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Aujourd'hui Le Maroc | Maroc | 19/12/2010
ALM : Qu’est-ce que l’Alzh-eimer ?
Mostafa El Alaoui Faris : C’est une maladie dégénérative du cerveau due à une perte des neurones qui se produit à l’hippocampe et atteint l’ensemble du cortex cérébral. C’est une maladie organique et non psychologique. Les IRM démontrent ces pertes et on voit aussi des dépôts de substances anormales dans le cerveau notamment la proprotéine.
Quelle est l’ampleur de cette maladie au Maroc et dans le monde ?
Selon les estimations de l’OMS, l’Alzheimer touche 3, 5 % de la population mondiale ayant plus de 65 ans. Au Maroc, un pays de 30 millions d’habitants, nous comptons 2,5 million de personnes âgées. Ce qui nous ramène à 90.000 malades d’Alzheimer au Maroc. Les projections démographiques pour 2020 prévoient 160.000 et 400.000 pour 2040. Tous les 20 ans, le chiffre double. Actuellement, la population mondiale de malades d’Alzheimer est estimée à 25 millions. Un malade d’Alzheimer meurt toutes les 7 secondes. Et la majorité des malades, soit 60%, vivent dans des pays en voie de développement. C’est une véritable épidémie dans le monde due au vieillissement de la population. Et le Maroc n’est pas préparé ni au niveau de le prise en charge de cette maladie ni de la prévention, ni diagnostic et les soins.
Quels sont les facteurs déclanchant l’Alzheimer ?
Les facteurs de risque d’être atteint d’Alzheimer augmentent avec l’âge. Dans la catégorie des 65 ans, une personne sur 10 peut être atteinte. A 80 ans, c’est une personne sur cinq. D’autres facteurs entrent en jeu tels le diabète et les maladies cardio-vasculaires. Le faible niveau d’instruction est un facteur de risque. L’hérédité augmente le risque de 5 à 10 %. Au Maroc on accumule beaucoup de facteurs de risque. Ce qui conduit à penser que les chiffres de l’OMS sous-estiment l’ampleur du mal chez nous. Puisqu’on ne peut pas agir sur l’âge, la prévention doit se concentrer sur la limitation des autres facteurs de risque. Les activités physique, sociale et culturelle (lecture, théâtre, musique et art...) limitent les risques, puisqu’ils favorisent ce qu’on nomme réserve cognitive. Ceci développe des connexions entre les neurones qui suppléent leur perte.
Comment évolue l’Alzheimer chez un malade ?
Au premier stade, nous sommes face à un individu de 65 ans qui va commencer à oublier des choses, ses clés, son téléphone, les courses, un rendez-vous, c’est banal. Cela peut être dû à une fatigue, à une dépression, un oublie... Cet oubli s’aggrave de plus en plus rapidement. Il y a des malades qui sont conscients de ces pertes de mémoire et viennent consulter, mais il y en a d’autres, anosognosiques, qui ne veulent pas admettre leur maladie et sont ramenés par leur famille. Le stade deux peut durer 4 ans avec des troubles de la mémoire plus aigus qui touchent aussi des souvenirs plus anciens, s’accompagnant de troubles du langage, de difficulté du jugement et de l’orientation spatiale. On commence alors, et là on est au dernier stade, à perdre son autonomie, à souffrir de troubles de sommeil, de délires, de paranoïa, de difficultés à marcher... En tout, la maladie peut durer de 10 à 15 ans.
Comment on diagnostique les malades d’Alzheimer ?
La famille vient avec le malade ayant des troubles de la mémoire, on fait un diagnostic basé sur un interrogatoire autour des symptômes et une démarche scientifique notamment des tests neuropsychologiques. On fait des tests de résonance magnétique cérébrale pour vérifier s’il y a une perte de neurones, ou une déficience de la vitamine B12 ou autres troubles qui peuvent simuler des troubles d’Alzheimer. Au Maroc, un patient sur dix est diagnostiqué et les malades ne viennent consulter qu’une fois l’Alzheimer est à un stade avancé. La majorité des gens ne vont pas chez le médecin, on considère qu’il est normal que tout sujet qui atteint un certain age perde la mémoire.
