous responsables de la santé des Marocains », lance le Pr Heikel. Par ailleurs, une fois identifiés, les patients qui peuvent être traités chez eux, en isolement, se doivent de respecter les consignes des autorités sanitaires. «85% des cas identifiés sont traités à domicile. Il y va de leur responsabilité, voire du devoir envers la patrie, de respecter l’isolement et d’éviter tout contact avec d’autres personnes », alerte l’invité de L’Info en Face.
D’emblée, l’invité de Rachid Hallaouy est ferme : on ne pourra pas relever le défi d’une bonne gestion de la prise en charge des malades sans une implication intelligente des secteurs de santé publics et privés. Le principe est évident, mais sa mise en marche semble piétiner encore ! Rappelons, à cet égard, que le wali de la régions Casablanca-Settat, Saïd Ahmidouch, a eu des réunions avec les représentants du secteur privé pour discuter et organiser la collaboration avec le public dans le but de mieux gérer la grande pression au niveau de la disponibilité des lits de réanimation, des soins intensifs et aussi des ressources humaines.
L’un des axes de la stratégie déployée par M. Ahmidouch consiste, en effet, à mobiliser des médecins et infirmiers du secteur privé dans les hôpitaux publics. Ce personnel devrait travailler sous contrat en contrepartie d’une rémunération mensuelle. « L’indemnité proposée est, de l’avis même du wali, symbolique », insiste le Pr Heikel, qui ajoute que les acteurs du secteur privé ont toujours manifesté leur volonté et prédisposition à travailler, mais dans la main, avec leurs homologues du secteur public. « Au-delà de l’aspect financier, la réflexion en cours est comment réussir cette coordination en pratique et de manière optimale. L’essentiel est de définir le parcours de soins pour les malades. Au jour d’aujourd’hui, nous recevons des cas de personnes qui ne savent pas où aller », indique l’expert. De toute évidence, chaque partie fait de son mieux pour gérer la situation, mais l’essentiel est de trouver la meilleure manière de travailler ensemble pour faciliter au maximum le parcours de soins aux patients et les orienter de manière efficace.
80% des cas Covid au Maroc sont issus de clusters familiaux. Un chiffre confirmé par l’expert qui explique en plus que ce constat est à prendre en considération dans toutes les stratégies sanitaires. Un cluster familial veut dire qu’il y a une source de contagiosité, probablement une personne asymptomatique, qui transmet le virus aux autres membres de la famille du fait qu’elle n’est pas en isolement. La source de l’infection est, dans ce cas-là, très variée. « On peut considérer l’école comme source d’infection, mais je vous rappelle qu’au Maroc, les élèves ont rejoint l’école très tardivement. Donc ce n’est pas la seule source à examiner. Il faut voir également les personnes qui vont travailler ou qui vont dans des centres commerciaux... » Pour l’école, l’expert préfère rester vigilant, car comparée aux autres pays, la rentrée scolaire au Maroc a été retardée. Cependant, les enfants sont des transmetteurs actifs et risquent de ce fait de contaminer leurs parents et, pire encore, leurs grands-parents. L’invité de L’Info en Face appelle donc à redoubler de vigilance et à veiller à prendre les mesures d’hygiène nécessaires à domicile.
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