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Proposé par Larbi Abid - Avril 2019
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Cette dame au caractère bien trempé, fait partie de ces icones que l’Algérie s’enorgueillit d’avoir enfantées un jour. Née à Alger un 2 avril de 1928, elle a brisé tous les tabous. D’abord celui des enfants nés de mariages mixtes, de militante communiste avec l’étiquette étriquée d’apostasie- « Je suis profondément croyante »- chose qu’elle affirme dans l’émission radiophonique « J’avoue que j’ai vécu » de Malika Lafer, celui de l’étudiante indigène qui ne pouvait prétendre qu’au concours d’externat et enfin celui du planning familial lancé à la fin des années 60, une fois la souveraineté nationale recouvrée.
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…j’ai ressenti le devoir de rédiger et d’insérer dans le numéro 8 de la revue « Le journal du Praticien » de l’année 1996, un hommage à notre Maitre, le Pr. Bachir Mentouri qui venait malheureusement de disparaitre après une longue maladie. J’ai quitté la CCA vingt ans auparavant, mais mes souvenirs étaient restés intacts. J’ai relu ce que j’avais écrit alors. Aujourd’hui, je n’aurais pas rajouté ni supprimé une ligne de ce qui me paraissait, à l’époque, la traduction fidèle et sincère de la trajectoire de cet »honnête homme » dans l’acceptation la plus noble du terme.
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D’après Chaouky Hamida, anesthésiste-réanimateur, docteur en histoire.
Robert Aubaniac est né le 23 février 1914 à Sidi Bel Abbès (Oranie) où il grandit et fait ses études secondaires. À 17 ans, le baccalauréat en poche il s’inscrit en médecine à Alger où ses parents le rejoignent l’année suivante, première transplantation, première migration.
Il est resté fier des origines cévenoles de son père et corses de sa mère qui l’ancraient encore plus dans le sud, vers sa mère Méditerranée.
Il est en 1942, un jeune chirurgien qui se destine à travers le cursus honorum consacré (prosecteur d’anatomie poste qu’il occupe effectivement à cette date, chef de travaux, agrégé, titulaire de la chaire d’anatomie) à l’élite médicale et universitaire de l’Algérie française.
Sa vie en 1941 et 1942 est rythmée par les longues séances de dissection. Après une présentation d’une demi-heure de la région à disséquer, par le prosecteur, les étudiants de première année s’attachent à disséquer le membre supérieur ou le membre inférieur ; les étudiants de deuxième année disposaient du reste du corps. Le prospecteur était assisté de trois ou quatre aides d’anatomie ou moniteurs se répartissant trois ou quatre groupes d’étudiants divisés en table de huit. L’ensemble de l’activité était sous le contrôle d’un chef de travaux. À 17 heures, le patron, c’est-à-dire l’agrégé invite le chef de travaux, les deux prospecteurs et les aides d’anatomie à prendre le thé. Cela permet au patron de s’assurer que les troupes ne désertent pas le territoire qui leur est dévolu après la fin des strictes obligations de présence c’est-à-dire 16 heures.
René Marcel de Ribet (1894-1967) grande figure de l’Anatomie est le maître incontesté de Robert Aubaniac.
Ainsi se déclinent les journées studieuses et laborieuses du jeune chirurgien quant l’orientation donnée à la guerre par les alliés l’entraîne au coeur du deuxième conflit mondial.
Vichy à partir de mai 1940 avait imposé à l’Algérie française sans que celle-ci ne s’en offusque la révolution nationale, sous la version maréchaliste voire pétainiste : le statut des juifs du 3 octobre 1940 est appliqué avec beaucoup de zèle après l’abrogation du décret Crémieux, un quota de 2 %, dans le cadre de l’organisation des professions libérales est imposé aux médecins. Sur les 938 médecins que comptent les trois départements d’Algérie, 162 sont reconnus juifs. Dans le département d’Alger les deux tiers des médecins juifs doivent cesser leur activité. Dans le département de Constantine 31 des 38 médecins juifs sont exclus. Alors que sévit une épidémie de typhus et que l’encadrement médical de l’Algérie est déjà bien inférieur à celui de la métropole, l’idéologie antisémite l’emporte sur toute considération. Le décret touche bien entendu le milieu universitaire et la faculté de médecine d’Alger. Il ne faut pas s’étonner que les rares noyaux de résistance durant ces années soient constitués par des jeunes de confession israélite et particulièrement des médecins, dans l’indifférence quasi générale.
Après le débarquement anglo-américain le 8 novembre 1942, l’Algérie française bascule du côté des alliés. Une mobilisation sans précédent est décrétée puisque vingt classes d’âge sont appelées (1924 - 1944). Robert Aubaniac est ainsi mobilisé à l’âge de 29 ans, jeune et brillant prosecteur d’anatomie à la faculté de médecine Alger.
Le 21 décembre 1943, jeune officier du corps expéditionnaire français intégré au sein de la troisième division de l’infanterie algérienne, chef de la quatrième compagnie du bataillon médical, dite de triage et de traitement, Robert Aubaniac débarque à Naples, ville qu’il juge crasseuse à la population miséreuse, aux femmes laides et mal habillées.
