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Libération | Maroc | 30/09/2020
Libé : Etiez-vous fascinée par le sujet depuis longtemps ?
Dr Naoual Oukkache : Oui et encore plus quand j’ai eu l’opportunité de passer plus d’un an à l'Institut Butantan de São Paulo au Brésil, qui est connu pour sa grande expertise dans la caractérisation des venins et toxines. Cela a encore plus renforcé ma fascination.
Qu’est-ce qui vous attire le plus ?
C’est de trouver des solutions pour des problèmes de santé majeurs. Les envenimations par serpents et scorpions représentent un grand problème au Maroc. Donc il était primordial de trouver des solutions ou du moins réduire le taux de mortalité.
Est-ce qu’on peut dire que vous pratiquez un métier à haut risque ?
Certes, la collecte des venins se fait à l’institut animalier, mais j’ai une expérience dans la collecte de venins de scorpion. Par contre pour les serpents, on collabore avec un technicien spécialisé dans l’extraction du venin. Mais normalement, ce sont des métiers à risque, il faut vraiment des gens qui sont passionnés et courageux. Tout le monde ne peut exercer ce métier.
Cela n’inquiète-t-il pas vos proches ?
Non, parce que généralement nous ne sommes pas en contact avec des serpents ou scorpions vivants. Moi aussi j’avais la même conception que vous. J’avais même peur des chiens. Mais lorsque j’étais au Brésil, j’ai découvert une mentalité différente. Car qui dit Brésil dit Amazonie. Ce sont des gens passionnés par les animaux. J’avais des amis qui m’invitaient chez eux où ils adoptaient des lézards, des serpents et même des scorpions. Petit à petit, avec un peu de courage, on finit par s’habituer.
Pendant longtemps, dans l’imaginaire collectif, à cause notamment du film « Les dents de la mer », les requins étaient considérés, à tort, comme des tueurs en série. Peut-on faire le parallèle avec les serpents et les scorpions ?
Oui ce sont des tueurs en série, parce que leur venin est mortel. J’ai beaucoup d’expérience. J’ai travaillé au Brésil, au Mexique, en Malaisie ou encore en Suisse, et mon constat est que la plupart des professionnels du métier qui travaillent dans la collecte et la vente du venin, sont des personnes courageuses et passionnées. Ils n’ont pas peur. D’ailleurs tu n’as pas nécessairement besoin d’un diplôme pour exercer le métier.
Quelles sont les contraintes inhérentes à votre métier et à votre recherche ?
Au Maroc, c’est surtout une question de moyens.
On imagine que l’exposition médiatique que vous avez eue récemment pourrait aider dans ce sens ?
Espérons. Juste pour parler de cet événement, c’est une journée mondiale dédiée aux envenimations par morsures de serpents. Le choix du sujet revient au fait qu’il s’agit d’un grand problème de santé à l’échelle internationale. Statistiquement, on a plus de 2 millions de cas d’envenimations par morsures par an. Parmi lesquels, on enregistre 100.000 décès et plus de 300.000 handicapés à vie. De ce fait, depuis 2017 l’OMS a classé les envenimations par morsures de serpents parmi les maladies négligées. Négligées parce que la plupart des cas sont enregistrés dans les zones rurales et donc des gens pauvres.
Qu’entend l’OMS par maladie négligée ?
Quand l’OMS classe une maladie comme négligée, son objectif est surtout la sensibilisation des politiciens. Leur expliquer qu’il s’agit d’un grand problème de santé, et qu’il faut allouer des budgets, motiver la recherche et trouver une solution.
Justement, est-ce qu’il serait envisageable qu’un jour, les morsures de serpents et de scorpions ne soient plus fatales ?
Comme je vous l’ai expliqué, ce problème est pluridisciplinaire. On a besoin d’épistémologistes, de statisticiens, de cliniciens, etc… Il faut savoir où se trouvent les espèces, pour détecter celles mortelles entre elles et mettre en place des traitements efficaces. Dans les régions rurales, même quand tu disposes de tous ces moyens, tu ne trouveras pas de structures de traitement correctes, ni d’ambulances. A l’étranger il y a des hélicoptères et beaucoup de moyens. Il y a aussi un élément très important : les associations. Leur rôle est crucial dans la sensibilisation.
Donc c’est inenvisageable ?
En tout cas, plusieurs personnes de domaines divers doivent collaborer pour trouver une solution adéquate. Il faut savoir travailler en réseau, c’est ce qu’on appelle aujourd’hui la médecine translationnelle. Mon but n’est pas uniquement d’avoir une publication dans une revue scientifique. Le plus important est de trouver des solutions aux envenimations.
Quelle attitude adopter en cas d’envenimation ?
Il faut appeler le numéro du centre antipoison et se rendre d’urgence à l’hôpital sans perdre une seule seconde pour être pris en charge en salle de réanimation, parce qu’il s’agit d’un venin mortel.
Quel regard portez-vous sur votre carrière ?
Tant que le problème est toujours d’actualité, tu as l’impression de n’avoir rien fait. Le jour où l’OMS dira que la maladie n’est plus négligée, tous les spécialistes seront fiers. Mais l’essentiel pour l’instant, c’est de trouver des solutions. C’est ça l’objectif.
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