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Albayane | Maroc | 26/06/2020
Dr Wafaâ Mradmi, chirurgien esthétique et présidente de la Société marocaine des Chirurgiens esthétiques et plasticiens (SOMCEP) a accordé un entretien à la MAP dans lequel elle fait un tour d’horizon de la chirurgie esthétique, de ses spécificités et ses challenges. En voici la teneur:
Quel est l’état actuel de la discipline au Maroc ?
La chirurgie esthétique au Maroc est au top niveau tant au niveau technicité qu’au niveau technologique et rigueur professionnelle. Les chirurgiens esthétiques marocains sont au niveau international. Si les étrangers viennent se faire opérer au Maroc, ce n’est pas parce que c’est moins cher. Loin de là, ils viennent se faire opérer au Royaume parce que la compétence, l’expertise et l’excellence y sont reconnues.
Lorsqu’il y a décès en chirurgie esthétique ou dans une autre chirurgie, cela ne veut pas dire que cela a été fait de manière artisanale, mais plutôt qu’il y a eu une complication. Toute chirurgie peut être grevée de complications et malheureusement de décès.
Ce qui s’est passé à Rabat est une tragédie pour la famille de la patiente, parce que ce n’est pas du tout quelque chose à laquelle on s’attend. C’est exactement comme à l’heure des naissances. Une naissance est censée être un événement heureux en général.
C’est la même chose pour la chirurgie esthétique, elle est censée être un événement heureux. Un événement pour lequel on se prépare pour devenir plus beau, plus mince, mais il peut y avoir des complications en chirurgie esthétique comme dans toute autre chirurgie. Elles ont des raisons, elles ont des explications, mais certainement pas qu’elles ont été faites de manière artisanale.
Existe-t-il une loi qui régit le domaine de la chirurgie esthétique ?
Il n’y a pas de loi comme telle. Nous avons des règles comme dans toutes les chirurgies. Nous sommes inscrits au Conseil de l’ordre et nous sommes une spécialité médicale chirurgicale à part entière.
Pour se spécialiser en chirurgie plastique, il faut s’acquitter de 14 ans d’études après le bac au minimum. Nous avons prêté serment de soigner, d’opérer et de faire en sorte que tout se passe bien, mais encore une fois la médecine est une science et elle peut avoir des complications malheureusement.
Est-ce que vous êtes tenus par une obligation de résultats ?
C’est complètement faux. C’est dans l’inconscient des gens. Il s’agit là d’une légende urbaine un peu comme l’existence de crocodiles dans les égouts de New York.
Nous sommes tenus à ce que nous appelons une obligation de moyens renforcés. C’est à dire que quand un patient se présente à notre cabinet pour une consultation ou une demande de chirurgie, nous sommes tenus de lui expliquer que par rapport à ce qu’il a comme corps ou visage, nous sommes tenus de lui offrir ceci ou cela.
Donc l’obligation de moyens renforcés signifie que nous sommes tenus de proposer au patient toute notre panoplie de technicité, de compétences, de connaissances scientifiques et de technologie pour lui apporter le meilleur résultat possible en chirurgie esthétique par rapport à son cas particulier, car les corps ne se ressemblent pas, tout comme les visages, les peaux et les graisses.
Y-a-t-il un chevauchement entre la pratique de la chirurgie plastique par des professionnels habilités et par ceux qui la pratiquent sans avoir suivi de formation (chirurgiens de médecine interne, salons de beauté, dermatologistes…) ?
Ce sujet me tient particulièrement à cœur, tout comme à tous les spécialistes de chirurgie plastique. En chirurgie esthétique, seuls les médecins ayant une qualification dans le domaine ont le droit de la pratiquer.
Au-delà des chirurgiens plasticiens, aucun autre spécialiste n’a le droit d’exercer la chirurgie esthétique. Il est possible de faire des formations, mais cela ne remplace en aucun cas des années d’études.
La médecine esthétique, qui a trait à tout ce qui est machine ou injection comme le botox, l’acide hyaluronique, le PRP et la mésothérapie, est pratiquée aussi bien par les plasticiens que par les dermatologistes et autres médecins généralistes ou diplômés dans cette discipline.
Toutefois, certaines interventions de médecine esthétique sont pratiquées de manière complètement illégale et hors la loi par les esthéticiennes, les salons de beauté, les coiffeuses, les infirmières…. Il s’agit là d’une pratique complètement illégale qui devrait théoriquement être punie par la loi.
Quels sont les challenges de la discipline au Maroc ?
Le challenge réside dans le fait de mieux informer la population de ce qu’est réellement la chirurgie esthétique.
D’abord au niveau médical, certaines patientes viennent demander de lourdes chirurgies parce qu’elles ont un mariage dans quelques jours. C’est assez caricatural, mais c’est assez proche de la réalité dans certains cas.
Il faudrait aussi que les gens sachent ce qu’est une vraie chirurgie et que la durée d’une intervention de chirurgie esthétique dépasse souvent et de loin celle pour d’autres maladies.
Il ne faut pas que les gens pensent qu’il s’agit d’une chirurgie banale et bénigne et qu’il n’y a pas de convalescence. Au contraire, pour les grandes liposuccions et les grandes abdominoplasties, la convalescence est beaucoup plus importante que pour une appendicite, péritonite ou une césarienne, pour ne citer que quelques exemples.
Le challenge c’est que l’information arrive au public de façon honnête et intègre et de manière authentique et vraie. Souvent, les reportages sur la chirurgie esthétique sont extrêmement légers et ne parlent pas véritablement de ce qu’est cette discipline. Beaucoup de reportages ont été réalisés par les chaînes nationales et certains journaux nationaux et électroniques très lus, mais ils survolent la chirurgie esthétique. Quand on ne parle pas de scandales en chirurgie esthétique, on parle de gestes bénins comme si on allait chez le coiffeur, alors que ce n’est pas le cas.
Propos recueillis par Nadia El Hachimi
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