Les programmes scolaires ne font que survoler le sujet à travers l’apprentissage de l’appareil reproductif. Les recherches et les consultations menées ces dernières décennies ont montré que la communication en matière de sexualité est une question urgente sur laquelle il faut se pencher. Malheureusement, sur ce sujet, le Maroc n’en est encore qu'aux premiers balbutiements.

L’Association marocaine de sexologie organise, les 29 et 30 octobre prochains, son dix-septième Congrès national. L’occasion pour les participants de débattre de la problématique de la santé sexuelle et reproductive dans notre pays et les moyens à développer pour assurer une information correcte à la population, garantir l'accès aux services de soins sexuels et reproductifs et protéger les droits sexuels et reproductifs. « Bien que le Maroc ait réalisé des améliorations notables dans le domaine de la santé sexuelle et reproductive, il reste beaucoup à faire pour assurer l'équité dans l'accès aux soins.

En effet, des barrières culturelles et sociales à l'accès universel à la santé sexuelle existent encore et empêchent les populations vulnérables et défavorisées d'accéder et d'utiliser ces services », affirme l’Association marocaine de sexologie. Cela explique que certains indicateurs de santé sexuelle évoluent très lentement. En effet, l’épidémie du VIH par exemple reste en hausse malgré des mesures de prévention énergiques. « Un autre exemple est celui des services de planification familiale qui sont, certes, bien développés garantissant gratuitement l’accès des femmes aux méthodes contraceptives. Malgré cela, des situations de grossesse non désirées chez les jeunes filles sont fréquentes, et les taux d'avortement restent élevés parmi les jeunes. Ceci est expliqué en partie par les obstacles à l’accès des jeunes filles à la contraception, le manque de services conviviaux pour les jeunes ainsi que l’absence d’éducation sexuelle efficace », poursuit la même source.

En effet, l’éducation à la santé sexuelle et reproductive ne fait pas partie des programmes scolaires qui ne font que survoler le sujet à travers l’apprentissage de l’appareil reproductif. Pourtant la contraception et ce qui l’entoure sont des informations cruciales pour éviter les risques de grossesses ou encore les MST (maladies sexuellement transmissibles), surtout quand on sait que « 53% des jeunes n’ont aucune connaissance de leur anatomie intime et que 15% des jeunes filles sont choquées par la survenue de leurs premières règles », nous expliquait le Dr Latifa Jamai, vice-présidente de l'Association marocaine de planification familiale (AMPF Rabat). À ce sujet, une enquête réalisée par le Groupe l’étudiant marocain et publiée en 2016 révèle que seuls 61,1% des lycéens déclarent être pour les cours d’éducation sexuelle à l’école. Ils sont, par ailleurs, un lycéen sur deux (50,7%) à penser que la sexualité est un sujet tabou dans notre pays. Ils n’en parlent que très peu avec leurs proches. Ils sont, en effet, 38,2% à en parler souvent avec des amis quand près d’un lycéen sur 3 (32,1%) prétend ne jamais évoquer le sujet.

De même, seul 1/3 d’entre eux a déjà évoqué le sujet avec un membre de sa famille et généralement la mère. Au sujet de la pratique sexuelle avant le mariage, la grande majorité des lycéens (70%) sont contre (33,6%) ou la trouvent immorale (36,4%). Ils sont, tout de même 11,1% à y souscrire. Il est intéressant de noter que 18,5% des lycéens du public et 20,1% du privé disent « préférer ne pas répondre à la question ». S’agissant des MST, près 9 lycéens sur 10 (87,3%) les considèrent comme dangereuses. Ils sont toutefois 8,3% à « ne pas savoir ». Les 2/3 des lycéens (67,8%) pensent que le meilleur moyen de se prémunir contre les MST est l’abstinence contre 15% pour le préservatif. Fait surprenant, ils sont 1,5% à croire que la pilule est un moyen efficace de s’en prémunir... En devenant adulte, la situation ne s’arrange pas puisque « la majorité des Marocains sont au courant de l’existence de la contraception, mais n’ont pas une connaissance précise de toutes les méthodes », expliquait le Dr Jamai. À noter enfin que l’éducation sexuelle ne se limite pas à la contraception et au risque de grossesse. C’est la raison pour laquelle l’Association marocaine de sexologie oriente ses recherches vers toutes les disciplines qui se rattachent à la sexualité notamment la médecine, la sociologie et la psychologie. L’association articule ses recherches autour des axes de l’éducation pour la santé sexuelle : le traitement des dysfonctionnements sexuels et les droits sexuels.

Priscilla Maingre