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Libération | Maroc | 30/01/2019
Quid de la réglementation, des prix, du monopole et du transfert de technologie ?
La première unité de production de médicaments anticancéreux issus des biotechnologies en Afrique a vu le jour lundi dernier à Casablanca. Annoncé en 2017 par les laboratoires Sothema, un des leaders marocains de la production pharmaceutique, le projet entame aujourd'hui sa deuxième phase qui nécessitera une enveloppe budgétaire de 200 millions de DH avant la commercialisation des bio-similaires anticancéreux produits localement et pas chers.
Pourtant, cette mise en vente sur le marché marocain, et sur le reste du continent, de ces bio-similaires suscite plusieurs questions. D'abord au niveau du transfert de technologies.
Est-ce qu'il y a eu un transfert formel aux laboratoires Sothema de découvertes résultant de la recherche de son homologue russe Biocard ou est ce qu'il y a eu uniquement un transfert partiel de technologie ? Autrement dit, est ce que la licence de production accordée au laboratoire marocain exclut certaines technologies ? « Le transfert s'est fait de A à Z. C'est nous qui faisons tout, du mélange à la fabrication et au filtrage en passant par le contrôle, le remplissage et le conditionnement jusqu'à la vente », nous a indiqué Benabdelah Lotfi, directeur du pôle industriel aux laboratoires Sothema. Et de poursuivre : « Notre personnel a effectué un stage chez notre homologue russe et ce dernier nous a accompagnés ici au Maroc. Ils nous fournissent également la matière première et c'est très important puisqu'il faut avoir la même matière première qu'ils utilisent chez eux pour avoir la même qualité de produits finis. Mieux, s'il y a un nouveau médicament, le même processus de transfert sera reproduit. Cet accompagnement russe sera de mise jusqu'à ce que notre laboratoire prenne totalement la main. Après, il n'y aura que des accords commerciaux entre nous pour gérer la question des prix et des parts de marché ».
Ensuite, les laboratoires Sothema auront-ils l'exclusivité de la production de bio-similaires anticancéreux ? Anas Doukkali, ministre de la Santé, nous a précisé à ce propos qu'il n'y aura absolument pas de monopole. « Plusieurs marques de médicaments sont importées et vendues au Maroc à des prix fixés par leurs importateurs. La situation changera dès que l'industrie nationale commencera à fabriquer localement les produits importés. En fait, les prix pourraient chuter puisque les importateurs ne seront plus les seuls sur un marché qui deviendra plus concurrentiel », nous a-t-il déclaré.
Enfin, qu'en est-il du volet réglementaire encadrant le développement et la mise sur le marché marocain de bio-similaires ? En fait, et contrairement aux nombreux textes de loi sur les génériques, l'arsenal juridique concernant les bio-similaires se résume aujourd'hui à l'article 7 du décret sur l'AMM (Autorisation de mise sur le marché) du 5 août 2015 qui se contente de renvoyer vers les recommandations de l'Organisation mondiale de la santé (OMS) et le Conseil international d'harmonisation des exigences techniques pour l'enregistrement des médicaments à usage humain (CIH). Laquelle OMS renvoie, pour un bon nombre de points techniques et cliniques, aux règlementations nationales ou régionales. Par exemple, le choix du médicament de référence pour la comparaison, l'interchangeabilité, l'extension des indications restent des décisions nationales ou régionales et la réglementation de l'OMS est muette sur ces points.
Qu'en est-il donc de la capacité de la Direction des médicaments et de la pharmacie (DMP) d'évaluer correctement des demandes d'AMM pour des bio-similaires dans le cadre d'un pareil vide juridique ? Jamal Taoufik, directeur de la DMP, nous a annoncé à ce propos qu'un texte de loi est en cours de finalisation. « Le texte en question a été signé par le ministre et envoyé au secrétariat général du gouvernement (SGG) en vue de sa programmation. Nous avons accéléré le processus d'élaboration de ce texte parce qu'il est important. La balle est donc désormais dans le camp du SGG et du Parlement », a-t-il précisé. Concernant le vide juridique actuel en matière de bio-similaires, il estime qu'il ne pose pas problème puisque les laboratoires font des études cliniques. Toutes les règlementations nationales et régionales tant en Europe, qu'aux Etats-Unis, au Canada, en Amérique latine et en Asie ou celles émanant de l'OMS, exigent une re-démonstration de l'innocuité et de l'efficacité des bio-similaires via des études précliniques et cliniques complètes, comparativement à la molécule de référence, précise Abdelatif Elouahabi, expert consultant en biopharmaceutique et propriété intellectuelle, dans un article relatif à cette problématique diffusé par le site du Huffpost.
Et concernant les prix ? Seront-ils réellement inférieurs de 30% à ceux du marché ? Certainement pas. En effet, le risque d'échec et le coût de développement d'un bio-similaire sont beaucoup plus élevés que pour les génériques. De fait, la réduction des prix des bio-similaires par rapport aux produits de référence reste plus modeste et se situe généralement entre 10 et 30%. De l'aveu même du fondateur des laboratoires Sothema, Mohamed Tazi, fabriquer de la matière première pour les produits de biosynthèse coûte énormément cher. Ce qui devrait, selon lui, pousser les pouvoirs publics à soutenir ce processus et, partant, l'industrie pharmaceutique nationale.
Par Hassan Bentaleb
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