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Le professeur Rachid BENABADJI a pris sa retraite en juillet 1998. Il avait exercé les fonctions de professeur chef de service de chirurgie générale à la clinique centrale de 1980 à 1986 puis au service de chirurgie générale de l’hôpital Bologhine de 1986 à 1998.
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…j’ai ressenti le devoir de rédiger et d’insérer dans le numéro 8 de la revue « Le journal du Praticien » de l’année 1996, un hommage à notre Maitre, le Pr. Bachir Mentouri qui venait malheureusement de disparaitre après une longue maladie. J’ai quitté la CCA vingt ans auparavant, mais mes souvenirs étaient restés intacts. J’ai relu ce que j’avais écrit alors. Aujourd’hui, je n’aurais pas rajouté ni supprimé une ligne de ce qui me paraissait, à l’époque, la traduction fidèle et sincère de la trajectoire de cet »honnête homme » dans l’acceptation la plus noble du terme.
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Le cancer colorectal (CCR) arrive en 2ème position par ordre de fréquence, après le cancer du sein chez la femme et le cancer du poumon chez l’homme. Le cancer colorectal est encore diagnostiqué à un stade tardif ; tous les thérapeutes qu’ils soient gastro-entérologues, chirurgiens, radiothérapeutes ou oncologues médicaux sont d’accord sur ce constat.
Le dogme « mieux vaut prévenir que guérir », ajouté à la pression des distributeurs des tests de dépistage, fait que des voix s’élèvent pour demander la mise en place d’un dépistage de masse du CCR basé sur les tests immunologiques de recherche de sang humain dans les selles (iFOBT), transposant les résultats des études faites en Europe et Amérique du Nord à l’Algérie mais occultant les aspects socio-économiques différents et surtout les taux d’incidence de ce cancer dans les pays qui ont mis en place un tel dépistage (pays de forte incidence, celle-ci variant entre 40 et 60/100.000) et les taux retrouvés à travers les différents registres du cancer qui fait de l’Algérie qu’on le veuille ou pas un pays de faible incidence du cancer colorectal (incidence variant entre 10 et 20/100.000 selon les registres) même si on constate une progression régulière de cette incidence dans les villes en rapport avec un style de vie occidental qui s’accompagne d’une alimentation riche en calories, un excès de poids et une activité physique insuffisante.
De même, certains collègues (certains d’entre eux ayant même participé à l’élaboration du Plan Cancer Algérie) font fit des axes et actions décidés dans ce Plan Cancer 2015/2019 où il est écrit noir sur blanc que « les CCR dont le diagnostic est souvent tardif devraient bénéficier d’une détection plus précoce grâce à une meilleure formation du médecin généraliste... » pour organiser le premier congrès de cancérologie de la faculté de médecine de Bejaïa sous le thème : « Dépistage du cancer colorectal, il est temps ». Dans un article paru sur un quotidien national, il est même précisé que « Béjaia serait désignée comme ville pilote d’une étude épidémiologique d’un dépistage de masse par le nouveau test immunologique des cancers colorectaux ». (?!?)
Evolution de l‘incidence de certains cancers entre 1986 et 2010 à Sétif (In Plan Cancer 2015/2019)
Si dépistage il doit y avoir, la localisation qui devrait en bénéficier est manifeste sur ce graphe.
Epidémiologie CCR
Le CCR représente plus de 10% du fardeau cancer en terme d’incidence en 2012 selon le rapport Cancer 2014 de l’OMS.
Plus de 65% des nouveaux cas sont notés dans les pays à haut niveau ou très haut niveau de développement humain ; et plus de la moitié des nouveaux cas apparaissent en Europe et aux Amériques. Les plus fortes incidences sont retrouvées en Australie/Nouvelle Zélande ainsi qu’en Europe centrale (Slovaquie, Hongrie, Tchéquie) et en Corée. Il ya une grande variation géographique de l'incidence à travers le monde et les modèles géographiques sont très similaires chez les hommes et les femmes: les taux d'incidence varient de dix fois dans les deux sexes dans le monde entier, les taux les plus élevés estimés étant en Australie / Nouvelle-Zélande (ASR 44,8 et 32,2 pour 100 000 chez les hommes et les femmes, respectivement), et les plus faibles en Afrique de l'Ouest (4,5 et 3,8 pour 100 000). La mortalité représente 8,5% du total avec plus de décès (52%) dans les régions les moins développées du monde, reflétant un faible taux de survie dans ces régions. Il ya moins de variabilité dans les taux de mortalité dans le monde (six fois chez les hommes, quatre fois chez les femmes), avec les taux les plus élevés estimés de mortalité chez les deux sexes en Europe centrale et de l'Est (20,3 pour 100 000 pour les hommes, 11,7 pour 100.000 chez les femmes), et le plus bas en Afrique de l'Ouest (3,5 et 3,0, respectivement).
