Dimanche 31 mai 2020, est la Journée mondiale sans tabac. Cette célébration est autrement particulière car elle survient en pleine pandémie du coronavirus (Covid-19) qui a mis le monde en effervescence de par sa force de frappe souvent fatale. Cette année elle aura pour thème principal la protection des jeunes générations, à travers ce slogan « Protéger les jeunes contre les manipulations de l’industrie et les empêcher de consommer du tabac et de la nicotine ».

L’intérêt de plus en plus important accordé par l’industrie du tabac aux jeunes, un marché émergent et vulnérable, constitue un problème urgent et un défi pour les responsables de la lutte antitabac de tous les pays ainsi que l’OMS et les défenseurs de la santé publique de par le monde. Au Maroc, en 2017 on comptabilisait 17 600 personnes qui ont péri à cause du tabac et des maladies qui en résultaient selon « The Tobacco Atlas ».

Cette situation interpelle. Aussi pour faire le lien entre ces deux fléaux que sont la maladie causée par le coronavirus (Covid-19) et le tabagisme, Hespress.fr a sollicité l’éminent professeur Moulay Mustapha Ennaji, virologue et directeur du laboratoire de virologie à l’Université Hassan II à Casablanca auteur d’innombrables ouvrages et études dans son domaine, afin de nous éclairer en la matière sur ces désastres publics. L’occasion était également propice pour en savoir un peu plus sur la nicotine (présente naturellement dans la plante du tabac) qui comme l’avait laissé entendre une étude d’une équipe de médecine française le mois dernier aurait pu avoir quelques vertus en ouvrant l’hypothèse qu’elle pourrait protéger du coronavirus. Une autre équipe chinoise s’était ralliée à cette thèse en la publicisant dans le New England Journal of Medicine.

« L’effet nocif du tabac est indiscutable il n’y a qu’à s’en référer à l’expérience simple du kleenex dans lequel on souffle une bouffée de fumée de cigarette pour s’en rendre compte. Les impacts négatifs du tabagisme sur la santé sont on ne peut plus évident. Le fait de fumer affaiblit la fonction pulmonaire et rend l’organisme moins résistant aux coronavirus et à d’autres agents pathogènes », nous dit le professeur Moulay Mustapha Ennaji avant de nous définir ce tabac qui contient des milliers de substances chimiques, dont plusieurs, sont cancérigènes. « Le tabac, c’est au moins cinq cents corps composés à chacun son impact. L’un de ceux-là, la nicotine a des effets physiologiques et métaboliques connus avec notamment un rôle d’induction sur certains cancers ».

Et de nous faire comprendre, ce que les études menées par les équipes de médecine chinoises, françaises et américaines avaient avancé quant aux bienfaits de la nicotine à travers leur l’hypothèse. « Le SRAS-CoV-2, pénètre dans les cellules humaines en se verrouillant sur les récepteurs protéiques appelés ACE2*, qui se trouvent à la surface de certaines cellules. La nicotine, s’attache aux récepteurs ACE2 en empêcherait ainsi les virus de s’y fixer et réduisant du coup potentiellement la quantité de virus dans les cellules pulmonaires ».

« Pour ce qui est des dangers de transmission du virus via les nuages de fumées de cigarettes, ils n’existent pas pour la bonne raison que la cigarette brûle à 200 degrés » poursuit le virologue qui d’un autre côté reconnaît que lorsque l’on fume, les doigts (et potentiellement les cigarettes contaminées) sont en contact avec les lèvres, ce qui augmente les possibilités de transmission du virus de la main à la bouche.

Et le professeur Moulay Mustapha Ennaji de conclure « Mais qu’on se le dise, le tabac est destructeur. Il engendre des problèmes respiratoires et ouvre la voie à des maladies cardiaques ou des cancers, même si en théorie, il pourrait éventuellement être d’un quelconque apport face à la maladie. » « Les personnes qui fument restent plus vulnérables à la Covid-19, elles, font face à un risque accru d’infections et de complications liées à la pandémie », a-t-il soutenu.

Avoir fumé longtemps ou, être fumeur peut exposer une personne à la Covid-19 et c’est la conclusion que tire l’OMS après la rencontre des experts de la santé publique réunis par l’organisation en fin de mois dernier, le 29 avril 2020. Aussi il ne faut trop se fier à certaines informations relayées, la cigarette et plus largement le tabac ne protègent pas vraiment du coronavirus. Bien au contraire, le bilan des études passées en revue a poussé ces spécialistes de la santé à conclure « que les fumeurs risquaient davantage de contracter une forme sévère de la COVID-19 que les non-fumeurs ».

* L’enzyme de conversion de l’angiotensine 2, ou ACE2, est une enzyme liée à la face externe des membranes plasmiques de cellules du poumon, des artères, du cœur, du rein et de l’appareil digestif.

Mohamed Jaouad EL KANABI