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Le matin | Maroc | 27/07/2012
Ramadan est le mois de la générosité, du partage et du pardon. Ça, c’est la théorie. En pratique, le mois sacré de Ramadan est, pour certains, le mois de tous les sevrages et les abstentions. Résultat : des gens colériques, voire agressifs, qui ont du mal à contrôler leurs états d’esprit. En effet, si toutefois tout le monde s’accorde à dire que Ramadan est un mois de paix et de grande piété, il n’en demeure pas moins que la conduite de certains jeûneurs durant ce mois laisse à désirer. Au menu : paresse, baisse de productivité, nervosité, disputes dans les milieux urbains, injures et bagarres dans les marchés et autres places publiques…
Mais pourquoi certains jeûneurs perdent-ils le contrôle d’eux-mêmes de cette manière ? Selon Maria Ouchelh, psychologue : « Le mois du Ramadan n’est pas la vraie cause de nos propres problèmes conjugaux, c’est un mois distingué par la tension biologique, traduite comme frustration psychique chez certaines personnes fragiles au stress conditionnel. “Mramdan” n’est qu’une explication fausse qui cache la vraie cause de notre colère, c’est une justification défensive interpersonnelle qui est devenue par transmission une défense enracinée dans la vision collective », explique-t-elle. Pour certaines personnes, passer les journées sans pouvoir goûter à leurs plaisirs favoris (nourriture, cigarette, alcool…) pendant tout un mois devient très difficile, surtout avec les conditions climatiques et les longues heures de jeûne en été. Par conséquent, elles changent, carrément, de caractère. De personnes calmes et patientes, elles deviennent agressives. Leurs proches et leurs connaissances peuvent ne plus les reconnaitre. Elles sont touchées par la fameuse « tramdina », phénomène qui revient chaque année pendant le mois sacré.
Casablanca, un bon après-midi ensoleillé à 15 h 30. Il reste encore plus 4 heures avant de pouvoir casser le jeûne et les nerfs sont déjà tendus. Partout, dans les parkings, les boulangeries, sur les boulevards… il y a au moins deux personnes qui se disputent et une petite foule qui s’est réunie autour d’eux. À la pâtisserie du coin, un homme crie au scandale parce que cela fait 30 minutes qu’il attend son tour et que l’employée a choisi de servir une femme enceinte qui vient d’arriver. « Cela fait une demi-heure que je fais la queue pour acheter du pain. Je n’admets pas qu’on serve quelqu’un avant moi. Même une femme enceinte. Si les employés commencent à faire passer certaines personnes avant les autres, je n’achèterai jamais mon pain », s’emporte-t-il devant les yeux incrédules des autres clients et de sa femme. « Et voilà que ça recommence. Chaque Ramadan c’est la même chose. Il devient vraiment insupportable et j’ai honte de l’accompagner quelque part, parce que je sais qu’il va s’énerver contre quelqu’un sans aucune raison apparente. Après le “ftour” et surtout après avoir fumé, il va se rendre de compte de sa bêtise, mais ce sera trop tard pour s’excuser auprès de la dame enceinte », commente Fouzia désespérée.
Un autre homme pendant le Ramadan
Sur la route, deux voitures se sont arrêtées et les conducteurs en sont venus aux mains. La foule essaye de les séparer, tandis que la femme de l’un d’eux s’éloigne pour prendre un taxi. « Je ne supporte plus ses excès de colère pendant le Ramadan et je ne comprends pas qu’elle est la cause de sa “tramdina”. Il ne fume pas et ne boit pas d’alcool. Pourtant chaque année c’est pareil. On dirait que je suis mariée avec un autre homme. Je ne le reconnais plus », fustige Houda. Et d’ajouter : « À la maison, c’est pareil. Toujours de mauvais poil. Il s’emporte pour un oui ou pour un non. J’évite même de lui parler avant le “ftour” ». Pour la psychologue, certains conjoints trouvent des difficultés à tolérer la personne colérique quand la colère se transforme en passage à l’acte ou bien si eux même se trouvent dans une situation de fatigue ou de stress comme c’est le cas dans le mois de Ramadan. « On peut constater la présence d’une rigidité au niveau des idées et des décisions, ainsi que des difficultés d’adaptation aux nouveaux changements. Ce qui provoque chez le conjoint une fatigue permanente et intolérable avec difficultés d’adaptation psychique et sociale accompagnée d’une fragilité psychique », souligne-t-elle.
