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Djillali Belkhenchir est ne le 30 mars 1941 à Oued Rhiou (Relizane). Sa vie a été marquée par une volonté constante de faire coïncider son métier de médecin et sa conviction profonde que l'être humain est un tout dont il faut considérer chacun des aspects avec une égale et bienveillante attention.
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…j’ai ressenti le devoir de rédiger et d’insérer dans le numéro 8 de la revue « Le journal du Praticien » de l’année 1996, un hommage à notre Maitre, le Pr. Bachir Mentouri qui venait malheureusement de disparaitre après une longue maladie. J’ai quitté la CCA vingt ans auparavant, mais mes souvenirs étaient restés intacts. J’ai relu ce que j’avais écrit alors. Aujourd’hui, je n’aurais pas rajouté ni supprimé une ligne de ce qui me paraissait, à l’époque, la traduction fidèle et sincère de la trajectoire de cet »honnête homme » dans l’acceptation la plus noble du terme.
Accueil > Santé Maghreb en Algérie > Histoire de l'Algérie médicale : naissance de la médecine algérienne
Par le professeur E. BRUCH à la Clinique d’Ophtalmologie de l’Ecole de Médecine d’Alger
Messieurs,
En juillet 1881, la Vigie Algérienne reproduisait une lettre adressée par le médecin major Sedan au docteur Armaignac, directeur de la Revue Clinique d'Oculistique de Bordeaux, de laquelle j'extrais les passages suivants :
« L'Algérie restera longtemps la terre classique de l'ophtalmie... L'Ecole de Médecine d'Alger n'a ni clinique d'ophtalmologie, ni cours spécial. Il est à craindre que la clinique ophtalmologique d'Algérie soit longtemps encore à l'état de désir, chez ceux qui en reconnaissent le plus la nécessité ».
«chose invraisemblable, l'état accorde des passages gratuits sur les paquebots aux ophtalmiques d'Algérie, pour aller, à Montpellier, se faire soigner et guérir. Certes, nul autre choix ne pourrait être meilleur et ma plume n'a voulu enregistrer que le fait singulier de dépenses énormes perdues, puisque la majorité de la population ne peut profiter de ce que l'on créerait avec le même argent. Ce n'est pas la première fois que cette thèse est soutenue ; le docteur Guignet, l'éminent professeur d'ophtalmologie de Lille, a mis son énergie à la défendre».
M. Sedan aurait pu ajouter : C'est aussi l'avis des nombreux médecins militaires auxquels l'Algérie est redevable et qui ont toujours étudié avec une attention particulière les maladies oculaires de la colonie.
M. Sedan dit encore dans la même lettre :
« Les officiers de santé, reçus ici, n'ont vu que les cas épars dans les services et se gardent bien d'engager leur responsabilité, quand après leurs examens, elle devient effective.»
Messieurs, s'il y a exagération dans cette dernière proposition, il n'en demeure pas moins vrai, que l'essentiel des maladies des yeux étant, à cette époque, compris dans le programme de la clinique chirurgicale, constituait, de ce dernier, une partie accessoire et restait insuffisant, malgré les efforts du professeur de clinique chirurgicale, qui lui consacrait une leçon par semaine et qui, depuis l'année 1865, s'astreignait à faire, en dehors de son service officiel, une consultation gratuite pour les yeux, ouverte aux étudiants.
Les publicistes qui réclamaient énergiquement un service d'enseignement spécial pour l'oculistique avaient donc cent fois raison.
D'accord avec eux, je n'ai jamais cessé, pendant de nombreuses années, de démonter verbalement et par écrit la nécessité d'une clinique ophtalmologique indépendante, séparée de la clinique chirurgicale, à cause du rôle prépondérant que jouent les affections oculaires dans la pathologie algérienne.
Mais, je prêchais... dans le désert.
Partout, dans le monde médical d'Alger, comme du coté de l'administration locale, et même du coté de l'administration supérieure de la métropole, je n'obtenais pour toute réponse qu'une indifférence dédaigneuse, ou bien un bref et sec : non possumus.
Il en fut ainsi jusqu'en 1897, où, sur mes instances réitérées, appuyées par M. le Recteur de l'académie, le ministre de l'instruction publique décida la création d'une clinique d'ophtalmologie annexe, c'est-à-dire confiée - sans émoluments - au professeur de clinique chirurgicale, mais avec heures et jours affectés à la chirurgie, et, avec une consultation gratuite, sous forme de polyclinique. La tâche était lourde pour un seul homme ; néanmoins, le service a fonctionné régulièrement pendant cinq années, et, quoiqu'on ait pu dire, avec succès, puisque le public affluait de plus en plus à la polyclinique.
