Les cliniques agréées par le ministère de la Santé et conventionnées avec les CHU seront elles aussi en mesure de le faire. C'est, justement, l'objet de la première convention signée entre le ministère de la Santé, les CHU marocains et les réseaux internationaux des banques des yeux «Midwest Eye Bank» et «Vision Share». En vertu de la même convention, deux banques nationales de tissus seront créées auprès des CHU de Rabat et de Casablanca. Deux objectifs sont visés par là : à court terme, on espère atteindre 1.000 greffes de cornée par an d'ici à 2012 au lieu de 100 greffes effectuées actuellement. A long terme, l'ambition affichée est de permettre au Maroc de réaliser une autosuffisance en greffons cornéens.

Et pour que le prix ne constitue plus un frein devant l'accès des plus démunis à cette chirurgie onéreuse (une greffe de cornée coûte pas moins de 30.000 dirhams), une autre convention de partenariat a été signée entre le ministère de la Santé et le Lions Club Maroc qui s'engage ainsi à assurer la prise en charge de la greffe de la cornée au profit des Marocains ne pouvant pas la payer. «Nous avons mis en place au Lions Club Maroc un programme de soutien aux personnes n'ayant pas les moyens de couvrir les frais de cette greffe. Des partenariats sont noués à cet effet avec une dizaine de cliniques qui se sont déclarées prêtes à soutenir notre programme », informe Abdelkader Mesnaoui, gouverneur du Lions Club du Maroc, une association à but non lucratif opérant dans le domaine de la lutte contre la cécité. Conformément à la deuxième convention de partenariat, Lions Club Maroc va apporter également son soutien financier à la population démunie nécessitant une chirurgie de la cataracte, première responsable de la cécité au Maroc et dans le monde.

La signature de cette convention entre, en effet, dans le cadre de la mise en œuvre du plan stratégique du ministère de la Santé 2008-2012 qui ambitionne de réaliser 100.000 chirurgies de cataractes au titre de l'année 2010 à un coût de 42 millions de dirhams réservés à l'équipement. De quoi dire que « 2010 sera une année en faveur de la santé oculaire », comme l'affirme la ministre de la Santé Yasmina Baddou. En matière de soins dispensés aux personnes souffrant de troubles oculaires, la responsable gouvernementale reconnaît qu'il y a une «insuffisance patente» et que les deux conventions de partenariat signées en l'occurrence par son département versent dans le sens d'y mettre un terme. «L'un des objectifs de notre plan d'action est de faire sortir la santé oculaire de la zone d'ombre et de stigmatisation pour la placer au devant des priorités de la santé publique», déclare la ministre. Dans cette perspective, elle fait savoir que son département a mis en place une batterie de mesures destinées à lutter contre les maladies des yeux les plus fréquentes au Maroc, des mesures qui n'ont pas tardé à porter ses fruits. Ainsi, l'on apprend que le trachome cécitant a été définitivement éradiqué du Maroc, chose qui devra être prochainement certifiée par l'Organisation mondiale de la santé.

La lutte contre le glaucome, une autre maladie oculaire considérée comme la deuxième cause de la cécité au Maroc, s'organisera désormais autour d'une stratégie spécifique qui est aujourd'hui en cours de finalisation. D'autres programmes sont mis en place pour la lutte contre bon nombre de maladies des yeux. Il s'agit notamment du programme de lutte contre la rétinopathie diabétique et de celui de la lutte contre la conjonctivite néonatale dans le cadre des efforts du ministère pour la lutte contre les infections sexuellement transmissibles.
De même, des plans de prévention des maladies systémiques et un programme de lutte contre les erreurs de réfraction dans le cadre du programme de la santé scolaire ont été mis en œuvre. Bien entendu, le combat ne fait que commencer, étant donné qu'on estime à des dizaines de milliers les Marocains souffrant de troubles de vision.

Le prélèvement sur cadavres encore interdit

Dans plusieurs pays arabes, La Lybie, la Tunisie et l'Egypte pour ne citer que ceux-ci, le prélèvement des cornées sur cadavres est de mise. Au Maroc, cette pratique est formellement interdite par la loi, ce qui fait que l'importation demeure l'unique source d'approvisionnement en ce précieux tissu.
Certes, en reléguant l'importation des greffons aux différents CHU du pays et en habilitant le secteur privé à réaliser des greffes de cornée, le ministère de la Santé aurait satisfait à bon nombre d'attentes des ophtalmologistes.
Cependant, ceux-ci ont actuellement les yeux ailleurs. L'autorisation du prélèvement sur cadavres au niveau national figure, en effet, à la tête de la liste de leurs revendications. Pour Yasmina Baddou, avant d'ouvrir la porte aux prélèvements des cornées sur cadavres, il faut tout d'abord penser à préparer le terrain à cette pratique qui n'a pas jusqu'à présent la faveur des Marocains. D'où l'importance de la sensibilisation à l'utilité et aux bienfaits du don de cornée et d'organes en général qui est, de l'avis de la ministre, « le plus beau geste de générosité qu'on puisse faire».

Repères

Grand besoin

En 2009, pas moins de 5.000 personnes malvoyantes nécessitaient une greffe de cornée au Maroc. Parmi elles, seulement 150 sont opérées alors que le reste des malades se fait traiter à l'étranger, faisant de la greffe de cornée le premier motif de voyage pour soins des Marocains.

Sensibilisation

Une forte réticence se fait encore sentir chez les Marocains par rapport au don d'organes et de tissus. Pour sensibiliser les citoyens aux bienfaits de cet acte de générosité, le ministère de la Santé a lancé un programme national de promotion du don d'organes et de tissus.

Par Meriem Rkiouak