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Les éco | Maroc | 03/07/2018
Les essais cliniques sur des êtres humains pour le développement de traitements pharmaceutiques peinent à se développer au Maroc. Zoom sur un domaine où la sécurité des personnes doit primer.
« Nous ne souhaitons pas des essais cliniques sur des êtres humains low cost au Maroc », affirme catégorique, Jean Yves Gal, vice-président de Les Entreprises du Médicament au Maroc (LEEM), représentant des multinationales au Maroc, en clôture d'une session de formation organisée par LEEM et l'Université Mohammed VI des sciences de la santé (UM6SS) au profit des journalistes, le 28 juin dernier. Dans une activité scientifique et pharmaceutique à forte concurrence mondiale entre les pays de l'Est et du Sud, la tentation de vendre « La destination Maroc » dans ce domaine pointu sur des facteurs de compétitivité prix est réfutée par les industriels internationaux du médicament au Maroc. « La recherche scientifique a les mêmes standards partout dans le monde. Les essais cliniques sont menés selon les mêmes normes dans les différents pays », continue le vice-président du LEEM et directeur général de Servier Maroc. Dans cette phase préparatoire pour lancer l'écosystème des essais cliniques au Maroc tel que prévu par le Plan d'accélération industrielle, les craintes du ministère de la Santé et la faiblesse de la recherche scientifique au Maroc sont les deux principaux obstacles pour placer le royaume sur la carte dans ce secteur.
Les multinationales relancent l'écosystème
Pr Najia Hajjaj Hassouni, directrice du Centre d'innovation à UM6SS et Pr Samir Ahid, doyen de la faculté de pharmacie au sein du même établissement privé sont deux imminents chercheurs marocains. Ils avaient été sélectionnés dans le cadre d'un panel international pour mener des essais cliniques sur des êtres humains au Maroc. « Nous devions sélectionner 17 personnes saines mais vu la lourdeur administrative au ministère de la Santé, nous n'avions pu sélectionner qu'une personne. Pour cette raison, le laboratoire international à l'initiative n'a pas retenu notre équipe marocaine », regrette Pr Hajjaj, ex-doyenne de la faculté de pharmacie de Rabat. Les deux chercheurs pointent du doigt une « réglementation peu attractive et pas assez souple » pour inciter la Big Pharma, les grandes multinationales du médicament qui commandent des essais cliniques, à choisir le Maroc. La législation existante se résume à deux circulaires ministérielles, la première remonte à 2012 et la deuxième date de 2018. Selon Pr Rachida Soulaymani, directrice du Centre national de pharmacovigilance (CNP), « ces deux textes cadrent bien les essais » mais ajoute : « idéalement, une loi encadrant l'ensemble de ces essais serait souhaitable ». Ce cadre juridique jugé « contraignant » limite le nombre d'essais cliniques. Cinq comités d'éthique indépendants rattachés aux facultés de pharmacie du Maroc livrent aussi leur avis avant l'accord de l'administration. Selon les données internationales présentées par Pr Soulaymani, le Maroc a connu la réalisation de 95 essais cliniques, contre 250 en Tunisie, 1.500 en Egypte et 12.000 en France. Il faut compter 18 mois pour obtenir les autorisations au Maroc contre 3 mois en Tunisie. « Le système tel qu'il existe aujourd'hui bloque les essais cliniques par crainte de protéger les patients et les candidats », commente la directrice du CNP. Le retard du Maroc dans ce domaine s'explique aussi par l'état de la recherche scientifique. Pr Hajjaj dresse un état des lieux sans appel. « Le Maroc recule par rapport à ses plus proches concurrents. Dans tous les domaines confondus, nous sommes 57e dans le monde, loin derrière l'Egypte ou le Nigéria », conclut-elle.
Jean Yves Gal
Vice-président de Les Entreprises du médicament au Maroc
Nous sommes très positifs sur l'avenir de la recherche au Maroc. Nous voyons les opportunités sans ignorer les freins. Nous avons engagé depuis une année des travaux importants qui se sont concrétisés par un colloque en février dernier. Les recommandations seront discutées avec les ministères concernés pour lever les freins à la recherche. Il faut valoriser les avantages compétitifs du Maroc ».
Pr Najia Hajjaj Hassouni
Directrice du Centre d'innovation à l'Université Mohammed VI des sciences de la santé
Pour réussir la mise en place d'un écosystème des essais cliniques au Maroc, nous avons besoin de deux préalables : une formation de qualité et l'éthique dans la recherche. Le Maroc doit valoriser des équipes maîtrisant leur sujet et un même niveau que leurs collègues internationaux. Deuxième garantie, c'est l'éthique, c'est même fondamental pour assurer la confiance et la sécurité des personnes ».
Dès la rentrée prochaine, un diplôme à l'UM6SS
« Les essais cliniques se basent sur une rigueur méthodologique », rappelle Pr Ahid de l'UM6SS. Cet établissement vient de conclure un accord avec le LEEM pour lancer un diplôme sur la méthodologie de la recherche. « Cette formation démarre dès la prochaine rentrée universitaire », annonce Pr Chakib Nejjari, président de l'UM6SS. « Cette formation professionnelle comporte une forte employabilité pour les jeunes lauréats des universités et permettra de combler le vide dans ce domaine », se réjouit le Pr Hajjaj.
Salaheddine LEMAIZI
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