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Le matin | Maroc | 08/03/2006
A l'occasion de la journée mondiale du rein, nous avons rencontré le professeur Mohamed Benghanem Gharbi, secrétaire général de la Société marocaine de néphrologie, et le professeur Younès Ramdani, chef du service de Néphrologie du CHU Ibn Roch de Casablanca. Ils dressent un bilan des acquis de cette discipline et en tracent les perspectives.
Le Matin du Sahara : Les médias ont beaucoup parlé du
flou juridique qui entoure la transplantation du rein. Quelle est la situation
actuelle de cette spécialité ?
Pr. Ramdani : Les choses sont actuellement claires. Il y a
des structures qui sont agréées par l'Etat. Il s'agit des CHU
de Rabat et de Casablanca, de l'hôpital Cheikh Zayed et l'hôpital
militaire. Les textes de loi lèvent toute ambiguïté sur les
questions de prélèvement et de transplantation.
Ils définissent les personnes susceptibles d'être " donneurs
". Ce sont d'une manière générale, les parents de
premier degré (parents, enfants, frères et sœurs) ou même
de deuxième degré (oncles, tantes, cousins et cousines) ainsi
que les cas spécifiques du conjoint après une année de
mariage. Mieux encore, le donneur doit exprimer son désir d'offrir un
rein devant une commission chapeautée par le président du tribunal
de première instance, un représentant du procureur du Roi et deux
médecins nommés par le ministère de la Santé, sur
proposition du Conseil de l'Ordre.
Cette commission vérifie que le donneur a été informé
des risques de cette opération et de ses bénéfices et qu'il
n'a pas été victime de marchandage ou de pression matérielle,
morale ou psychologique. Après l'obtention de l'autorisation du tribunal,
une deuxième autorisation devrait être octroyée par l'administration.
Ce n'est qu'à ce moment que le médecin aura le droit de pratiquer
la greffe. Concernant les cadavres, les choses sont aussi claires mais cette
activité n'a pas encore démarré. Nous souhaitons qu'elle
commencera le plus vite possible.
Puisque le terrain législatif est balisé, que reste-t-il
à faire pour soutenir l'activité de la greffe ?
Pr. Benghanem : Les procédures législatives sont
claires. Il reste à soutenir l'activité de greffe. Les ressources
humaines et les volontés sont là. Les professionnels marocains
ont démontré leur savoir-faire après la première
greffe qui a eu lieu à Casablanca en 1986. D'ailleurs, les résultats
le prouvent : nous en étions à 18 % de survie, pendant la première
année. Ce taux a atteint 94 % la cinquième année. Nous
avons les mêmes chiffres que la littérature internationale. C'est,
donc, au pouvoir public d'opter une optique pour que ce soit un choix stratégique,
étant donné qu'une greffe réussie équivaut à
10 années d'hémodialyse économisée. Sachant qu'une
année d'hémodialyse coûte 200. 000 DH.
Ce qui voudrait dire que lorsqu'on réussit une greffe, on fait économiser
à l'Etat 2 millions de DH. Nous avons absolument besoin du soutien de
l'Etat, parce que nous permettons aux gens de pouvoir travailler, de construire
une famille, de faire des études, d'être plus libres et d'économiser
de l'argent.
Quand vous dites que vous avez besoin d'une aide publique, comment
envisagez-vous cette aide de manière concrète ?
Pr. Benghanem : Tout d'abord par une amélioration au
niveau des ressources humaines. Il ne suffit pas d'avoir des structures et de
l'argent, encore faudrait-il avoir des hommes et des femmes pour travailler.
Nous avons besoin d'équipes, qu'il s'agisse de médecins, d'infirmiers
ou d'aides soignants. Il faut, également, permettre à cette structure
de fonctionner rapidement pour pouvoir répondre à un besoin.
Nous sommes actuellement à un rythme d'une greffe toutes les deux semaines
mais nous espérons pouvoir faire une greffe tous les trois jours. D'un
autre côté, nous avons besoin de soutien financier, du moins pendant
une certaine période pour que nous puissions avoir une activité
minimale qui nous permette de maintenir l'expertise. Nous ne pouvons opérer
que des personnes économiquement solvables.
Combien coûte justement une greffe ?
Pr Ramdani : Au lieu de parler du coût de la greffe,
il faut plutôt la comparer à la dialyse. Un malade ne peut être
greffé que s'il est dialysé quoi qu'il y ait également
la greffe préventive qui ne passe pas par la dialyse. Alors, en comparaison
avec la dialyse, le coût est à 50% moins cher à partir de
la deuxième année de greffe. La première année coûte
à peu près la même chose. Mais, pour être plus clair,
je vous donne combien coûte une greffe. La première année,
elle coûte 250.000 DH, sans compter l'immunosupression qui est d'environ
6.000 à 7.000 DH par mois.
A partir de la deuxième année, le greffé ne paie plus rien
et le coût mensuel diminue de 50 %. Ce qui fait qu'à partir de
la deuxième année, le coût de la greffe devient bénéfique
aussi bien pour le malade et sa qualité de vie que pour l'Etat qui débourse
50 % de moins que pour la dialyse. Au fil des années, le coût continue
de baisser.
