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Revue de presse

Maladie cœliaque : l’ennemi est dans l’assiette !

Le matin | Maroc | 21/05/2013

Saïda a 39 ans et souffre depuis douze ans d’intolérance au gluten, un trouble alimentaire l’empêchant de consommer du gluten, un mélange de protéines contenues dans certaines céréales (blé, orge, seigle…). «Ce n’est qu’à l’âge de 20 ans que j’ai su que mon problème principal dans la vie s’appelait “gluten”. Durant toute cette période, il m’arrivait d’être hospitalisée 5 à 6 fois pas an. Je n’ai jamais eu de vie normale à proprement parler, car celle-ci consistait en des séjours en clinique, des séries interminables de prises de sang, de selles et j’en passe. Personne n’arrivait à cerner mon problème de santé, toutes spécialités médicales confondues», confie la jeune femme.

«Cette pathologie provoque une attaque de la paroi intestinale à l’origine d’une malabsorption de nutriments, notamment le fer et le calcium, ainsi que de multiples complications comme l’ostéoporose, la dermatite herpétiforme, des douleurs articulaires, des fausses couches à répétition et un risque potentiel de survenue d’un lymphome», explique Khadija Moussayer, vice-présidente de l’Association marocaine des intolérants et allergiques au gluten (AMIAG) avant de poursuivre : «Au Maroc, la maladie coeliaque reste encore peu connue malgré qu’elle atteigne environ 1% de la population. Par ailleurs, la pathologie peut rester silencieuse pendant des années et son diagnostic met en moyenne plus de 13 ans avant d’être établi par le taux sanguin élevé d’un anticorps (anti-transglutaminase) responsable de l’attaque de l’organisme et par une biopsie de la paroi intestinale. Il reste que pour chaque cas détecté, 9 sont ignorés». Pour retrouver la santé, une seule solution : retirer toute trace de gluten dans son alimentation en suivant un régime très strict théoriquement à vie. Ce qui n’est pas toujours très simple à mettre en place, car cela implique souvent de modifier des habitudes alimentaires bien ancrées dans la vie du patient.

Les grandes surfaces proposent aujourd’hui des produits garantis sans gluten, mais leur coût reste relativement élevé et difficile à supporter dans des milieux modestes. «Si je veux manger des pâtes, il me faut débourser entre 50 et 55 dirhams pour 250 g contre 10 dirhams les 500 g en temps normal. Je ne peux pas boire de lait de vache et suis contrainte d’acheter du lait d’amande ou de soja, de 40 à 60 dirhams de litre…», déclare Saïda. Et si elle veut se faire un petit plaisir, elle devra encore une fois mettre la main au portefeuille : «Pour des cookies ou des biscuits c’est 150 dirhams les 250 grammes». Au final, ce n’est pas moins de 2 000 dirhams par mois que devra débourser la trentenaire pour pouvoir manger comme tout le monde…

Autre contrainte, les sorties au restaurant et les repas en famille. «Ma mère me prépare des plats à part, parce qu’elle a connaissance de ma maladie, mais je ne peux pas imposer mon régime à tout le monde. Au restaurant, il faut scruter chaque composition et préciser au cuisinier de retirer tout aliment “suspect”». En effet, il est souvent conseillé au patient de cuisiner avec des aliments naturels (non préparés industriellement).

Ce qui n’est pas toujours évident en dehors de chez soi. Sont à bannir, entre autres, les plats préparés et ceux micro-ondes ainsi que les boîtes de conserve.

Certains aliments préparés sont étiquetés sans gluten, avec un logo représentant un épi de blé barré. Pour les autres, Saïda n’a d’autre choix que de décortiquer les étiquettes produits pour être sûre de manger sans risques. Elle doit donc choisir des produits dont la composition ne révèle pas des traces de «malt», d’«amidon», de «protéines végétales hydrolysées ou texturées» et de «seitan».

On y pense rarement, mais une attention particulière doit être portée à certains médicaments et vitamines, dont l’enrobage peut contenir du gluten (amidon). «Pour les femmes, attention aux produits de beauté que vous utilisez, car certains rouges à lèvres ou gloss peuvent en contenir. Prudence avec le dentifrice également…», conseille la vice-présidente.

Au sein du foyer, faites attention à ne pas contaminer les aliments sans gluten. Exemple : des produits sans gluten préparés dans une vaisselle non lavée qui a été mise en contact avec des aliments contenant du gluten. Attention également aux échanges d’ustensiles avec les membres du foyer ne suivant pas votre diète.

Explications : Dr Khadija Moussayer, vice-présidente de l’AMIAG et spécialiste en médecine interne et en gériatrie : «La maladie cœliaque est une affection auto-immune»

Qu’est-ce que la maladie cœliaque ?

La maladie cœliaque, mieux connue sous l’appellation d’intolérance au gluten, est une affection auto-immune, c’est-à-dire que le système immunitaire chargé normalement de défendre l’organisme contre les agressions (de bactéries, virus, champignons…) se retourne contre le corps et attaque ses propres constituants. Le gluten, une protéine contenue dans les céréales (blé, orge, seigle…), provoque chez certaines personnes cette réaction anormale qui induit des dommages de la paroi de l’intestin grêle et des troubles de l’absorption du fer, du calcium, et des vitamines. L’intolérance au gluten au cours de la maladie cœliaque diffère de l’exceptionnelle allergie au gluten qui n’a pas la même expression clinique et ne repose pas sur les mêmes mécanismes.

