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Les éco | Maroc | 29/06/2020
L’instance chargée de veiller sur le climat sain et loyal de la concurrence recommande d’élaborer une véritable politique nationale du médicament qui puisse répondre aux impératifs de la sécurisation de l’approvisionnement. Détails.
Le principal fait marquant de la 7e session ordinaire du Conseil de la concurrence est sans aucun doute l’unanimité qui a été dégagée autour de l’avis relatif à la situation du marché du médicament au Maroc. Les composantes du Conseil ont abordé l’ensemble des segments du marché des médicaments avec un intérêt fortement porté à la protection des consommateurs contre les impacts négatifs du fonctionnement actuel du marché, essentiellement pour ce qui a trait à l’accès aux médicaments et l’option offerte par les génériques. Il faut dire que les arguments apportés par le Conseil restent largement convaincants dans la mesure où les anomalies du marché des médicaments devront impérativement être corrigées afin que soit enfin amélioré l’accès aux médicaments.
Appel à une refonte légale
Pour le Conseil de la concurrence, le principal enjeu reste la révision du cadre légal et réglementaire qui régit ce secteur « très administré et très réglementé évoluant dans un cadre légal et juridique inapproprié et dépassé ». Sans détailler les projets législatifs et réglementaires qui devront s’adapter aux attentes des citoyens, le Conseil a préféré se focaliser sur ses propres missions, à savoir l’analyse du contexte de la concurrence. Dans ce registre, le Conseil cite la fragmentation de la politique nationale des médicaments avec une forte présence des pouvoirs publics dans les pans névralgiques du marché. Ceci, est-il indiqué, « laisse peu de place au développement des mécanismes de marché et d’une concurrence saine et loyale ». Concernant les produits consommés, le Conseil a réalisé un diagnostic qui part des éléments de base de l’amélioration de l’accès aux médicaments, notamment génériques. La forte domination des princeps est attestée par le taux actuel qui ne dépasse pas 40%, au moment où la moyenne mondiale se situe aux alentours de 60%. Ce constat est doublé d’un autre, non moins inquiétant, qui concerne le budget des ménages. Notons que ce budget ne dépasse guère, actuellement, les 450 dirhams par an. Le Conseil estime que cette faible consommation de médicaments « traduit un déficit d’accès accentué par un niveau de participation des ménages aux dépenses de santé élevé se situant aux alentours de 48% ».
Le Conseil de la concurrence constate que le flou entoure toujours la place accordée à la commande publique sur l’échiquier du secteur. Les achats publics demeurent également peu encadrés en termes d’application scrupuleuse des dispositions de la Loi sur la concurrence. La commande publique est demeurée par conséquent « sans objectifs ciblés, ce qui soulève de nombreuses questions liées au respect des règles de la concurrence et qui ne joue pas pleinement son rôle de régulateur sur le marché national du médicament ». Il est à noter que la feuille de route de l’État pour améliorer les conditions de la concurrence sur le marché se base sur la mise en place de trois nouvelles instances qui devront nécessairement voir le jour à l’issue de la refonte légale projetée. Il s’agit de l’instance nationale consultative chargée de la coordination entre les secteurs public et privé, l’Agence nationale des médicaments et des produits de santé, sans oublier la mise en place des commissions régionales d’inspection. Ces nouvelles structures de pilotage forment l’ossature du plan d’action projeté pour les quatre prochaines années et devront faciliter la mission du gouvernement pour combler le déficit en matière d’accès aux soins, le manque cruel des ressources humaines et la faiblesse des ressources budgétaires. Pour rappel, le département de la Santé veut amorcer, durant les prochains mois, le programme destiné à compenser la faiblesse de l’offre sanitaire par l’activation des solutions alternatives décidées.
L’expérience tirée de l’état d’urgence sanitaire a été probablement le fait générateur ayant amené le Conseil de la concurrence à tracer une nouvelle vision stratégique future avec en ligne de mire « l’élaboration d’une véritable politique nationale du médicament qui puisse répondre aux impératifs de la sécurisation de l’approvisionnement de notre pays en médicaments et dispositifs médicaux en conformité avec les nouvelles priorités épidémiologiques de la population marocaine, avec le pouvoir d’achat des citoyens et les exigences de la qualité et du respect des normes sanitaires universelles ». Un appel insistant a été lancé à l’Exécutif en vue de baliser le chemin devant « un réel écosystème national du médicament porté par une industrie pharmaceutique solide, un système national d’innovation et de formation approprié dans ce domaine, le tout construit à partir d’un nouveau modèle économique qui favorise la création de champions nationaux du médicament ». Les ambitions affichées par le Conseil touchent aussi le volet de la régulation et de la gouvernance qui incombent aux organismes publics. « C’est tout le sens et l’urgence de la mise en place de l’Agence nationale du médicament dont il faut repenser le pilotage institutionnel », insiste l’avis du Conseil. Parmi les nouveaux leviers listés pour aider le gouvernement à mieux agir dans le futur, figure la révision du statut de l’Agence nationale de l’assurance maladie (ANAM) en vue de lui conférer une réelle autonomie de gestion et une indépendance effective vis-à-vis de la tutelle conformément aux dispositions du Code de la couverture médicale de base. Enfin, la réforme de secteur ne pourra devenir effective qu’à la condition de revoir tout le processus portant sur les modalités de fixation des prix, le contrôle de la qualité, la protection des brevets et le contrôle maîtrisé des importations.
D’autres abus signalés
L’avis du Conseil de la concurrence a tenté d’apporter un diagnostic qui n’omet aucune recommandation pour améliorer le climat de la concurrence. Après les analyses qui ont été effectuées par le gendarme du marché, le principal constat dégagé indique que 70% des parts du marché sont détenues par 15 laboratoires, lesquelles sont fortement concentrées à l’intérieur de certaines classes thérapeutiques. Le Conseil cite aussi l’existence de duopoles ou d’oligopoles occupant une situation de quasi-domination. « Il s’agit aussi d’un marché peu transparent avec l’absence d’une vraie politique publique du médicament générique, couplée à un circuit de distribution obsolète et en crise entraînant l’agonie des chaînons fragiles et vulnérables de la filière ». Des cas de conflits d’intérêts sont aisément décelables, notamment dans les rapports longuement entretenus entre certains médecins et les laboratoires, ce qui « participe à leur tour à fausser le jeu libre de la concurrence sur ce marché ».
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