Pour bien situer les choses, je vous donne un exemple concret. En Europe, la
prise en charge de la dialyse coûte 60.000 euros par an. Quant à
la greffe, elle coûte 6.000 euros par an. Il ne faut pas uniquement voir
l'acte qui coûte 250.000 DH chez nous et coûte ailleurs 1 million
de DH. Au Maroc, la dialyse est très peu payée, par rapport à
ce qu'elle vaut. Grosso modo, la dialyse coûte au Maroc quelque chose
comme 20.000 euros, soit 200.000 DH.
Il faut donc comparer 200.000 DH à 60.000 ou 70.000 DH tous les ans pour
la greffe qui coûte trois fois moins cher. Il n y a pas un différentiel
de 10 par rapport à l'Europe parce que la dialyse au Maroc est très
peu chère et peu remboursée. Il s'agit d'une décision administrative
de la CNOPS (Caisse nationale des Organismes de Prévoyance sociale).
Elle est aussi moins coûteuse parce que l'hôpital ne fait pas tout
payer et parce que nous ne payons pas l'expertise médicale à sa
juste valeur.
Réservez-vous un traitement spécial pour les patients
nécessiteux ?
Pr. Ramdani : C'est la chose pour laquelle nous sommes en train
de nous battre. Il faut dire que la dialyse au Maroc a connu son essor grâce
à la mutuelle et à la CNOPS. Mais aussi grâce aux associations
et aux ONG qui contribuent à prendre en charge les malades démunis.
Nous comptons beaucoup sur leur aide en plus de celle de l'Etat pour faire bénéficier
les patients nécessiteux de la greffe. Il est vrai que nous greffons
surtout les malades mutualistes, ainsi que ceux qui ont une prise en charge,
qu'il s'agisse d'assurance d'associations ou autre. 50 % des greffés
le sont grâce à des associations.
Vu le coût élevé de la dialyse et dans une moindre
mesure de la greffe, que préconisez-vous pour réduire tous ces
coûts ?
Pr. Benghanem : Lorsqu'on a un rein complètement détruit,
il faut le remplacer par une machine, par l'hémodialyse ou par la transplantation.
Sans utiliser la langue de bois, il s'agit d'un traitement excessivement cher.
Il est capable d'avaler tout le budget-santé d'un pays. Il ne faut pas
oublier que le Maroc est un pays pauvre. Le budget alloué à la
santé et très limité (environ 18 milliard de DH). Soit
600 DH par habitant par an. Or, une dialyse coûte 200.000 DH. Le Maroc
n'a pas les moyens de traiter tous les patients qui sont au nombre de 3000 à
4000 patients dialysés tous les ans.
Il s'agit, non seulement de problèmes financiers mais aussi de ressources
humaines et de structures techniques. Ce qu'il faudrait donc faire, c'est changer
de stratégie pour éviter d'arriver à ce stade, et ce, par
l'élaboration d'un programme de prévention et de dépistage
en amont. En aval, il faudrait essayer de réduire le nombre de malades
dialysés par un programme ambitieux de transplantation rénale.
Nous risquons de commettre une erreur stratégique si nous continuons
à penser : insuffisance rénale égale dialyse.
Tous les malades dialysés sont-ils opérables ?
Pr. Benghanem : Bien sur que non, si les patients sont très
mal pris en charge ou s'ils le sont tardivement, et ce, pour des raisons financières,
ou parce qu'ils n'ont pas accès au traitement des co-morbidités
associés à la dialyse, telle l'hépatite C, l'anémie.
Nous avons été, malheureusement, surpris par les chiffres publiés
par la CNSS et la CNOPS qui ont associé à l'AMO le montant de
700 DH. A ce chiffre, il nous est impossible de bien traiter les malades ni
avoir de bons candidats pour la greffe.
En essayant d'économiser, les gestionnaires de remboursement de l'AMO
sont en train d'augmenter le coût économique de l'insuffisance
rénale. Leur décision risque d'engendrer une augmentation de co-morbidité.
Parce qu'il faut faire attention, et avoir des médecins spécialistes
qui prennent en charge les patients, au lieu de recourir à des médecins
généralistes, comme c'est le cas dans certains centres, ces derniers
gagneraient à être suivis et normalisés pour qu'ils puissent
accomplir leur service dans de bonnes conditions d'hygiène.
Y a-t- il un âge où le risque d'atteinte d'insuffisance
rénale soit élevé ?
Pr. Ramdani : Tous les âges peuvent être atteints
par l'insuffisance rénale. Toutefois, il y a moins d'insuffisance rénale
chez l'enfant. Il s'agit le plus souvent de malformation congénitale…
Par contre la prévention pourrait jouer un rôle important. D'ailleurs
tous les efforts de la société marocaine de néphrologie
vont dans ce sens.
L'homme est plus atteint que la femme mais cela a tendance à changer
avec les nouvelles causes de l'insuffisance rénale au Maroc qui sont
en train de prendre de l'ampleur. De plus en plus, le Marocain change de mode
de vie et s'occidentalise. C'est pour cette raison que de nouvelles pathologies
apparaissent, dont notamment, l'hypertension et le diabète de type 2.
Parmi les complications de ces maladies, on trouve l'insuffisance rénale.
Propos recueillis par Kenza Alaoui
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