Ici messieurs, nous devons interrompre l'étude historique de notre clinique, .../
.../
Puis, le Gouverneur général, M. Révoil, décida, par arrêté en date du 16 octobre 1902, que la consultation gratuite pour les maladies d'yeux de l'hôpital de Mustapha serait rattachées à la clinique d'ophtalmologie sous forme de polyclinique. Cet arrêté est ainsi conçu :
« La clinique ophtalmologique sera installée dans les pavillons Maillot et Claude Bernard. La chaire magistrale sera complétée par une policlinique qui, pour le moment, se tiendra dans le premier de ces pavillons ».
Nous adressons l'assurance de notre respectueuse gratitude à M. le gouverneur général pour cet arrêté, qui était, certes, nécessaire à Alger, - pour les raisons que vous connaissez tous, messieurs – mais qui eût été inutile en France, parce que telle est la règle – dans tous les pays – pour deux raisons bien simples.
La première est la suivante : si l'on peut faire le diagnostic et donner une consultation dans une chambre nue, ou même dans la rue, pour un cas de fièvre, de rhumatisme, de coqueluche, de diarrhée, voire même de foulure, de contusions ou de maintes blessures, il n'en est plus de même pour l'immense majorité des troubles de la fonction visuelle.
Beaucoup de personnes croient que, faire une consultation gratuite pour les yeux, c'est passer 2 heures à verser une goutte de collyre dans l'œil et scarifier, gratter et regratter des conjonctives palpébrales.
MM. les étudiants savent combien est grosse cette erreur : ils n'ignorent pas combien doit être méthodique l'examen de la fonction et de l'état des différentes parties constituantes de l'organe de la vue ; ils savent que la mesure de l'acuité visuelle, suivie de la détermination de la réfraction statique, doit précéder l'observation de l'œil à l'éclairage oblique et l'exploration du fond de l'œil à l'ophtalmoscope.
Tout médecin, un peu au courant de la pratique de cette spécialité, sait aussi que la moitié ou pour le moins un gros tiers des consultants vient demander avis pour un vice de réfraction statique ou dynamique ou pour une manifestation oculaire de maladie générale, qui a son siège, tantôt dans le segment antérieur, tantôt dans le fond de l'œil. L'oculiste chargé de la consultation gratuite se trouve donc à chaque instant, obligé de mesurer l'acuité visuelle ou d'explorer les membranes profondes.
Eh bien ! Messieurs, dans tous les cas, il y a pour lui impossibilité de faire le diagnostic, s'il ne peut disposer d'instruments et d'appareils spéciaux ainsi que de locaux disposés, aménagés, éclairés et orientés suivant des règles précises, invariables.
Or, ces appareils, ce mobilier spécial, ces locaux spéciaux, etc., etc. existent forcément dans une clinique d'ophtalmologie où ils représentent un capital considérable…. Qu'il serait absurde de dépenser une deuxième fois pour une consultation gratuite séparée de la clinique.
Ensuite, pour le traitement à appliquer aux consultants, il faut avoir sous la main un nombre considérable d'instruments et appareils plus ou moins coûteux, d'usage journalier, que l'on trouve également à la clinique ( ile de Chardin, douche de Lorenzo, seringue d'Anel, pompe Fano, stylets, libellés typographiques, chromatiques, etc., et l'outillage pour anesthésies variées.
La deuxième raison pour laquelle une consultation gratuite pour les yeux est le corollaire naturel et obligé d'une clinique ophtalmologique, son « complément» comme dit l'arrêté du gouverneur général, se conçoit aisément. A moins d'ignorer absolument ce qu'est la pratique médicale en général, et en particulier celle de certaines catégories de maladies (2 surtout), aucun docteur n'oserait prétendre que pour l'instruction des élèves en médecine, il soit utile de leur présenter de préférence les cas plus ou moins rares, dits «intéressants». Il est facile de comprendre que, ce qu'il importe de faire, c'est précisément le contraire : il faut leur présenter, en plus grand nombre possible, les cas de pratique courante.
Or, c'est à la polyclinique que défilent devant les futurs médecins communaux et de colonisation, les innombrables modalités et variétés des cas dits «ordinaires» qu'ils auront à traiter chaque jour, et qui pour la plupart, ne sont pas de nature à légitimer l'hospitalisation en salle de malades.
