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Revue de presse

Grossesses non désirées et avortements à risque : 2ème congrès de l'Association marocaine de lutte contre l'avortement clandestin

Albayane | Maroc | 13/06/2012

Placé sous le haut patronage du ministre de la santé, le 2ème congrès de L’Association marocaine de lutte contre l'avortement clandestin (AMLAC) aura lieu le 12 Juin 2012 à la Bibliothèque Nationale du Royaume du Maroc à Rabat. C’est un événement dont l’importance n’échappe à personne compte tenu des conséquences parfois dramatiques que peut entrainer un avortement clandestin. L’Association marocaine de lutte contre l'avortement clandestin (AMLAC) , organise son 2ème congrès national de lutte contre l’avortement clandestin le mardi 12 Juin 2012 à Rabat.

Débattre de ce grand sujet en ce moment précis est certainement une preuve, comme s’il en fallait une pour étaler au grand jour un drame occulté, une pratique dangereuse, à savoir l’avortement clandestin.

Parler de l’avortement au Maroc n’est pas chose aisée car cette pratique est entourée de plusieurs interdits, de tabous et autres barrières enchevêtrées et complexes. On trouve côte à côte la religion qui bannit l’avortement, la loi qui l’interdit, le regard de la société et celui du voisinage…

Des éléments qui ont de tous temps handicapé et paralysé un débat que l’on aurait voulu serein , constructif , ouvert , sincère et surtout honnête .Un débat que réclame depuis des lustres notre société car les enjeux de l’avortement clandestin qu’il soit médicalisé ou non sont énormes et lourds de conséquences.

L’avortement à risque, c’est celui qui est pratiqué par des individus peu scrupuleux, qui n’hésitent pas à utiliser pour leur vil besogne du matériel hors d’usage, non stérilisé, des objets pointus effilés ou des produits caustiques qu’ils introduisent dans l’utérus des femmes enceintes pour les faire avorter dans des conditions d’hygiène déplorables. Ce genre de pratique se passe dans des locaux sales, des arrières boutiques, des maisons d’habitation et parfois malheureusement dans certains cabinets médicaux.

Pourtant cette pratique est interdite par la loi, celles et ceux qui pratiquent l’avortement clandestin s’exposent à des peines d’emprisonnement et à des amendes conformément à la législation en vigueur. Et pourtant rien n’est fait, l’avortement clandestin est une pratique courante, c’est le dernier recours pour des femmes qui veulent échapper à la honte d’une naissance illégitime. Nombreuses sont celles qui optent pour une clandestinité parfois périlleuse qui met en danger leur propre vie.

Le Professeur Chafik Chraïbi, chef de service à la maternité des Orangers au CHU de Rabat, président de l’Association marocaine de lutte contre l’avortement clandestin (AMLAC), se bat depuis plusieurs années pour qu’une solution soit trouvée à ce drame.

Des chiffres qui interpellent

Pour mesurer l’ampleur de ce phénomène, de ce problème de santé, on se réfère aux chiffres que le professeur Chafik Chraïbi, président de l’Association marocaine de lutte contre l’avortement clandestin (AMLAC), avait donné lors d’une émission télévisée.
Il ressort de ces chiffres que chaque jour, près de 600 à 700 avortements sont pratiqués au Maroc dont 500 médicalisés au niveau de certaines cliniques privées et autres cabinets médicaux qui se sont spécialisés dans cette pratique qui rapporte gros.

A côté, il y a près de 200 avortements clandestins non médicalisés qui sont pratiqués quotidiennement. C’est énorme, c’est prés de 300.000 interruptions de grossesses par an. Si on fait un petit calcul pour faire la part entre les avortements dits médicalisés et ceux qui ne le sont pas, on obtient 220.000 avortements médicalisés, c’est-à-dire ceux qui sont pratiqués par des médecins au sein des cabinets médicaux et de certaines cliniques privées réputées pour cette pratique.

Ces chiffres ne sont pas officiels, donc ils sont à prendre avec beaucoup de précaution, mais cela ne doit pas non plus servir de prétexte pour minimiser l’ampleur du problème des avortements.

Un problème de santé publique

L’avortement clandestin n’est pas un acte anodin, c’est une pratique dangereuse qui se solde parfois par un drame. A ce sujet, nous revenons sur ce que le Pr Chraibi avait déclaré concernant l’avortement clandestin, Le Pr Chraibi rappelle que dans l’exercice de ses fonctions en tant que chef de service à la maternité des Orangers de Rabat, il reçoit chaque jour des femmes victimes d’avortements clandestins qui sont réalisés dans des conditions d’hygiène catastrophiques. Souvent ces femmes sont admises au service des urgences dans un état de choc avec de fortes hémorragies, après une tentative d’avortement non réussie.

