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Albayane | Maroc | 19/10/2020
A l’occasion de la 16e journée mondiale du don d’organes et de greffes, célébrée le 17 Octobre 2020, force est de constater que le Maroc est en manque de donneurs d’organes, notre pays accuse un retard de greffes d’organes en général et rénales en particulier. Don et greffes d’organes, on fait le point avec le professeur Amal Bourquia, spécialiste de néphrologie et néphrologie pédiatrique. Présidente de l’association « REINS », experte en Éthique médicale et droit de la santé.
Pour l’heure, en cas de défaillance terminale d’un organe, la transplantation du même organe prélevé sur un autre être humain, vivant ou en état de mort céphalique mort, peut s’avérer être la dernière alternative efficace dans de nombreuses pathologies, par l’amélioration de la survie et la qualité de vie qu’elle procure. Promouvoir le don d’organes et/ou de tissus à but thérapeutique revient à promouvoir la vie. Mais dans la réalité des choses, il en va autrement chez nous, car le don d’organes demeure à ce jour une démarche qui se heurte à plusieurs blocages, surtout culturels et non pas religieux. Ce manque d’organes, surtout les reins est source d’angoisse, de souffrances et de drames.
Parler du don d’organes et des greffes en Islam, c’est savoir que tout est fait pour préserver la vie humaine. D’ailleurs, dans le saint coran, Dieu le tout puissant et miséricordieux, nous dit : « quiconque a sauvé la vie d’un seul être humain est considéré comme ayant sauvé la vie de l’humanité tout entière ! » (Coran 5/32)2.
Depuis 2005, l’OMS a promulgué la journée mondiale du don d’organes et de la greffe. Elle se tient chaque année le 17 octobre. L’idée de cette journée mondiale est partie d’un constat alarmiste : il n’y aurait en moyenne qu’un organe disponible pour une demande trois fois supérieure.
Des milliers de patients subissent toujours l’angoisse de l’attente, alors qu’on sait que chaque jour passé sur la liste dans l’espoir d’une greffe est une perte de chance. Chaque jour, des hommes, des femmes et des enfants meurent faute d’avoir pu être transplantés à temps, alors que la médecine aurait été en mesure de les sauver.
460 greffes de rein ont été réalisées au Maroc avec une cadence qui s’est accélérée de manière spectaculaire entre 2010 et 2015 : 220 opérations, selon le ministère de la Santé. A cela s’ajoute une seule greffe de cœur, 13 greffes de foie, 90 transplantations d’organes de donateurs décédés, 300 greffes de moelle osseuse et de cellules souches, 63 implants cochléaires et plus de 3.000 opérations de greffes de cornée, soit un total de 3,927 greffes réalisées jusqu’à 2015.
Pour en savoir plus sur la journée mondiale du don d’organes et de greffes, et afin de cerner toutes les facettes de cette problématique qui représente un réel défi pour notre pays, pour notre société, et qui nous interpelle tous car le don et la greffe d’organes nous concernent, car qui sait si demain vous ou l’un de vos proches n’aurez pas besoin d’une greffe et donc d’un donneur d’organes.
Al Bayane a contacté le professeur Amal Bourquia, spécialiste de néphrologie et néphrologie pédiatrique. Présidente de l’association « REINS », experte en Éthique médicale et droit de la santé.
Al Bayane : le Maroc célèbre le 17 Octobre la journée mondiale du don d’organes, que vous inspire cette journée ?
Amal Bourquia : La célébration de la journée mondiale du don d’organes et de greffes est pour l’association « Reins » dont je suis la fondatrice et la présidente, une opportunité afin d’attirer encore plus l’attention des décideurs, des responsables, des citoyens, sur la situation désastreuse du don et de la greffe d’organes au Maroc.
La célébration de cette journée mondiale, nous permet aussi de sensibiliser davantage sur cet acte de générosité et de solidarité, qui sauve des vies, ainsi que sur l’importance de la prévention qui permettra de réduire le nombre de malades qui nécessiteront une greffe.
Vous êtes spécialiste en néphrologie et présidente de l’association Reins, que pouvez-vous nous dire sur la transplantation rénale ?
La transplantation rénale constitue de nos jours le traitement idéal de l’insuffisance rénale chronique. Elle permet non seulement de prolonger la vie, mais aussi d’assurer une meilleure qualité de vie et une réduction à long terme des coûts pour le malade, sa famille, les organismes d’assurance maladie.
Le prélèvement d’organes suivi de greffes est une manifestation concrète de la réalité de la générosité dont peut témoigner l’être humain. Cependant, chaque jour, des hommes, des femmes et des enfants meurent parce qu’ils n’ont pas pu être greffés au moment opportun…Ils quittent ce monde sans qu’ils n’aient eu leur chance d’avoir une greffe qui pouvait les sauver.
Dans vos ouvrages, vous parlez souvent de l’histoire de la transplantation rénale au Maroc. Pouvez-vous nous éclairer davantage sur ce sujet ?
