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Albayane | Maroc | 08/03/2018
Al Bayane: La Journée mondiale du rein est célébrée cette année sous le thème « le rein et la santé des femmes ». Selon vous qu’est ce qui justifie cette thématique ?
Amal Bourquia : Il faut d’abord savoir que cette thématique est choisie par la Société Internationale de Néphrologie (ISN) et la Fédération Internationale des Fondations du Rein (IFKF), et que ce choix repose sur des données et arguments objectifs. Pour notre part au niveau de l’Association « REIN », nous adhérons pleinement à ce choix qui est très pertinent en ce sens que la santé de la femme est au centre de nos préoccupations depuis toujours, comme du reste la santé de l’enfant ou des adultes.
Oui, mais est ce qu’il y a une autre symbolique à ce choix ?
Comme vous le savez, la journée mondiale du rein coïncide cette année avec la journée internationale des droits de la femme. Pour nous en tant qu’association, il est important de parler et de défendre ces droits, défendre le droit à l’accès et à l’équité des soins entre hommes et femmes.
Nous savons tous qu’il y a des particularité chez la femme, c’est le cas des maladies urinaires, mais il y a surtout la grossesse qui expose la femme à des troubles rénaux et aussi certains troubles qui existaient déjà chez la femme et qui peuvent être aggravés.
Il est très important de découvrir ces troubles avant la grossesse et d’en assurer un bon suivi.
En outre il faut savoir que pour une femme qui souffre d’une insuffisance rénale à un stade avancé, ou qui est sous dialyse, la grossesse représente un réel danger.
Par ailleurs, il est utile de rappeler que le nombre de femmes qui bénéficient de la dialyse est inférieur à celui des hommes, et c’est aussi vrai pour les greffes de rein. Les hommes bénéficient plus de greffons, et ce au moment où nous relevons que ce sont les femmes qui donnent le plus de reins.
C’est l’ensemble de ces droits de la femme que nous voulons mettre en exergue pour un meilleur accès aux soins.
Pouvez-vous nous expliquer ce qu’est l’insuffisance rénale chronique ?
Le terme insuffisance rénale chronique désigne une détérioration graduelle et irréversible de la fonction rénale, généralement sur plusieurs années. Cette insuffisance rénale chronique évolue fréquemment vers une perte totale de la fonction rénale. Un traitement de substitution de la fonction rénale, la dialyse ou la transplantation, devient alors nécessaire. L’insuffisance rénale chronique est le plus souvent la conséquence d’une détérioration des reins causée par certaines maladies telles que le diabète, les maladies cardiovasculaires, ou encore par la consommation abusive de médicaments comme certains antidouleurs…
Quelles sont ses causes ?
Comme on vient de le citer, la cause la plus fréquente de l’insuffisance rénale chronique est le diabète, qu’il soit de type 1 ou de type 2. Le diabète endommage les petits vaisseaux sanguins, y compris ceux qui se trouvent à l’intérieur des reins. En général, les maladies qui causent les problèmes cardiovasculaires sont aussi des facteurs de risque pour les maladies rénales. L’âge avancé, l’hypertension artérielle, l’obésité, le diabète, le tabagisme et un faible taux de cholestérol HD ou bon cholestérol. D’autres facteurs de risque peuvent provoquer une insuffisance rénale chronique, notamment les infections du rein ou pyélonéphrites, des maladies polykystiques des reins, le lupus érythémateux aigu disséminé, ou encore les obstructions des voies urinaires (comme dans l’hypertrophie de la prostate), sans oublier l’utilisation de médicaments métabolisés par les reins, comme certains agents de chimiothérapie contre le cancer et plus fréquemment aussi l’utilisation de produits toxiques ou des plantes que l’on achète chez l’apothicaire.
Le grand problème, c’est le diagnostic tardif, c’est la méconnaissance de cette maladie par un grand nombre de citoyens qui ne procèdent à une consultation qu’au stade des complications, ce qui rend la prise en charge difficile, lourde et coûteuse, et pose donc un véritable problème de santé publique.
Sur la base des chiffres enregistrés, nous constatons que l’insuffisance rénale suit une courbe exponentielle...