Malheureusement, certaines femmes décèdent des suites de ces pratiques dangereuses. On comprend pourquoi le taux de mortalité maternelle est élevé au Maroc, 13% de ces cas de décès sont liés à l’avortement, selon l’Organisation mondiale de la santé. Dés lors, on peut dire que l’avortement clandestin est un réel problème de santé publique, un drame humain qui ne peut laisser personne indifférente. C’est aussi un phénomène social très complexe. Sa prévalence en termes de cas et de complications inhérentes à cette pratique est telle qu’aucune femme ne sort indemne à la suite d’un avortement clandestin. Les séquelles de l’avortement clandestin sont lourdes tant sur le plan psychologique que sur le plan physique. Par ailleurs, il faut savoir qu’un avortement mal pratiqué est la cause directe de la stérilité de la femme.

Le dilemme des mères célibataires

Soulever le problème de l’avortement clandestin, des répercussions inhérentes a cette pratique dangereuses, c’est à l’évidence soulever et débattre de la problématique des mères célibataires au Maroc, ce sont deux éléments intimement liés.

Etre mère célibataire dans notre pays est un tabou absolu, et les femmes qui tombent enceintes hors des liens du mariage sont souvent battues à mort ce qui entraîne des fausses couches, un objectif recherché par la mère, le père ou le frère. Battues, humiliées au vu et au su de tout le voisinage qui considère cet acte inhumain comme un moindre mal, l’important c’est que la jeune fille soit débarrassée du fœtus et l’honneur de la famille est sauvé. Pour d’autres mères célibataires, le sort est souvent moins clément puisqu’elles sont rejetées sans hésitation par leur entourage.

Oulad Al Hram : un drame occulté

La société est souvent sans pitié outre le fait de condamner ces jeunes femmes qui, dans bien des cas, sont des victimes de viol, ou de fiancés lâches qui abusent de la crédulité et de l’innocence de ces jeunes filles.

La société n’hésite pas à condamner aussi les enfants qui naissent hors mariage en les désignant de Oulad Al Hram. Mesure-t-on la portée de ces paroles ? A-t-on idée des conséquences qu’elles peuvent entraîner chez un enfant ?

Les mères célibataires sont des citoyennes marocaines à part entière, elles ont des droits et si notre société était moins hypocrite, ces femmes pourraient élever leurs enfants, mais il y a une telle condamnation que bien souvent elles l’abandonnent à l’hôpital quand ce n’est pas dans la rue et c’est là un drame souvent occulté.

Plus jamais ça

Depuis toujours, il y a eu des avortements, que ceux - ci aient été réalisés dans les bonnes règles de l’art en milieu spécialisés comme se plaisent certains à le dire ou dans des arrières boutiques d’apprentis sorciers.

Je vous parle d’un temps que les jeunes d’aujourd’hui n’ont pas connu, c’était dans les années 70.

Oui on a pratiqué couramment des avortements aussi bien dans le secteur public que dans le secteur privé, ce ne sont pas des histoires à dormir debout, ce n’est pas une vue de l’esprit, non c’est la réalité, je parle de l’avortement en connaissance de cause.
Parmi les candidates qui souhaitaient se faire avorter, il y avait les femmes mariés qui venaient souvent accompagnées de leur mari pour donner une certaine légitimité à cet acte.

La raison avancée était les conditions du couple qui ne permettent pas d’avoir un enfant surtout quand celui-ci n’était pas désiré.
Parmi celles qui se faisaient avorter, il y avait aussi les jeunes filles, enfin je veux dire celles qui n’étaient pas mariées et qui se retrouvaient enceintes à la suite de liaisons …

Dans le lot, il y avait aussi de jeunes bonnes, des prostituées, des veuves…
En ces temps là, les choses se passaient en catimini, ni vue, ni connu, quelques coups de curette, une petite aspiration et le tour était joué.
De nos jours, les choses ont changé, se faire avorter est un acte interdit, répréhensible et passible de lourdes peines.

Que dit la loi ?

Le législateur n’est pas allé de main morte face à l’avortement. Tout un arsenal juridique a été mis en place pour dissuader celles et ceux qui s’adonnent à cette pratique qu’ils soient des médecins ou autres professionnels de santé ainsi que leurs complices.

C’est ainsi que l’article 449 du Code pénal punit de 1 à 5 ans de prison et d’une amende de 200 à 500 DH toute personne ayant provoqué, ou tenté de provoquer, un avortement avec ou sans l’accord de l’intéressée.

