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Revue de presse

La chloroquine, sa prescription et l’évolution de l’épidémie

Aujourd'hui Le Maroc | Maroc | 30/03/2020

Entretien avec le Pr Marhoum El Filali Kamal, chef de service des maladies infectieuses au Centre Hospitalier Ibn Rochd
Face à la progression rapide, voire exponentielle du nombre de cas Covid-19, enregistrés ces derniers jours, le Pr Marhoum El Filali Kamal apporte un éclairage sur le traitement, les précautions à prendre quant à sa prescription et l’évolution pressentie de l’épidémie les deux prochaines semaines.

ALM : Quels ont été les arguments du Maroc pour adopter, dès le départ, le traitement à la chloroquine ?
Pr Marhoum El Filali Kamal : Le gouvernement marocain a adopté le traitement de la chloroquine sur la base de plusieurs arguments. Tout d’abord, l’un des plus anciens date de l’épidémie du Sars 2002-2003. A ce moment-là, il a été montré en laboratoire que le coronavirus, responsable du SRAS, était relativement facilement bloqué dans sa multiplication par la chloroquine. Comme le coronavirus, le SARS Cov2 est également un coronavirus et on pense que la chloroquine devrait agir de la même façon qu’elle réagissait sur le SARS Cov1 qui était responsable du SARS. Le second argument repose sur des essais sur plusieurs patients en Chine et les résultats semblent être satisfaisants. Cela dit, s’agissant de toutes petites séries ne répondant pas à une méthodologie parfaite sur le plan scientifique, c’est difficile d’être absolument certains des résultats. Les études réalisées par Pr Didier Raoult, en France, au CHU de Marseille qui a essayé ce produit sur plusieurs patients avec des résultats qui semblent être très encourageants ont aussi conforté notre choix. En effet, les études ont démontré qu’après la prise de chloroquine, la quantité de virus chutait rapidement.
De plus, le Pr Raoult avait montré qu’en prescrivant aussi de l’azithromycine qui est un antibiotique, cela permettait d’avoir des résultats encore meilleurs. Et tout dernièrement, il y a eu bien sûr les essais qui ont été réalisés aux Etats-Unis et qui là aussi semblent montrer un avantage -on va dire- de la chloroquine. Etant donné le fait que cette maladie est tout à fait nouvelle et compte tenu du fait que c’est une épidémie qui avance très vite avec une contagiosité facile, il est clair que nous n’avons pas le temps d’aller chercher de nouvelles molécules. Le mieux, c’est d’essayer de trouver, parmi les molécules déjà connues et qui sont bien tolérées, celles qui pourraient être utilisées contre ce nouveau coronavirus.

Peut-on dire que ce médicament guérit à 100% ?

La réponse est clairement non. Ce traitement permet d’améliorer plus rapidement les symptômes et de faire chuter assez vite la quantité de virus par rapport au prélèvement. En partant de là, on se dit qu’il vaut mieux prescrire ce traitement le plus tôt possible et ne pas attendre des situations graves nécessitant de la réanimation.

A quel stade ce traitement est-il prescrit sur un cas atteint du virus Covid-19 ?

Comme je l’ai expliqué ci-dessus, il n’y a pas de moment particulier pour prescrire ce traitement. On le donne à tous les stades de la maladie mais il vaut mieux le donner le plus tôt possible. Tous les cas reçoivent ce traitement.

Quelles sont les règles de prudence à avoir dans sa prescription ?

Ce produit est bien connu parce qu’il a été utilisé pendant très longtemps dans le traitement du paludisme et qu’il est toujours utilisé dans certaines maladies chroniques qui touchent tout le système comme le lupus. D’ailleurs, dans le cas de cette maladie, il est utilisé pendant des années. Dans ces utilisations de longue durée, bien sûr, il y a certains effets indésirables qu’il faut suivre et détecter. Mais dans le cas du Covid-19 où la prescription de chloroquine dure juste une dizaine de jours, ce qui est court, les effets ne vont pas apparaître. Maintenant, certaines précautions sont à prendre car le risque principal est lié au rythme cardiaque. Et ce risque devra être éliminé par le médecin avant la prescription de la chloroquine. En clair, la molécule ne doit pas être prise par une personne sans avis médical mais en situation d’hospitalisation ou plus tard chez soi. Le médecin traitant devra éliminer tous les risques avant prescription.

Le traitement sera-t-il standardisé à tous les centres hospitaliers accueillant des cas de Covid-19 ?

Le traitement est déjà disponible dans les différents centres hospitaliers de prise en charge. Chaque personne atteinte du Covid-19 aura immédiatement son traitement. D’ailleurs, ce protocole sera standardisé et sera unique pour tous les centres de soins. Il s’agit d’un traitement de 10 jours avec une posologie de traitement très précise.

Quelles sont les avancées actuelles sur la fabrication du vaccin ?

Rien n’est prévu pour l’instant. Les essais cliniques sont en cours dans différents pays comme en Chine, en Corée, en France, aux Etats-Unis, en Belgique. S’ils parviennent à le fabriquer, il ne sera disponible que dans une année environ. Si cette épidémie devient saisonnière, ça sera utile.

Pourquoi la Chine vit-elle une seconde vague de contaminations ?

Elle correspond pour l’instant aux cas qui sont importés. Aujourd’hui, ce pays a mis des systèmes de contrôle aux frontières. Maintenant, ils ne sont pas tout à fait sûrs qu’une personne qui a contracté le virus garde des anticorps protecteurs sur une longue durée. Et dans ce cas, la personne risque de contracter à nouveau la maladie. Nombreuses sont les inconnues et c’est pour cela qu’il faut rester vigilant.

L’hypothèse que la chaleur serait l’ennemi du virus est-elle toujours maintenue ?

On sait que d’autres coronavirus n’arrivent pas à se multiplier facilement lorsque la température est élevée mais on n’a aucune certitude à ce niveau. C’était un espoir qui est en train de s’évanouir parce que nous voyons qu’en Afrique, un continent qui n’était pas touché jusque-là, commence à l’être.

A quoi est due l’accélération rapide de l’épidémie ces derniers jours? Les pronostics à venir ?

Effectivement, le Maroc enregistre, ces derniers jours, un nombre de cas qui est inhabituel mais on s’y attendait. On sait que durant la première phase, il n’y a que quelques cas et surtout des cas qui sont importés mais que progressivement apparaissent les cas qui sont autochtones. Ceci va augmenter. C’est attendu. C’est une évolution normale de toute épidémie. C’est ainsi que pendant au moins deux semaines on risque de voir augmenter le nombre de cas de façon importante. Pour l’instant, on enregistre un doublement du nombre de cas, tous les trois jours, environ.
Il faudra espérer qu’avec le confinement, on puisse éviter ou réduire les nouvelles contaminations. Autrement dit, les gens doivent rester chez eux. Voilà l’objectif du confinement. Et s’il est réussi, ça permettra de réduire le nombre de cas contaminés. On verrait, dans ce cas, la courbe aujourd’hui ascendante et même exponentielle, reprendre, progressivement, à l’horizontale. Et si on y parvient et on maintient l’horizontal, le pic de l’épidémie sera atteint. A ce stade, la courbe commencera à devenir descendante et c’est ce qui permettra de dire que l’on est en train de gagner la partie.

Dounia Essabban

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