Vous savez très bien que la prévalence des maladies rénales au Maroc reste inconnue, faute de statistiques. Cependant on peut avancer que cette prévalence est parmi les plus importantes, du fait de l’expansion du diabète (2 millions de malades) et de l’hypertension artérielle (41,2 % de marocains selon les statistiques de l’OMS en 2008). Au Maroc, l’insuffisance rénale est en pleine expansion. Nous enregistrons une courbe exponentielle depuis plusieurs années, cette courbe n’a jamais fléchi. Les maladies rénales toucheraient aujourd’hui près de 3 millions de Marocains chaque année, et de 3.000 à 3.500 personnes supplémentaires atteignent le stade ultime de l’insuffisance rénale chronique qui nécessite la dialyse ou la transplantation.
Quelles sont les complications de cette maladie ?
Comme je l’ai expliqué, les reins assurent de nombreux rôles, la perte de leurs capacités de leur fonction entraîne des complications diverses multiples, variées, de gravité importante et en faire le listing de ces complications nécessiterait beaucoup de temps. Pour en citer quelques-unes, il ya les complications dues à la perte de la capacité.
L‘épuration
L’accumulation de déchets du métabolisme (acide urique, urée, créatinine, etc.) dans le sang peut entraîner des nausées, des vomissements et une perte d’appétit. Le malade peut aussi présenter des troubles neurologiques, voire un coma. Toujours dans le registre des complications, il y a l’accumulation de l’eau dans les tissus qui provoque des gonflements (œdèmes), voire une accumulation d’eau dans les poumons œdème aigu du poumon (OAP) qui peut être à l’origine d’une asphyxie mortelle.
La perte des capacités rénales provoque des déséquilibres au niveau des éléments minéraux dissous dans le sang : sodium, potassium, phosphore et calcium en particulier. Par exemple, un excès de potassium peut provoquer des troubles du rythme cardiaque, voire un arrêt du cœur. Une perte anormalement élevée de calcium, associée à un excès de phosphore, peut être à l’origine d’une fragilité osseuse. Il existe également des complications dues à la perte de la capacité de sécrétion d’hormones : les reins sont responsables de la sécrétion d’une hormone, l’érythropoïétine, qui stimule la production de globules rouges par la moelle osseuse. En cas d’insuffisance rénale chronique, la sécrétion d’érythropoïétine diminue et l’anémie s’installe, responsable de fatigue et d’essoufflement. Enfin, l’insuffisance rénale chronique tend à augmenter la vulnérabilité aux maladies infectieuses. Et la liste des complications est encore longue.
Dans le registre de la prévention, quelles sont les actions à entreprendre ?
Vu que les deux causes principales de l’insuffisance rénale sont le diabète type 1 et le diabète de type 2, mais aussi l’hypertension artérielle, il faut procéder à un bon contrôle et à un suivi régulier par un médecin traitant. C’est le meilleur moyen de diminuer grandement le risque d’évolution vers l’insuffisance rénale. Il est essentiel d’œuvrer pour que la mesure de tension artérielle et la recherche de protéines dans les urines fassent partie de tout examen médical, et il faut inciter la population à réduire sa consommation du sel, ce qui est de nature à réduire les risques.
De même, il faut sensibiliser les citoyens autour des maladies rénales. Il s’agit là d’informer le plus de personnes, d’éduquer grâce aux médias audio-visuels et la presse écrite, et insister sur l’importance du dépistage et du diagnostic précoce. Ce sont là des étapes vitales du processus de prévention de ce problème majeur de santé publique. La question qui se pose naturellement est de savoir s’il existe, dans notre pays, une politique de prévention contre cette maladie et ses complications ? La réponse est connue. Il ne fait aucun doute que le ministère de la santé entreprend des actions louables mais qu’il reste encore beaucoup à faire. Il nous faut mener une grande réflexion avec des objectifs à court, moyen et long termes, et susciter l’implication de tous les acteurs qui lutte contre les maladies rénales (ministère, sociétés savantes, associations, etc.). Ensemble, tout est possible.
Ouardirhi Abdelaziz
Bio express
Amal Bourquia, présidente de l’association Reins, est professeur de néphrologie. Elle fait partie de la première génération de néphrologues marocains. Titulaire du Certificat national de néphrologie de la Faculté de Médecine René Descartes de Paris, elle a effectué un cursus d’enseignante au CHU Ibn Rochd et a signé plusieurs ouvrages sur le thème de l’insuffisance rénale. Le Pr. Bourquia a également participé à la mise en place et au développement de la dialyse périodique et au démarrage de la transplantation rénale au Maroc.
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