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Revue de presse

Alzheimer : une maladie sournoise

Albayane | Maroc | 21/09/2020

Interview du professeur Abdenbi El Kamar

Actuellement au Maroc, près de 60.000 personnes sont touchées par la maladie d’Alzheimer. Le 21 Septembre est la journée mondiale de lutte contre cette maladie, l’occasion pour nous d’en parler. Elle est mal connue du grand public. Comment la guérir ? A cette interrogation, une opacité semble encore de mise. Elle plonge le malade dans un abime, noir, profond avec une perte de mémoire, perte de l’identité, plus de souvenirs, plus de passé, de présent et bien entendu, aucun avenir. Un drame. Pour nous parler de cette terrible maladie, nous avons rencontré pour nos lecteurs, le professeur Abdenbi El Kamar, neurochirurgien, spécialiste de la chirurgie du cerveau, de la moelle épinière et de la colonne vertébrale, ancien directeur du CHU de Casablanca.

Est-il difficile de savoir si un malade présente la maladie d’Alzheimer ?

Oui, effectivement, c’est parfois difficile de faire la part des choses, en tous les cas, dans les formes débutantes de la maladie. Il faut savoir que le vieillissement s’accompagne d’un fléchissement des capacités cognitives, surtout la mémoire, le langage, la réflexion. Cela est normal avec le vieillissement.
Mais lorsque cette atteinte devient importante et entraine des conséquences dans l’autonomie des patients, alors là on rentre dans le côté pathologique qui peut être la maladie d’Alzheimer.
C’est une maladie neurodégénérative, c’est-à-dire que certains neurones du cerveau meurent progressivement. Au début, la mort neuronale est limitée aux régions cérébrales impliquées dans la mémorisation. Ce qui explique les difficultés des malades à enregistrer des informations nouvelles.
Puis progressivement, lorsque les lésions diffusent dans le cerveau, d’autres fonctions intellectuelles et cognitives sont atteintes, entrainant une perte de l’autonomie.

A quel moment vous pouvez détecter que c’est plus important et que la personne bascule vers la maladie d’Alzheimer ?

C’est là toute la difficulté, parce que ce que certains tolèrent comme étant normal ou relativement acceptable, d’autres personnes en souffrent d’avantage et vont être amenées à consulter un médecin ou alors c’est l’entourage qui constate des troubles de la mémoire et qui va s’inquiéter car il y a un réel problème.

Quels sont les signes qui doivent alerter ?

Ce qui est sûr, c’est que dans 2/3 ou 3/4 des cas, la maladie d’Alzheimer débute par une plainte sur la mémoire concernant des faits récents. Exemple, qu’est-ce que j’ai mangé hier ? Qu’est-ce que j’ai fait, où j’ai été ? Il ne s’agit pas des faits anciens comme la date de naissance, de l’antériorité, ce sont des choses récentes. Ces petits oublis deviennent de plus en plus fréquents et peuvent entrainer un oubli de rendez – vous chez le médecin, un oubli avec ses clés, une adresse et tout cela entraine des difficultés au quotidien.

Existe-t-il un profil type de la maladie d’Alzheimer ?

Oui, il y a un profil type de la maladie, mais beaucoup d’exceptions. Le profil type, c’est vraiment la personne avec la plainte sur la mémoire des faits récents.
Les exceptions, ce sont les personnes qui finalement ont une atteinte mnésique, une atteinte de la mémoire en retrait, mais qui vont se présenter avec d’autres troubles, comme le trouble du langage avec des difficultés à trouver les mots ou les noms des personnes ou à reconnaitre des gens. Ce sont des formes un peu particulières, mais qui ne sont pas fréquentes.

Est-ce qu’il y a un âge ou on est plus susceptible de développer la maladie d’Alzheimer ?

Absolument, l’âge se situe autour de 60 voire 70 ans. C’est là où il y a le plus de fréquence de la maladie. Ceci dit, la maladie d’Alzheimer peut toucher tout le monde, y compris les sujets jeunes, parfois dans des formes particulières génétiques chez des sujets jeunes 40 ou 45 ans.
Il faut savoir aussi que les femmes sont plus touchées que les hommes, car elles vivent plus longtemps. Dans le même ordre d’idées j’ajouterai que c’est une maladie qui est appelée à augmenter dans les années à venir, car notre population vieillit de plus en plus et comme vous le savez, l’âge est le premier facteur de risque de la maladie d’Alzheimer.

Que pouvez-vous nous dire au sujet du diagnostic de la maladie d’Alzheimer ?

Je n’irai pas par quatre chemins pour vous dire que diagnostiquer la maladie d’Alzheimer, n’est pas un réflexe systématique. Au contraire, chez nous la maladie d’Alzheimer est sous diagnostiquée.
Concernant le diagnostic, il faut savoir que le praticien va rechercher auprès du malade et de son entourage des éléments essentiels, qui sont en premier lieu la plainte subjective du patient et de son entourage (les oublis, nature des oublis, le rapport au temps, les difficultés de gestion administrative, des changements dans les habitudes de vie, une irritabilité nouvelle ou des troubles de l’humeur par exemple).
En second lieu, il y a les résultats du bilan neuropsychologique qui sont également cruciaux pour déterminer le diagnostic. Certains tests sont sensibles et spécifiques aux troubles cognitifs dans la maladie d’Alzheimer.
A côté, il y a des examens biologiques indispensables, ce sont les marqueurs biologiques qui forment le troisième élément constitutif du diagnostic. Ils peuvent améliorer la précision du diagnostic et faciliter les décisions sur la prise en charge des patients avec troubles cognitifs légers ou démence.
Une Imagerie par Résonance Magnétique (IRM) viendra compléter le bilan, elle permet de détecter une atrophie corticale et notamment une atrophie des hippocampes (structure cérébrale impliquée dans la mémoire, dont la taille est souvent diminuée dans la maladie d’Alzheimer). Mais dans bien des cas, le diagnostic n’est pas posé, ou il est réalisé tardivement. Les causes du retard du diagnostic sont multiples, particulièrement dans notre contexte socio- culturel où cette maladie est souvent stigmatisée, le regard que pose la société sur la personne âgée.