La peine est portée à 20 ans de réclusion en cas de décès et est doublée si l’avorteur est récidiviste.
L’article 454 punit de 6 mois à 2 ans toute femme s’étant livrée à l’avortement sur elle-même. Enfin, l’article 455 punit de 2 mois à 2 ans les complices d’un avortement, notamment les intermédiaires ou les vendeurs de produits abortifs

Regarder la réalité bien en face

L'avortement est pour moi une solution de dernier recours. Mais elle est nécessaire surtout dans un pays comme le Maroc où une jeune fille non mariée qui tombe enceinte à la suite d’un accident passager (manque d’expérience, naïveté…) ou à la suite d’un viol par des criminels récidivistes comme c’est souvent le cas, cette jeune fille se retrouve du jour au lendemain jetée à la rue.

Dans ces conditions, il me semble en toute objectivité qu’avorter est une solution, une issue de secours ne signifie pas fuir ses responsabilités ! Au contraire.
C'est facile de juger, de condamner une jeune fille célibataire qui se retrouve enceinte, c’est surtout facile pour une certaine catégorie d’hommes qui croient qu’ils sont les seuls à détenir la vérité.

Tous les arguments qu’ils pourront avancés, ne pèsent pas lourds face à la réalité, ces hommes ne savent pas ce qu'est d'être enceinte et de donner la vie à un enfant qu'on n'a pas choisi d’avoir. Je voudrais poser une seule question à ces hommes : et si un jour votre propre fille … ?

Pour schématiser mes propos et être explicite, supposons un seul instant que l’on est en face d’une jeune fille de 15 ans qui peut être la votre ou celle de votre fils ou de votre fille et que cette jeune fille soit violée par un criminel et se retrouve enceinte.
Cette jeune fille refuse de porter l'enfant de son violeur et elle veut avorter.
Quel est cet homme, ce père, ce frère qui dira à cette jeune fille de mener cette grossesse à terme ?
Au nom de principes et autres, on en vient à oublier que des jeunes filles qui se retrouvent enceintes accidentellement, se font avorter clandestinement et certaines n’hésitent pas à commettre l'infanticide.

Nécessité de dépassionner le débat

Je pense qu'il faut dépassionner le débat et ne pas trop mettre en avant le côté religieux. Car si tout devait être analysé sous le prisme religieux, même les moyens de contraception seraient interdits.

La question est simple

Ce qu’il faut c’est mettre des garde-fous, faire en sorte que la pratique de l’avortement soit encadrée juridiquement. L’option la plus humaine me semble précisément celle qui a été suivie jusqu’ici, à savoir légiférer démocratiquement après discussion entre l’ensemble des acteurs de la société impliqués dans la problématique. Légiférer à la fois parce qu’il est capital que chacun sache ce qui est ou non légal dans notre société et aussi parce qu’il s’agit d’un problème humain et donc relevant et intéressant la population toute entière, plutôt que de laisser cette question en suspens ou donner l’opportunité à quelques individus d’imposer une position nette mais non prouvée. En l’état actuel, chacun reste libre d’agir selon ses convictions et, rappelons-le, personne n’impose à l’autre d’agir contrairement aux siennes. Nous sommes nés libres et nous entendons défendre cette liberté pour laquelle nous nous battons. Permettre à une jeune fille qui se retrouve enceinte pour moult raisons que nous avons citées, de pouvoir se faire avorter dans des conditions médicales saines et sécurisées, par un personnel qualifié est une composante de cette liberté.

La légalisation de cet acte devra permettre justement d'exercer cette liberté dans un cadre protégé par la loi et la médecine, contrairement à ce qui se fait actuellement.
C’est à méditer.
Rappelons que le 2ème congrès de L’Association marocaine de lutte contre l'avortement clandestin (AMLAC) qui aura lieu le 12 juin 2012 à la Bibliothèque Nationale du Royaume du Maroc à Rabat, verra la participation de Nouzha Skalli ex-ministre de la solidarité de la femme, de la famille et du développement social et qui est députée PPS, Khadija Rouissi vice-présidente du Parlement, Driss El Yazami , président du CNDH .
Un programme très étoffé, riche et varié permettra aux congressistes de passer en revue :
la problématique des grossesses non désirées.

Quelle éducation sexuelle pour la jeunesse Marocaine ?

Les méthodes contraceptives.
Les complications des avortements à risque Les droits de la femme et droits à la santé
Avortement dans le monde arabo-musulman Discussion du contenu d’un projet de loi …
Se sont là quelques uns des thèmes qui seront débattus lors de ce 2e congrès de L’Association marocaine de lutte contre l'avortement clandestin (AMLAC).
Nous reviendrons sur ce sujet qui promet.
D’ici là portez-vous bien.

Écrit par Ouardirhi Abdelaziz

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