Y a-t-il des personnes à risque ?

Une hérédité ?

La maladie survient sur un terrain génétique particulier. Il existe une forte prédisposition génétique à la maladie et les membres de la parenté d’un malade cœliaque sont touchés dans 10% des cas. Les personnes ayant une maladie auto-immune comme le diabète insulinodépendant de type I, la polyarthrite rhumatoïde ou la thyroïdite sont plus susceptibles de développer la maladie. Elle est aussi plus fréquente chez les personnes atteintes de trisomie 21.

À partir de quel âge peut-on contracter cette maladie ?

L’intolérance au gluten peut survenir à tout âge. Elle peut apparaître chez les jeunes enfants dès l’âge de 6 mois, après l’introduction des céréales dans leur diète, comme elle peut se déclarer à l’âge adulte. D’une affection infantile dont les signes se limitent à l’appareil digestif, la maladie cœliaque est devenue ces dernières décennies, une pathologie surtout de l’adolescent et de l’adulte même au-delà de 65 ans avec des manifestations qui s’étendent à tous les organes.
Les femmes en sont de 2 à 3 fois plus touchées que les hommes.

Comment savoir que l’on souffre d’intolérance au gluten ?

Vérifiez vos antécédents familiaux et portez une attention particulière aux symptômes suivants : douleurs articulaires, ostéoporose, anémies, fausses couches à répétition, aphtes buccaux, dermatite ou maux de tête, fatigue chronique, anxiété, dépression ou une obésité et constipation paradoxales. Dans la forme typique du nourrisson, on observera, peu de temps après l’introduction du gluten, des diarrhées, des vomissements, un état irritable, une cassure de la croissance.

Peut-on prévenir l’apparition de ce trouble alimentaire ? Si oui, de quelle façon ?

Une réduction des risques de sa survenue ou son retardement est possible chez l’enfant grâce à l’encouragement de l’allaitement maternel, l’introduction progressive du gluten dans la nourriture et une bonne hygiène pour prévenir les gastroentérites à rotavirus, qui joueraient le rôle de facteur déclencheur de la pathologie.

Quelles sont les statistiques relatives à cette maladie au Maroc ?

Au Maroc, la maladie cœliaque reste encore peu connue malgré qu’elle atteigne environ 1% de la population en particulier du sud du Maroc. L’Association marocaine des intolérants et allergiques au gluten (AMIAG), présidée par Nadia Moufik et dont je suis la vice-présidente, va œuvrer pour susciter de plus amples précisions sur la fréquence de la maladie dans notre pays.

Existe-t-il à ce jour des traitements ?

Un moyen d’éradiquer la maladie ?

Le régime alimentaire strict sans gluten et à vie est actuellement le seul traitement disponible. Son application demeure néanmoins problématique du fait de l’absence d’un étiquetage obligatoire sur la présence du gluten. Ce dernier peut, en effet, être présent dans des produits divers et souvent insoupçonnés (médicaments, rouge à lèvres, rince-bouche, dentifrice, colle, bonbons, sauce à salade, plats cuisinés…). Un nouvel espoir est néanmoins offert pour les malades cœliaques par un blé épigénétiquement modifié. Par ailleurs, des essais sont en cours sur l’utilisation de biothérapies, des produits dérivés de substances naturellement présentes dans les organismes vivants.
Neuf malades sur dix ignorent leur état, faute de diagnostic exact

L’Association marocaine des intolérants et allergiques au gluten (AMIAG), basée à Casablanca, célèbre tous les 18 mai la Journée mondiale de la maladie cœliaque. L’occasion de familiariser la population marocaine avec cette pathologie généralement ignorée, qui se caractérise par une destruction inflammatoire de l’intestin grêle, sachant que près de 9 malades sur 10 ignorent leur état faute de diagnostic exact.

L’AMIAG, association à but non lucratif, a pour but, notamment, de favoriser le diagnostic précoce de la maladie et d’informer sur ses complications éventuelles ainsi que d’aider les personnes à mieux vivre leur régime sans gluten et à retrouver une bonne qualité de vie.

L’association souhaite également, à travers ses actions, impliquer l’ensemble des instances gouvernementales, scientifiques et médicales au niveau national et international.

Repères

  • 18 mai : la Journée mondiale de la maladie cœliaque.
  • 1% de la population marocaine est atteinte de cette pathologie.
  • Les membres de la même parenté en sont touchés dans 10 % des cas.
  • Cette affection peut se manifester à tous les âges, du nourrisson à l’adulte de plus de 65 ans en passant par l’adolescent.
  • Le diagnostic nécessite des années avant d’être établi, c’est pourquoi on qualifie la maladie de «caméléon».
  • Une pathologie qui a un coût puisque 1 500 dirhams en moyenne par mois sont déboursés pour suivre la diète.
  • Les femmes sont de 2 à 3 fois plus affectées que les hommes.

Priscilla Maingre

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