Qu’en est-il du traitement de la maladie d’Alzheimer ?

Je commencerai par vous dire qu’à ce jour, on ne dispose d’aucun traitement curatif permettant de guérir définitivement la maladie d’Alzheimer.
Ceci dit, les médicaments qui sont prescrits dans le cadre de la maladie d’Alzheimer sont des traitements symptomatiques. Ils agissent sur les conséquences de la maladie et non sur la cause elle-même. Les traitements médicamenteux disponibles aujourd’hui visent à essayer de stabiliser ou d’améliorer transitoirement les fonctions cognitives et de contrôler les troubles du comportement.
Ces médicaments sont prescrits par le médecin traitant, ils ne sont pas curatifs de la maladie d’Alzheimer. Ils agissent au niveau du cerveau pour améliorer la réflexion, la mémoire, l’attention et la capacité d’accomplir des tâches toutes simples.
Encore une de plus, je tiens à préciser ici que la maladie d’Alzheimer ne se guérit pas, mais une prise en charge adaptée peut ralentir sa progression et améliorer la vie du patient et de son entourage.
Il faut être très optimiste, garder l’espoir. Il y a énormément de choses qui bougent dans le domaine de la recherche concernant la maladie d’Alzheimer. La médecine avance très vite dans ce domaine précis et il n’y a pas de raison que ça n’aboutisse pas et qu’on ne trouve pas un traitement qui guérira définitivement cette maladie.

Maroc : 60.000 personnes concernées

A l’instar de la communauté internationale, le Maroc célèbre, le 21 septembre 2020, la 27e Journée mondiale de la maladie d’Alzheimer, qui au fil des ans est devenue un rendez-vous incontournable pour les associations et celles et ceux qui s’engagent contre la maladie d’Alzheimer ou les pathologies apparentées. Une journée qui vise à informer le grand public sur la réalité de la maladie et les avancées de la recherche mais qui sert aussi à alerter les pouvoirs publics sur les difficultés rencontrées par les personnes malades, les familles, bénévoles, professionnels de santé qui accompagnent ces patients au quotidien.

D’après l’Alzheimer Disease international (ADI), une fédération internationale regroupant plus de 80 associations, une personne développe une forme de démence toutes les 3 secondes et l’on estime à plus de 50 millions le nombre de personnes atteintes en 2020

Une maladie dégénérative du cerveau

La maladie d’Alzheimer est une maladie neuro-dégénérative, c’est-à-dire que les neurones dégénèrent et meurent. Ces neurones qui servent à programmer un certain nombre d’actions, en disparaissant, entraînent la perte de ces capacités.
On associe souvent la maladie d’Alzheimer à la perte de mémoire car ce sont effectivement les neurones localisés dans la région de l’hippocampe, siège de la mémoire, qui sont les premiers atteints. Malheureusement, petit à petit d’autres zones du cerveau seront touchées et mèneront à la disparition progressive des capacités d’orientation dans le temps et dans l’espace, de reconnaissance des objets et des personnes, d’utilisation du langage, de raisonnement, de réflexion…

Les principales manifestations

Des pertes de mémoire immédiate, des pertes de souvenirs plus anciens, des modifications du jugement et du raisonnement, un changement d’humeur et de comportement, contrairement à une idée reçue, la maladie d’Alzheimer n’est pas liée au vieillissement normal du cerveau. Si aujourd’hui, la maladie d’Alzheimer ne bénéficie pas de traitements curatifs, les traitements et la stimulation intellectuelle peuvent en ralentir la progression.

Les chiffres clés de la maladie d’Alzheimer

En 2019, Alzheimer’s Disease International (ADI), qui est la fédération internationale des associations Alzheimer du monde entier estimait à plus de 50 millions le nombre de personnes atteintes de démence dans le monde, chiffre qui devrait passer à 152 millions d’ici 2050, avertit l’ADI dans son rapport État actuel de la recherche sur la démence.
Quelqu’un développe une démence toutes les trois secondes, c’est 7.7 millions de nouveaux cas chaque année dans le monde, un chiffre qui devrait tripler dans les prochaines années du fait du vieillissement des populations. Le coût annuel de prise en charge des patients atteints de la maladie d’Alzheimer (de la démence), est de 1000 milliards de dollars américains, un chiffre qui devrait doubler d’ici 2030.

Quelle est la situation au Maroc ?

En l’absence de statistiques officielles, il y aurait près de 60.000 personnes concernées par cette démence, mais l’Association Maroc Alzheimer (AMA), estime ce nombre entre 80.000 et 100.000 malades concernés. La maladie d’Alzheimer concerne surtout les personnes âgées. Autrement dit, la population du troisième âge (60 ans et plus) qui représente désormais 10,2% de l’ensemble de la population estimée a 37 millions d’habitants. Selon les projections démographiques du HCP, cette part devrait se situer à 23,2% en 2050, avec un effectif de 10,1 millions de personnes. Ce qui laisse présager qu’il y aura au Maroc des centaines de milliers de personnes âgées qui seront confrontées à la maladie d’Alzheimer.

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