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Revue de presse

Le troisième âge comme cinquième roue de la charrette

Libération | Maroc | 02/10/2019

Il ne fait pas bon d'être vieux au Maroc. Force est de le rappeler en ce lendemain de lancement de la cinquième campagne nationale pour les personnes âgées qui a, à l'instar de celles qui l'ont précédée, remis en lumière le triste sort que subit cette partie de nos concitoyens à la fin de son parcours de vie.

Placée sous le thème "Les personnes âgées, trésor dans chaque foyer", cette manifestation n'a malheureusement jamais eu l'objectif de mettre réellement le doigt sur la plaie ou de plancher un tant soit-peu sur les mécanismes que les pouvoirs publics se doivent de mettre en place pour permettre à nos vieillards de ne pas trop ressentir les effets d'un quelconque isolement ou rejet.

Et pourtant, cela aurait dû être fait depuis fort longtemps. Précisément en janvier 2005, date à laquelle un rapport de l'Entraide nationale avait tiré la sonnette d'alarme sans que personne ne s'en émeuve outre mesure ou ne bouge le petit doigt. Les chiffres y contenus ne laissaient pourtant pas de place au doute. En ces temps-là, les vieux représentaient 5% des 46.000 pensionnaires des associations de bienfaisance et 9% dans les centres urbains. Une tendance qui s'est inscrite à la hausse depuis la fin des années 90.

De nos jours, le troisième âge (60 ans et plus) pèse désormais 10,2% de l'ensemble de la population et son poids devrait aller crescendo pour atteindre 15,4% en 2030.

Mais seul 1/5ème de la population âgée de plus de 60 ans dispose d'une couverture sociale et médicale et sa dépendance physique et financière augmente, dans un contexte où sa prise en charge dans le cadre familial est menacée, notamment par la nucléarisation croissante des ménages.
De fait, la majorité des personnes âgées ne bénéficie pas de pensions et ces dernières sont dans plus de 70% des cas inférieures au salaire minimum interprofessionnel garanti (SMIG).

En outre, plus de 60% des actifs marocains n'ont pas accès aux systèmes de pensions existants et 30% bénéficient à date d'aujourd'hui de l'assurance-maladie obligatoire alors que la majorité des dépenses de santé est prise en charge par les ménages.

Faute de prendre le taureau par les cornes avec diligence, n'aurait-il donc pas été mieux en cette année de se remémorer la fameuse phrase de Feu S.M Hassan II qui a tenu lieu de sacerdoce des années durant. « Le jour où l'on ouvrira la première maison de retraite au Maroc, notre société sera en voie de disparition », avait déclaré le Roi défunt sous forme de boutade. De nos jours, pareilles institutions existent désormais sous différentes formes et avec des dénominations diverses mais en nombre insuffisant pour faire face à une situation en déliquescence continue. En nombre insuffisant et avec un encadrement qui laisse parfois à désirer certes, mais elles existent quand même et leur nombre pourrait augmenter si les autorités publiques accordaient plus d'intérêt au volet social qu'elles ne le font actuellement. Ce qui n'est ni une bonne chose en soi, ni une mauvaise. Ce qui est mauvais, par contre, c'est de continuer à faire l'économie d'une politique publique intégrée de protection des personnes âgées, dotée des moyens d'accompagnement et d'évaluation prenant en considération leurs droits en termes de dignité, de participation et d'inclusion sociale et, surtout, d'œuvrer, autant que faire se peut et par tous les moyens possibles, pour que leur maintien au sein de leurs familles soit privilégié chaque fois que possible.

Malheureusement, à en croire le Conseil économique, social et environnemental, à date d'aujourd'hui, aucune loi cadre, ni loi de programmation ne régit le système marocain de pension, et le pays ne dispose pas d'une stratégie nationale d'extension de la protection sociale des personnes âgées.

C'est d'autant plus malheureux que les effets d'annonce auxquels nous a habitués le département en charge de ce dossier n'y changeront pas grand-chose. Tout au plus, ils consommeront d'importants budgets de communication (spots publicitaires TV et radio, colloques, affiches, CD…) qui ne feront, au final, qu'aggraver les choses.

J R

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