La première transplantation rénale avec un donneur vivant a été réalisée au Maroc en 1986, et à ce jour 2020, le Maroc n’a pu effectuer que 600 transplantations rénales, dont 60 à partir de sujets en état de mort encéphalique, soit environ 17 greffes par million d’habitants : depuis 1990, des chiffres dérisoires comparés à la demande. Il y a 7 centres autorisés tous dans le secteur public.
Que traduisent ces chiffres ?
Une simple analyse des chiffres actuels. 600 transplantations rénales depuis 34 ans et près de 1100 donneurs potentiels, permettent de noter qu’ils ne traduisent ni le niveau médical du Maroc, ni la générosité des marocains. Ils nécessitent cependant une analyse profonde pour mettre l’accent sur les insuffisances et décupler les efforts pour augmenter le nombre de transplantations dans notre pays où le grand besoin est sans cesse en augmentation.
Faut-il rappeler qu’au Maroc, plus de 32 000 patients sont sous dialyse, un chiffre qui augmente en permanence alors que le nombre des greffes n’avance qu’à petit pas. Le nombre de dialysés croit chaque jour et l’ensemble de ces malades attendent une greffe de rein pour soulager leur souffrance, améliorer leur qualité´ de vie et pouvoir contribuer au développement durable de leur pays, mais cette greffe est de plus en plus impossible. La greffe de rein au Maroc est une nécessité et non un choix, elle doit de ce fait faire l’objet d’un réel engagement de notre société.
Quelle analyse pouvez-vous faire sur ces taux très bas et sur les réticences des donneurs potentiels ?
Vous le savez très bien, le Maroc connaît des difficultés de recourir aux donneurs qui sont en vie, et une rareté de donneurs en état de mort encéphalique. La méconnaissance de la part des patients des aspects médicaux, de la législation, du point de vue de la religion et la rareté de la discussion et de l ‘information sur le sujet pourraient expliquer en partie cette situation. De nombreuses études ont été réalisées par l’association Reins, mais sans jamais servir à travailler pour faire face à ces insuffisances.
Ce qui est sûr et certains, c’est que les Marocains prennent de plus en plus conscience de l’importance du don d’organes, mais qu’un très grand nombre de nos concitoyens possède des connaissances limitées, voire parfois erronées de cet acte, et qu’un ensemble de croyances d’ordre socioculturel s’ajoutent à cette ignorance. Ce qui bloque l’élan des gens qui désirent être donneurs.
Quelles sont les actions que vous entreprenez au sein de votre association pour la promotion du don d’organes et de greffes ?
Le don d’organes est un acte de générosité, citoyen, permettant de sauver des vies, que l’Islam encourage et que la loi encadre de façon très précise. L’Association Reins a entamé´ depuis des années des actions inlassables tendant à` promouvoir le don d’organes dans notre pays. Reins a organisé de nombreuses sessions de signatures du registre du don au niveau des tribunaux de première instance et développé régulièrement des actions de communication et d’information sur les maladies rénales pour être proche du citoyen et l’aider à faire son choix en ayant toutes les informations nécessaires.
Il y a encore beaucoup de travail à faire, cela demande une approche ambitieuse qui nécessite des moyens et l’implication des différents acteurs qui œuvrent dans le domaine du don d’organes et de greffes.
Comment amener les responsables, les décideurs, les scientifiques à se concerter pour faire concorder l’ensemble de paramètres ?
A l’occasion de la journée mondiale du don d’organes et de greffes, l’association Reins interpelle toutes les composantes de la société pour engager un dialogue national auquel participent des décideurs, médecins, experts…pour réfléchir sur une stratégie future pour encourager les citoyens à faire don de leur organe en instaurant une véritable culture du don et de la solidarité´ pour que nous puissions sauver des vies.
Vous savez, le don d’organes nous concerne tous, avoir besoin d’un organe pour continuer à vivre, ça n’arrive pas qu’aux autres, personne n’est à l’abri, soyons solidaires !
Comment peut-on procéder pour devenir donneur ?
Il faut s’inscrire sur le registre du don d’organes. Pour cela, il faut se présenter au tribunal de 1ere instance de votre ville, muni de la carte d’identité et s’adresser au responsable du registre du don, puis remplir le formulaire et signer le registre qui sera par la suite validé par le juge en charge de ces dossiers. Il existe deux types de fiches qui concernent le don après la mort, une première destinée au don dans un but thérapeutique, et une deuxième dans un but thérapeutique et scientifique.
Cette année, le 17 octobre coïncide avec la pandémie de la covid-19. Quelles sont vos craintes pour les malades ?
La pandémie par le virus Covid 19 a fait que ces rares interventions de transplantation se soient arrêtées avec un bilan qui va être encore plus dramatique. Il faut aussi retenir que selon les études, le virus peut entraîner des problèmes rénaux chez des patients qui n’en avaient pas jusqu’ici. Par ailleurs, les patients atteints du coronavirus avec des lésions rénales graves peuvent développer, en fonction de la gravité et de la durée de l’infection, une insuffisance rénale chronique.
Les spécialistes craignent une vague de maladies rénales chroniques post-épidémie de la covid-19. La solidarité pour le don apparait encore plus d’actualité.
Propos recueillis par Ouardirhi Abdelaziz
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