Messieurs les étudiants, c'est à la polyclinique que vous acquerrez le plus d'expérience pratique en la spécialité.
Je me hâte d'ajouter : ne croyez pas que ce mot de spécialité veuille dire que ceux qui n'ont pas l'intention de devenir oculistes puissent se dispenser de suivre la policlinique des yeux.
Bien au contraire, il faut y venir, car c'est là que vous apprendrez ce qu'il n'est plus permis aujourd'hui à aucun médecin d'ignorer.
Que vous habitiez la ville ou la campagne, s'il vous tient à cœur de conserver la confiance de vos clients, il vous est nécessaire de bien connaître les relations qui existent entre les affections oculaires et les maladies générales, afin de ne pas adresser au spécialiste, qui peut habiter loin de votre localité, un cas où celui ci n'a pas à intervenir, parce que la manifestation oculaire doit disparaître par le traitement de la maladie générale : tel est le cas pour certains symptômes de la syphilis, du rhumatisme, de l'hystérie, de la dysménorrhée, etc. ; vous éviterez aussi de conseiller un voyage coûteux à une mère affolée par les cris et le blépharospasme d'un enfant atteint d'une kératite phlycténulaire bénigne, qu'il vous sera facile de guérir en projetant sur sa cornée quelques grains de poudre de calomel, par quelques massages à la pommade jaune, et dont préviendrez le retour par quelques conseils d'hygiène.
D'autre part, malheur à vous, jeune débutant dans une petite localité, si, méconnaissant le glaucome, vous perdez un temps précieux avant d'envoyer le patient au chirurgien oculiste, qui peut sauver l'œil par une iridectomie ou une slérotomie précoce, tandis que la cécité devient certaine, s'il voit le malade trop tard ; malheur à vous, encore, si par une instillation intempestive d'atropine vous provoquez le glaucome foudroyant !
A la polyclinique, vous constaterez qu'il est défendu de raboter un œil granuleux tous les jours, sous peine d'entraver le processus curatif. il en de la muqueuse palpébrale comme des bourgeons d'une plaie en voie de cicatrisation, que le chirurgien traite par les pansements rares pour favoriser la reconstitution de l'épithélium.
C'est la raison pour laquelle la consultation gratuite n'a pas besoin d'être quotidienne. Nous inspirant de l'exemple donné par les polycliniques similaires de la métropole – à Lyon, à Montpellier et partout d'ailleurs, - nous la ferons 3 fois par semaine ; ce qui ne nous empêchera pas, naturellement, de recevoir et de soigner les cas urgents, comme pour les corps étrangers de l'œil, l'ophtalmie purulente, etc., s'ils se pressentent un jour qui n'est pas celui de la polyclinique.
Messieurs les étudiants, de nos jours tout médecin doit savoir faire une appréciation sommaire de la réfraction, soit par la skiascopie, soit par l'examen à l'image droite, qui est un plus difficile ; ne négligez pas la pratique du choix des verres de lunettes, si vous tenez à éviter l'humiliation d'une leçon donnée par l'oculariste. C'est à la policlinique que vous trouverez une occasion unique de vous exercer à ces différents modes d'investigations, ainsi qu'au maniement de l'ophtalmoscope.
Messieurs,
Je manquerais à tous mes devoirs si je ne profitais pas de l'occasion pour réduire à néant une légende ...tendancieuse ... qui a été répandue dans le public algérois, d'après laquelle, ainsi qu'il a été dit et imprimé, dans les services cliniques, l'intérêt du malade serait sacrifié aux besoins de l'enseignement.
Je sais bien que les étudiants ont fait justice de l'hérésie ; mais tout le monde n'a pas suivi des cliniques, et il ne faut pas que l'administration puisse être induite en erreur.
Ici , je devrais parler avec sévérité, mais..., quand on tient le succès, il sied d'être généreux ; aussi me bornerai-je à rétablir la vérité en disant : une clinique est un service hospitalier comme un autre, avec cette différence que, si le chef d'un service purement hospitalier peut faire la visite et les opérations sans parler (sauf pour l'interrogatoire du malade et la dictée de la prescription, le professeur de clinique, au contraire, qui fonctionne devant un public plus ou moins compétent, est tenu d'expliquer, de justifier chacune de ses actions : diagnostic, prescription, opération.
D'ailleurs, la raison d'être d'un enseignement clinique n'est-elle pas de monter à l'étudiant en médecine comment il faut soigner un malade pour le guérir le mieux et le plus vite possible ?