Ce fléau n’est pas typiquement masculin, certaines femmes sont également touchées. « Le Ramadan est pour moi, un mois très sacré. J’adore l’ambiance de piété et de générosité qui y règne. Cependant, je dois avouer que des fois je le vis très mal. Surtout les premiers jours. Je suis à bout de nerfs et je contrôle difficilement mes réactions. Il n’est pas facile pour moi de s’abstenir de boire du café en journée pendant un mois entier, alors que j’ai l’habitude de boire trois à quatre tasses par jour. Mais après la première semaine, je redeviens un être normal », ironise Sanaa. Ce qui est loin d’être l’avis de son mari. « Elle est sous l’effet du “tramdina” jusqu’à la fin du Ramadan, pas juste la première semaine. Elle essaie de minimiser sa dépendance au café. Mais en réalité, elle est plus dépendante au café que moi à la cigarette. La preuve est que j’ai réussi à arrêter de fumer, mais elle ne peut pas survivre sans ses trois tasses quotidiennes », souligne Karim.
La colère des personnes vulnérables selon la psychologue Maria Ouchelh : « En cas de colère, la prise de distance est la solution la plus recommandée »
Le mois du Ramadan peut déclencher ou aggraver des réactions de colère chez certains sujets assez vulnérables face aux frustrations qu’ils peuvent ressentir par rapport à certaines habitudes alimentaires dont ils sont dépendants. Tels par exemple, la cigarette, l’alcool, le café, ou bien des substances chimiques qui provoquent des réactions euphorique ou antidépressive. Toutefois, quelle que soit la raison qui a provoqué la colère, le problème reste interne et intrapsychique. Dans les couples, il faut souligner que chaque réaction agressive de la part du conjoint doit être traitée d’une manière spécifique selon les causes qui l’ont déclenchée et les circonstances environnementales. Toutefois, dans des conditions de stress, les solutions aux problèmes peuvent apparaître, comme une énigme difficile à résoudre. e couple se sent donc dans l’impasse et son problème devient une problématique typique, au sens philosophique du terme.
En cas de colère ou de prise de tête au sein du couple, chacun doit faire attention pour éviter les situations qui peuvent le mettre hors de lui ou qui peuvent provoquer l’insatisfaction chez l’autre. Éviter le stress, à travers la prise des attitudes souples, ouvertes et qui permettent le partage avec l’autre. Ainsi, le couple doit garder l’équilibre dans toutes ses conduites quotidiennes. Par contre, si jamais la situation se complique, la prise de distance est la solution la plus recommandée dans la plupart des cas, afin de ne pas « ajouter de l’huile sur le feu » surtout quand on est face à une vraie personnalité à caractère colérique. Il vaut mieux donc, ne pas discuter tant que la tempête n’est pas passée. La discussion dans sa nature est duelle, c’est-à-dire partager entre deux personnes à tour de rôle et son objectif est d’échanger les points de vue.
Cela exige bien sûr un environnement serein et calme, parce qu’il est impossible de discuter ou de convaincre la personne en colère dans des circonstances tendues. Cela peut provoquer une « contre-attaque » et ainsi pousser la personne à réagir d’une manière semblable (colérique). Toutefois, la mise à distance ne doit pas être prolongée dans le temps. Enfin, pour pouvoir gérer « tramdina » d’un conjoint, il faut composer la colère de celui-ci d’une manière intelligente et seine. Ce qui signifie sur le plan psychique avoir la capacité à s’en sortir sans dégâts et sans égoïsme. Agir ainsi est une démarche qui exprime la confiance en soi et la présence d’une conscience convaincue du fait que vivre avec un conjoint colérique c’est d’accepter de vivre au sein d’une dynamique familiale particulière.
D’autres, on ne les entend plus !
Alors que certains jeûneurs piquent des crises de colère sous l’effet de « tramdina » pendant le mois sacré du Ramadan, d’autres montrent des symptômes différents. Non seulement ils ne sont pas agressifs, mais ils deviennent presque dociles. « Pendant le Ramadan, je ne m’énerve contre personne. Pas parce que je contrôle mes nerfs mieux que d’autres, mais je suis tellement affamé et assoiffé que je n’ai même plus la force de m’énerver », affirme Jawad. Et d’ajouter : « Sur la route, j’essaie de rouler tranquillement sans trop me soucier des hurlements et injures et dès que je rentre, je m’endors jusqu’à l’appel à la prière ». Un comportement qui ne peut que soulager sa femme. « Lorsque j’entends les récits de certaines de mes collègues ou mes amies, sur la “tramdina” de leurs maris, je ne peux que remercier Dieu de la chance que j’ai. Quand un homme se met en colère pour n’importe quelle raison, la vie de sa femme devient un enfer. Beaucoup d’entre elles essaient de convaincre leurs maris de rester dehors jusqu’à l’appel à la prière », indique Ilham.
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