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L'économiste | Maroc | 09/02/2018
Rabat accueille ces 9 et 10 février un colloque national sur la recherche biomédicale. Cet événement rassemblera d'éminents chercheurs de renommée mondiale. La communauté scientifique se mobilise pour promouvoir cette activité au Maroc. Et ce au moment où, sur le plan international, il est prévu à l'horizon 2018, la sous-traitance de près de la moitié des activités de R&D pharmaceutique.
Ceci représente un marché de plus de 80 milliards de dollars dont plus de 46% seraient alloués aux essais cliniques. Pour le Maroc, une étude de Valyans fait ressortir un potentiel de développement de près de 1 milliard de DH/ an à l'horizon 2020, soit près de 10% du potentiel de la région Mena. Connu à l'échelle nationale et internationale dans le domaine, le Pr Farid Hakkou fait le point.
L'Economiste : L'Etat veut mettre en place un écosystème dédié à la santé dont la recherche biomédicale. Quelles sont les opportunités qui se profilent dans ce domaine ? Quelles sont les estimations des budgets nationaux et internationaux en la matière ?
Pr Farid Hakkou: Tout d'abord, il est essentiel de rappeler que la recherche biomédicale, et plus spécifiquement la recherche clinique, a une valeur structurante sur les moyen et long terme. Elle est à la fois un mode privilégié d'accès à l'innovation thérapeutique pour le patient et une source de formation continue pour les professionnels de la santé. La recherche biomédicale améliore ainsi la qualité des soins et offre de nombreuses opportunités sur le plan social, sanitaire et économique. Elle améliore aussi le financement des infrastructures de santé, le rayonnement des chercheurs marocains et leur développement, l'accès à des traitements innovants, le transfert de technologie et de savoir-faire vers le Maroc.
Dans le cadre du Plan d'Accélération Industrielle (PAI) 2014-2020, le gouvernement a lancé en mars 2016 un projet de mise en place d'écosystèmes, dont un dédié spécifiquement à la recherche biomédicale et focalisée sur les essais cliniques. Ce projet prévoit des mesures incitatives législatives, économiques et académiques. Le Maroc ambitionne donc de développer les activités de R&D pharmaceutiques tant pour les essais cliniques que pour l'outsourcing des autres services R&D pharmaceutiques. Sur le plan international, il est prévu, d'ici 2020, une sous-traitance de près de la moitié des activités de R&D pharmaceutiques. Au Maroc, on évalue le potentiel de développement de la recherche biomédicale à près de 1 milliard de DH par an sur les dix prochaines années.
La législation actuelle est-elle adéquate pour garantir et sécuriser la pratique de la recherche médicale au Maroc ?
Afin de mener à bien cette vision, de nombreuses pistes de réflexion et de leviers d'actions sont rapidement et facilement accessibles, notamment sur le plan réglementaire et procédural. La loi 28-13 est aujourd'hui complète mais nécessite les décrets d'application pour sa mise en œuvre. Quelques mesures essentielles peuvent être citées, telles que les modalités de déroulement des recherches au cours de la première administration d'un nouveau médicament, l'accélération des procédures d'approbation des essais cliniques, la mise en place d'un guichet unique pour le dépôt d'autorisation des projets de recherches cliniques, la mise en place d'une commission d'experts pour le pilotage de la recherche clinique ou encore les modalités d'importation des produits médicaux objet de la recherche. Bien évidemment, tout cela doit être accompagné par une véritable stratégie d'incitations fiscales, d'encouragement de création de centres de recherche publics et privés, de formation et de promotion de la destination Maroc pour les essais cliniques.
Sur le volet de protection des patients, quelles sont les garanties accordées aux volontaires ?
La protection des patients est le point le plus important et le plus sensible. D'ailleurs, la loi n° 28-13 de décembre 2015, qui régit la recherche biomédicale au Maroc, porte une volonté clairement affichée de la priorité donnée à la sécurité des patients. Cette loi donne toute l'importance à la sécurité et le bien-être des personnes qui se prêtent à la recherche biomédicale et mentionne clairement que les intérêts des patients doivent toujours prévaloir sur les intérêts de la science. Cette protection des patients et la conduite d'essais cliniques sont fondées sur la protection des droits de l'homme et sur le respect de la dignité humaine, telle qu'elle est évoquée dans la déclaration universelle sur la bioéthique et les droits de l'homme adoptée à la Conférence générale de l'Unesco le 9 octobre 2005.
Par ailleurs, il est important de signaler que l'utilisation et la diffusion internationale des résultats d'essais cliniques sont conditionnées au respect des bonnes pratiques cliniques (BPC), adoptées par la conférence internationale d'harmonisation de 1996 et plusieurs fois révisée depuis. Si ces BPC, qui sont une norme internationale relative à la bioéthique, ne sont pas respectées, la portée des résultats de l'étude ne peut être reconnue internationalement ni par les autorités étrangères ni par la communauté scientifique mondiale.
Est-ce que l'éthique est respectée dans la recherche biomédicale au Maroc ?
Aucune recherche ne peut démarrer si elle n'a pas reçu l'avis du comité d'éthique pour la recherche biomédicale, l'avis de la commission de protection des données à caractère personnel et l'autorisation du ministère de la Santé. La mission majeure et essentielle du comité d'éthique est de garantir que la protection du patient soit bien assurée. Les modalités de recrutement, les informations fournies aux patients et le mode de recueil du consentement sont scrupuleusement évalués. Le comité s'assure qu'il a été précisé au patient la possibilité de se retirer à tout moment du projet de recherche, sans justification et sans conséquences pour sa santé. Aujourd'hui, l'éthique est respectée dans la recherche biomédicale au Maroc dans les normes et la réglementation actuelles.
Quelles sont les principales attentes de la communauté scientifique ?
Le Maroc doit néanmoins faire face à de multiples défis afin de réaliser son plein potentiel dans ce secteur prometteur. Tout d'abord, la complexité et le manque de prédictibilité du cadre réglementaire handicapent fortement l'attractivité nationale dans ce domaine. Ensuite, il est nécessaire d'activer tous les leviers institutionnels, économiques et financiers afin de multiplier les essais cliniques au Maroc. Enfin, le nombre de CRO (ndlr: Organisation de recherche clinique par contrat) opérant au Maroc est trop limité. Or ils sont un maillon crucial dans l'intermédiation croissante entre les laboratoires innovants et les investigateurs.
Propos recueillis par Nadia DREF
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