Pour ce qui est de la façon magistrale, elle est faite à l'heure ou normalement les visites de l'hôpital sont terminés et où les chefs de service qui n'ont pas d'enseignement quittent l'établissement.
On ne saurait mieux expliquer la faveur dont jouissent les cliniques dans le peuple – de tous les pays- qu'en rappelant les paroles de cette bonne femme qui disait en parlant de notre regretté Professeur Gros :
«Si je retombe malade, je veux renter dans le service de M. Gros où j'ai été si bien soignée .... il restait une demie heure à écouter mon estomac, devant, par le dos, par les cotés ... pardi ! Il fallait bien qu'il sache exactement tout ce que j'avais, pour pouvoir l'expliquer aux étudiants».
Messieurs, puisque nous sommes ici dans une maison d'ordre médical, je puis me permettre de dire : Ce fut un accouchement laborieux que l'installation matérielle de la clinique ophtalmologique ...
Mais le proverbe dit : Tout arrive à point pour qui sait attendre ...
Le travail est terminé, nous pouvons féliciter l'administration de l'hôpital d'en être venu à bout, pour le bien des nombreux malheureux qui attendaient avec impatience l'admission dans nos salles.
Le pavillon Claude Bernard – que nous proposons d'appeler dorénavant pavillon Daviel, en l'honneur de l'illustre oculiste français auquel l'humanité doit l'opération de la cataracte par extraction – a été ouvert au public ( femmes et enfants), le 20 janvier 1903).
Nous y avons organisé une petite salle pour l'ophtalmoscopie et une salle d'opération provisoire où il a été pratiqué déjà un nombre assez élevé d'opérations.
Aujourd'hui nous inaugurons le pavillon Maillot pour lequel nous proposons le nom du regretté maître de la faculté de médecine de Paris, le professeur Panas.
Dans un instant, Messieurs, vous pourrez en parcourant les différentes salles de ce pavillon, constater que l'administration n'a rien négligé pour l'installation de détail : appareils, tuyautages, aération, asepsie, etc. On peut dire que pour le détail tout est bien.
Quant au plan d'ensemble... la vérité nous oblige de déclarer qu'il n'en est pas ainsi. Mais chut, nous sommes en jour de fête... il serait de mauvais goût d'insister sur la critique ... nous nous bornerons dons à exprimer discrètement le regret qu'on n'ait pas cru devoir adopter le plan d'ensemble de M. Voinot, architecte de l'hôpital, qui répondait merveilleusement à tous les besoins et qui était plus conforme aux besoins de la population, à ceux de l'enseignement et à ceux des finances de l'hôpital...
Voilà donc la clinique magistrale d'ophtalmologie sur pied.
Certes, on la doit au ministère de l'instruction publique qui l'a créée ; mais il ne suffit pas de décréter la naissance d'une institution ... le décret reste lettre morte s'il n'y a pas d'argent pour en assurer le fonctionnement, c'est-à-dire pour le personnel, les locaux, l'outillage, le mobilier.
Comme le l'ai dit, déjà, c'est aux délégations financières inspirées par M. Aymes, que la clinique doit ses moyens d'existence...
Au nom des malheureux «ophtalmiques», comme dit M. Sedan, j'adresse à ces bienfaiteurs un respectueux hommage de gratitude.
Je dis au nom des malheureux, car – vous le savez bien messieurs – quand nous demandons une chose avec insistance, quand nous luttons désespérément pour la cause de l'instruction de nos futurs médecins, c'est l'intérêt de la chose publique que nous avons en vue et non pas notre intérêt personnel.
L'hôpital et l'Ecole ne sont pas des institutions faites pour assurer des avantages à telle ou telle personne, ces établissements existent pour répondre à des besoins d'intérêt général ; médecins et professeurs sont nommés pour en assurer le fonctionnement.
Messieurs les étudiants, il ne reste plus qu'à nous mettre à l'œuvre pour travailler ensemble, ayant le même objectif : soulager ceux qui souffrent, améliorer les conditions de la santé publique, et faire progresser la science, qui est la source du bien être physique et moral d'un peuple ; car une nation vigoureuse et instruite est un peuple fort qui ne craint personne.
/.../
Sur les bancs de ces écoles, vous êtes exercés au culte de la vérité scientifique et de la raison ; à l'hôpital se développe en vos cœurs l'amour du prochain, le respect du semblable ; enfin, la distinction avec laquelle vous remplissez vos devoirs d'externe et d'interne est un sûr garant que, après avoir conquis le diplôme de docteur, vous saurez tenir haut le drapeau de la dignité professionnelle, ...
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