Dès le 6 janvier 1944, sa division est engagée à Venafro au pied des Abruzzes, à l’est de Cassino où seul chirurgien de l’avant il opère les premiers blessés de la division commandée par le général De Montsabert.
À partir du 8 février 1944, le quatrième bataillon médical fusionne avec la première formation chirurgicale mobile de la comtesse de Luart.
La première F.M.C (formation médicale mobile) de la comtesse se compose de camions opératoires extensibles qui permettent au chirurgien de travailler très efficacement : cette colonne très moderne dans sa conception comprend un camion de réanimation, des camions opératoires extensibles, un camion de stérilisation, un camion pharmacie, un camion lingerie, des camions dortoirs ainsi que d’autres camions et véhicules de transport dont les fameuses jeep pour le reste de la logistique (tentes, groupes électrogènes, buanderie, cuisine volante, poêles à bois, bagages, matelas etc.).
Robert Aubaniac est un grand musicien, pianiste émérite. Indépendamment de ses qualités de chirurgien il anime par son talent les quelques soirées organisée par la comtesse de Luart dans sa tente-foyer. Est-ce pour ses talents de musicien ou de chirurgien que le 27 avril 1944, elle lui annonce qu’elle a obtenu sa mutation au sein de sa formation chirurgicale mobile ! C’est ainsi que pour la grande bataille de Monte Cassino, la première formation chirurgicale mobile équipée par l’armée américaine du général Clark soutient la deuxième division d’infanterie marocaine (2ème D.I.M) qui prend d’assaut le monastère après des combats héroïques et très meurtriers.
Un débarquement sur la plage de Saint Aygulf en Provence, une campagne d’Italie, une campagne d’Allemagne, le retour en Algérie ou une autre guerre qui n’osait dire son nom allait commencer (8 Mai 1945).
De retour à la vie civile, il n’a pas oublié l’image de ce grand blessé aux deux bras arrachés qu’il avait perfusé. Il continue ses recherches sur les cadavres du laboratoire d’anatomie. Il se décide à commander auprès de la Maison Desnos à Paris une aiguille à biseau court, de sept cm de longueur et d’un calibre intérieur supérieur à un mm. C’est sur un grand obèse de 72 ans qu’il pose sa première perfusion sous-clavière. « Avec ce matériel, et en avançant le vide à la main, j’ai pu atteindre facilement le but c’est-à-dire cette grosse veine que je voyais dans mes souvenirs de guerre, l’occasion m’en furent offertes, un jour à midi, quand l’anesthésiste du pavillon garde m’a fait appeler pour dire de lui venir en aide. Une grande patiente obèse de 72 ans, aux veines strictement invisibles et présentant occlusion t. Malgré mon appréhension, j’ai pu réussir la sous clavière chez le vivant C’est ainsi que nous avons pu tirer d’affaires cette malade. ».
Le bruit de ce succès se répand et il met sa découverte technique à la disposition de nombreux confrères. Au sein de la clinique chirurgicale infantile dont il était maintenant le chef de clinique, il forme des infirmières à la réalisation de cette technique particulièrement pour perfuser les nombreux jeunes patients tuberculeux avec les nouveaux antibiotiques (perfusion de P.A.S). « Quand Debat membre de l’institut créateur de la molécule PAS, a appris que je faisais faire par des infirmières des perfusions par cette voie, il est fait me voir depuis Paris avec l’un de ses assistants. Je l’ai donc reçu à la clinique chirurgicale infantile de l’hôpital Mustapha d’Alger et lui a présenté trois adolescents de 11 à 14 ans, porteurs d’une perfusion par la voie sous clavière. Ce qu’il a le plus étonné, c’est que l’un d’eux, ayant besoin de dégourdir les jambes, avait pincé la perfusion pour arrêter l’écoulement, l’avait décrochée de la portance, et mis le flacon dans la poche de son pyjama. Preuve, dans la voie sous clavière qu’il n’y a point de bras immobilisé. »
Sa publication princeps parait en 1952 dans la Presse Médicale puis la Semaine des Hôpitaux. La nutrition parentérale peut dès lors se développer. Cette même année il est reçu major de promotion à l’agrégation d’anatomie. Il se spécialise en neuro anatomie : il publie un ouvrage remarquable sur la Radio-anatomie de la tête.
L’histoire de l’Algérie sécrète ses nouveaux drames : dix sept ans après le débarquement à Saint Agulf en 1944, il fait partie du grand exode de la méditerranée et rejoint en compagnie de deux millions de pieds noirs la métropole et sa capitale du sud : Marseille.
Il n’a pas le rattachement escompté auprès d’un centre hospitalier universitaire comme bon nombre de ses confrères professeurs à la faculté d’Alger. Il en gardera beaucoup d’amertume envers la France gaullienne. Il s’implique très fortement dans les sociétés savantes les sociétés académiques les sociétés musicales à Marseille et à Aix en Provence, il collabore au festival d’Aix-en-Provence. En juillet 2007, il est victime d’un accident. Hospitalisé dans un service de réanimation, son fils, professeur de chirurgie orthopédique le découvre, perfusé sur le côté gauche par la voie sous-clavière au moment où il allait s’éteindre.
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