Incidence du CCR dans différentes régions du monde (sexe masculin)
Incidence du CCR dans différentes régions du monde (sexe féminin)
Le cancer colorectal à travers les différentes régions du monde (sexe masculin-Globocan 2012)
Le cancer colorectal à travers les différentes régions du monde (sexe féminin -Globocan 2012)
La population des pays développés ne représente que 18% de la population mondiale et comptabilise près de 60 % des CCR alors que la population des pays moins développés (Afrique, une grande partie de l’Asie, Amérique du Sud et Amérique Centrale) qui regroupe 82% de la population mondiale ne comptabilise que 40% des CCR.
Répartition des différentes localisations cancéreuses en Algérie (sexe masculin-Globocan 2012)
Répartition des différentes localisations cancéreuses en Algérie (sexe féminin -Globocan 2012)
Un clinicien, même s’il est spécialiste d’une branche de la cancérologie, ne possède pas les outils nécessaires pour décider ou non de la mise en application d’un programme de dépistage : il doit soit se former, soit s’entourer d’épidémiologistes et d’experts pour se faire un avis fondé. Ayant effectué plusieurs stages au Centre International de Recherche sur le Cancer (CIRC, Lyon) dans les années 80 lors de la mise en place du 1er Registre du cancer en Algérie et ayant également séjourné dans deux centres de dépistage du cancer du sein (Lyon et Strasbourg) au cours de la même période, il me semble opportun de rappeler quelques notions de base en matière de dépistage.
Définition du dépistage
Identifier tôt une maladie pour intervenir précocement et améliorer son pronostic est un concept immédiatement compréhensible par tout un chacun. Appliqué aux individus asymptomatiques, ce concept s’appelle un dépistage, et devient en fait un geste complexe, comme nous allons le voir.
Plusieurs définitions du dépistage existent. Selon Alan S. Morrison: le dépistage est « l’examen d’individus asymptomatiques pour déterminer leur probabilité d’avoir la condition qui fait l’objet du dépistage. Les individus dont la probabilité d’être atteints est suffisamment élevée sont ensuite soumis à des investigations diagnostiques complètes. Les individus avec la condition sont alors traités ».
Selon l’OMS, le dépistage consiste à identifier de manière présomptive à l’aide de tests susceptibles d’une application rapide, les sujets atteints d’une maladie ou d’une anomalie passée jusque là inaperçue. Les tests de dépistage doivent permettre de faire le partage entre les personnes apparemment en bonne santé mais qui sont probablement atteintes d’une maladie donnée et celles qui en sont probablement exemptes. Ils n’ont pas pour objet de poser un diagnostic. Les personnes pour lesquelles les résultats sont positifs ou douteux sont orientées vers leur médecin pour vérification du diagnostic et, si besoin est, pour la mise en place d’un traitement.
On différencie le dépistage organisé (de masse) qui s’adresse à l’ensemble des individus d’une population cible prédéfinie, du dépistage individuel (spontané) réalisé dans le cadre de la relation médecin/malade. Ce dépistage spontané est alors réalisé à la demande du patient ou du médecin sur la base facteurs de risque ou d’antécédents familiaux.
Le dépistage s’adressant à des sujets en apparence en bonne santé, il n’est justifiable que si l’on a démontré au préalable que la maladie répond à certaines caractéristiques précisément définies (Critères OMS).
Parmi ces critères on peut citer :
Conclusion
Un test de dépistage est en général simple. En revanche, un programme de dépistage est une intervention complexe qui va du recrutement des personnes à dépister jusqu’à la prise en charge des malades.
La rentabilité d’un programme de dépistage dépend de la fréquence et de la gravité de la maladie qu’on cherche à éradiquer. L’entreprise de telles actions ne doit se faire qu’après une évaluation à priori du bilan coût-efficacité et en se donnant les moyens, stratégiques et méthodologiques, d’une évaluation à postériori. Un facteur important qui est très souvent occulté par le corps médical est celui de la notion de priorités : Un programme de dépistage ne sera mis en place qu’après avoir examiné les autres priorités sanitaires dont la réalisation entraînerait un coût identique : n’y a-t-il pas un autre niveau d’intervention à envisager : prévention primaire, formation du médecin de première ligne pour un diagnostic plus précoce à un stade utile ?
A l’heure actuelle, un dépistage de masse du CCR, du fait de l’incidence en Algérie, est prématuré. Quoi qu’il en soit, il y a nécessité de mettre sur pied, le plus rapidement possible un Comité National sur le Dépistage des cancers prévalents, comité qui doit être sous l’égide du groupe d’experts en charge du Plan Cancer.
Pour terminer je voudrais rapporter l’écrit R. Lambert du screening groupe du Centre International de Recherche sur le Cancer qui dans un article publié en 2012, préconise, « dans les pays ayant une incidence élevée une stratégie de prévention primaire orientée vers le régime alimentaire et l’activité physique ; dans les pays peu développés ayant une incidence basse ,une priorité dans la prise en charge du CCR sera accordée à la détection endoscopique et à l’amélioration de la survie plus qu’à la stratégie de dépistage de masse ».
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