Guérit-on d’un Alzheimer ?
Pour le moment, on ne guérit pas de l’Alzheimer, mais on stabilise la maladie et on peut gagner jusqu’à 3ans d’autonomie, ce qui n’est pas rien. Dépister et traiter tôt la maladie la stabilise et stoppe son évolution. Entre autres, les médicaments réduisent aussi les troubles du comportement et peuvent aider à une meilleure alimentation. Sont prévus dans un avenir proche de nouveaux médicaments plus efficaces que les laboratoires préparent.
Comment vit la famille la maladie d’un proche ?
Le drame des familles peut durer 10 à 15 ans notamment avec la perte d’autonomie du malade d’Alzheimer, en plus d’un coût financier élevé des soins qui atteignent 1000 DH par mois dont seules les familles disposant de couverture médicale peuvent subvenir, il y a un coût moral énorme. Les rôles s’inversent, les enfants deviennent les parents, le malade devient dépendant de la famille... Les recherches ont démontré que les parents d’un malade souffrent de plusieurs maux, notamment des dépressions. C’est pour cela qu’il faut créer des centres de mémoire et des structures spécialisées qui accueillent les malades le jour pour soulager les familles. L’association Alzheimer Maroc œuvre aussi pour l’aide aux familles des malades, Elle les informe des problèmes liés aux médicaments, à la nutrition, on leur offre des aides psychologiques via groupe de parole. Nous parrainons aussi la formation d’aides soignantes pour le travail au domicile des malades dont on insérera les contacts dans le site de l’association. J’espère qu’on aura les moyens pour aller plus loin dans ces activités, car pour l’instant, c’est encore bénévole.
Quelles sont les difficultés que rencontre la prise en charge de cette maladie au Maroc ?
On pâtit d’un manque de formation de généralistes concernant toutes les maladies neurodégénératives des sujets âgés. Il faut aussi former plus de neurologues, nous sommes 120 neurologues au Maroc pour une population de 30 millions, c’est insuffisant. Il faut que les pouvoirs publics s’occupent de créer des centres de mémoire avec des neurologues, psychologues, orthophonistes. On est malheureusement très en retard concernant la prise en charge de cette maladie. Il n’y a pas de structures spécialisées qui offrent des séances de stimulation de la mémoire, de rééducation du langage et des facultés psychomotrices. Il faut qu’il y ait une éducation des personnes pour éviter les risques de maladies cardio-vasculaires. Il faut réduire le taux d’analphabétisation, améliorer l’état sanitaire des structures hospitalières, élargir la sécurité sociale, créer des centres de soin et de diagnostic dans les CHU, créer des hôpitaux de jour pour soulager les familles.
Comment réduire le risque
Stabiliser la tension, le poids et le cholestérol : Une hypertension non stabilisée multiplie par six le risque de développer une maladie d’Alzheimer. En contractant les petits vaisseaux cérébraux, elle entraîne une mauvaise vascularisation du cerveau. La vulnérabilité du cerveau augmente aussi avec un taux de cholestérol trop élevé, après un accident vasculaire cérébral ou un traumatisme crânien, ou encore en cas d’obésité ou de diabète grave.
Nutrition et sport pour prévenir : Les neurones sont protégés par une alimentation antioxydante, riche en vitamines E et C et en oméga 3. Plus généralement, le cerveau a besoin d’être suffisamment hydraté et de recevoir toute une palette de nutriments. Bref, il faut bouger car notre cerveau a besoin d’oxygène pour être bien irrigué. Une demi-heure d’activité soutenue au moins 2 fois par semaine diminue nettement le risque de démence.
Cultiver une vie intellectuelle riche : D’après des études scientifiques confirment qu’une vie intellectuelle et sociale riche retarde le déclin des facultés mentales.
Ainsi, les personnes ayant des loisirs intellectuels présentent 20% de troubles cognitifs en moins que les autres.
Amis et familles, meilleur remède : Cultiver son réseau amical est décisif. Les relations humaines aident à garder le moral et la vivacité intellectuelle.
Par : Amine Harmach
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