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La presse | Tunisie | 06/04/2008
Les «pour» agitent l’argument éthique de la démocratisation du médicament en ramenant les contestations sur une question purement mercantile. Les génériques sont nettement moins chers que les médicaments originaux, ou disons de marque, pouvant assurer une marge confortable sur le prix de vente.
En Tunisie, le débat est donc d’actualité dans le cadre d’une politique sociale de l’Etat qui accorde au secteur de la santé publique une priorité absolue.
A ce titre, l’industrie pharmaceutique nationale a été encouragée et ne cesse de l’être par les pouvoirs publics, sous le contrôle du ministère de la Santé publique. Depuis 1989, les 3 fabriques de médicaments se sont décuplées en 41 unités nationales.
A leur démarrage, celles-ci se sont lancées, pour la plupart, dans l’industrie sous licence. Or les pourvoyeurs desdites licences ne sont autres que des laboratoires mondialement connus, puissants, implantés dans tous les pays du monde avec des chiffres d’affaires dépassant parfois le PIB de plusieurs pays émergents réunis, la vente des médicaments occupant la deuxième position dans les échanges commerciaux après ceux des armes.
Les firmes, américaines, britanniques, françaises, entre qui la guerre est livrée à tous les niveaux, depuis le stade de la recherche jusqu’à sa commercialisation sur le marché en passant par la découverte du médicament, n’accordent pas leur agrément à la légère à qui ce soit, s’il n’est pas crédible et performant.
Depuis les bâtiments de l’usine, les équipements de fabrication, la matière première, le taux d’humidité ambiant jusqu’à la pureté de l’air à l’intérieur des zones de production, tout est régulièrement audité par lesdits laboratoires qui peuvent, par des contrats lourdement ficelés, retirer leurs licences immédiatement s’ils jugent que les standards de fabrication appliqués dans leurs pays ne sont pas respectés par leurs partenaires.
C’est une technique de pointe acquise par les unités nationales sous le contrôle interne et externe des structures et organes de veille affiliés au ministère de la Santé publique, possédant toute la latitude de contrôler, à tous les stades de la chaîne de fabrication, le médicament, pour le valider à terme par la fameuse AMM : autorisation de mise sur le marché.
C’est dans ce contexte d’émulation et de débat constructif dans tous les cas de figure, qu’on a effectué une visite découverte dans deux des fleurons de l’industrie pharmaceutique tunisienne : Saiph et Adwya.
La société arabe des industries pharmaceutiques ou Saiph est située à M’hamdia, pour s’étendre sur 55.000 m2, avec une surface couverte de 10.000 m2. Un consortium arabo-arabe regroupant des fonds libyens, saoudiens et jordaniens, plus un pourcentage de l’ordre de 16% appartenant à l’Etat tunisien à travers Siphat. La licence d’exploitation a été obtenue en 1996. le projet, dont le coût s’élève à 33 millions de dinars, a démarré par la fabrication des médicaments sous licence prescrits par des multinationales aussi prestigieuses les unes que les autres, pour en faire l’une des plus grandes fabriques de médicaments sur toute la région.
Aussi, les médicaments sous licence formant l’essentiel des activités de Saiph avec 90% du taux de production, seulement 10% sont destinés au générique tunisien. Ceci étant dit, «nos génériques répondent à tous les critères de qualité et d’efficacité avec les petits prix en bonus, chose qui a incité un laboratoire de renommée mondiale à faire baisser ses prix sur le marché tunisien pour nous concurrencer. S’il pouvait nous attaquer sur la qualité du produit, il n’aurait pas hésité à le faire», déclare fier et convaincu M. Abdelfattah Fassatoui, directeur général de Saiph.
Aussi l’ouverture sur le marché régional des pays arabes et africains représente une orientation stratégique de cette entreprise performante, employant près de 300 personnes, entre médecins, pharmaciens, ingénieurs et agents d’exécution.
Il est important de souligner que le secteur pharmaceutique engrange un grand nombre de diplômés de l’enseignement supérieur. C’est dire qu’il relève aussi des priorités de l’Etat de le promouvoir à tous les niveaux.
A l’entrée de la Marsa, le laboratoire Adwya est installé. Avec une date d’entrée en production en 1989, cette compagnie, fondée par MM. Tahar et Moncef el Materi, est parmi les pionnières dans la fabrication exclusive de produits sous licence. Après un garant de qualité cautionné par les laboratoires accompagnant cette fabrique tunisienne à ses débuts, celle-ci en est actuellement à 31 médicaments sous licence et 49 présentations. Et c’est en 2003 que le premier générique de Adwya est mis sur le marché, pour atteindre, à ce jour, les 19 médicaments et 41 présentations.
«Nous sommes les précurseurs dans cette industrie. Notre expérience, nous l’avons acquise patiemment, des équipes ont été dépêchées à l’étranger pour acquérir l’expertise et convaincre les multinationales de notre savoir-faire. Et c’est uniquement après avoir acquis cette crédibilité que les premières licences nous ont été accordées. Parallèlement, nous tenons à conserver la confiance gagnée auprès du corps médical et pharmaceutique tunisien», précise M.Tahar el Materi, président du conseil d’administration.
Mais ces agréments reviennent chers, on vous oblige à acheter de chez eux la matière première, on délimite votre marché dans la région et on vous invite aussi à débourser des royalties versées via la Banque Centrale.
Avec un nombre d’employés de 403 personnes, Adwya a développé deux sites de production, un site alpha dédié à la fabrication de produits non-pénicilliniques et un site bêta dédié à la fabrication des bêta-lactamines (antibiotiques) pour acquérir, en 20 ans d’expérience, une maîtrise technologique de pointe.
Garantir la qualité
Il est clair qu’en Tunisie, la fabrication locale du médicament tient de plus en plus de parts de marché, il y va de la politique engagée par les pouvoirs publics, comme l’a souligné M. Maher Kamoun, président de la Chambre nationale de l’industrie pharmaceutique. Le chiffre d’affaires de la fabrication locale étant passé de 8MD à 249MD en 2007.
Quant à l’utilisation du générique, le taux de couverture actuelle comme valeur de consommation totale du médicament est de 32%. En Allemagne, il est plus de 40%, en Grande Bretagne, il est en passe d’atteindre les 50%, pour ne citer que ces pays. C’est dire que c’est une tendance mondiale qui va crescendo, répondant, pourquoi pas, à une éthique de démocratisation du médicament.
Dans notre pays et toutes proportions gardées, on ne peut ignorer ce qui se dit contre le générique : «Léger, une boîte de médicament princeps équivaut à la prise de deux à trois boîtes génériques. Autrement dit, ce qu’on gagne au niveau du prix, on le perd en quantité», affirment les uns. «Pures calomnies», répondent les autres «et on sait par qui elles sont orchestrées».
Aussi et pour se garantir la confiance du citoyen et, aussi et surtout, du corps scientifique — médecins et pharmaciens — le principe de stabilité du principe actif du générique est essentiel. Le test de la bioéquivalence se doit d’être, également, pratiqué par tout laboratoire souhaitant commercialiser un générique afin de prouver à tous, réticents compris, que son produit est aussi bio-équivalent que le principe de référence. C’est, du reste, un cautionnement en plus pour la commercialisation du générique tunisien dans le pays comme à l’extérieur.
Hella Lahbib
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