Le ministre de la Santé publique, M. Mondher Zenaïdi, a présidé la séance d’ouverture en présence des élus de la région et des cadres de la profession, il n’a pas manqué de féliciter les organisateurs pour cette initiative, la quatrième de la série, qui participe, à chaque fois, à la réflexion nationale dans un thème d’actualité.
L’introduction de nouveaux antibiotiques développe aussi bien chez l’homme que chez l’animal des mécanismes de résistance bactérienne. Cette résistance aux antibiotiques est liée à leur usage excessif en médecine humaine et vétérinaire, et même dans l’alimentation animale, a précisé le ministre en substance.

Les hauts responsables dans les structures de la santé ou des experts de la santé humaine ou animale, présents à la rencontre, ont inventorié les manifestations de la résistance bactérienne, ainsi que ses origines. L’impact sur la santé publique a donné lieu, en outre, à certaines interventions de la salle et des questionnements. En effet, des études ont montré que les infections multirésistantes qui se sont développées ces dernières années, particulièrement en milieu hospitalier, constituent une préoccupation réelle car elles peuvent mettre le clinicien dans une «impasse thérapeutique».

«L’auto-antibiotique», c’est interdit par la loi

L’automédication est une pratique à bannir et l’utilisation des antibiotiques, sans prescriptions médicales, est totalement interdite par la loi. En dehors du mauvais usage des antibiotiques qui peut avoir des effets secondaires considérables, c’est davantage l’usage excessif qui développe une pression de sélection de bactéries qui deviennent, par voie de fait, plus résistantes pour mettre carrément en péril l’arsenal thérapeutique.
Mme Samia ben Redjeb, responsable au laboratoire microbiologique à l’hôpital Charles-Nicolle, a insisté sur le fait que cette résistance de certaines bactéries aux antibiotiques peut passer de l’animal à l’homme à travers la viande lors de l’abattage. D’autres modes de transmission ont été également évoqués (à travers le végétal, par exemple). En effet, l’interaction existe, elle a été scientifiquement prouvée entre les systèmes animal, végétal et humain.
Le phénomène de «conjugaison» des bactéries dans le milieu hospitalier, favorisée par un fort taux de concentration humaine mais aussi par le non- respect des mesures d’hygiène, fait que ces bactéries multi-résistantes se propagent. C’est une «escalade de la résistance» des bactéries au traitement par antibiotique pouvant donner lieu, dans les cas graves, à des infections épidémiques.

Ce qui se fait ailleurs

M. Jean Paul Stahl, président de la société de pathologie infectieuse en France a, pour sa part, présenté le modèle français pour le bon usage des antibiotiques. Nous sommes champions d’Europe, a-t-il commencé, dans l’utilisation des antibiotiques. Suite à cette constatation, la France, à l’instar de nombreux autres pays occidentaux, a mis en place un plan national mené par des représentants institutionnels et des experts chargés du pilotage de l’action avec comme objectifs essentiels préserver l’activité des antibiotiques. L’enjeu est de taille, a-t-il précisé. Il a cependant rectifié le tir en précisant que pour certaines maladies, l’utilisation des antibiotiques est nécessaire. Par contre, leur usage excessif a donné lieu à une inflation antibiotique en quantité et en qualité, un accroissement de la morbidité et de la mortalité des patients infectés, et finalement, à un accroissement considérable des coûts.
Comme le montre le graphique, plus de la moitié des prescriptions en antibiotique sont injustifiées.

Une interaction incontrôlée

Cet usage abusif des antibiotiques et les conséquences sur la sélection des bactéries n’est pas le propre de l’homme. Des études ont prouvé que la résistance bactérienne aux antibiotiques est attribuée à une surconsommation des antibiotiques, non seulement en milieu hospitalier mais également en pratique de ville, en milieu vétérinaire et dans l’alimentation animale. Comme l’a déploré, Dr Khaled Zarrouk, avec sa double casquette de représentant de l’ODC et de vétérinaire, les antibiotiques sont aussi utilisés comme facteur de croissance en milieu animal.

Or, depuis plusieurs années, des congrès scientifiques ont attiré l’attention du monde médical et du public sur les dangers pour la santé humaine découlant de l’emploi d’aliments du bétail contenant des antibiotiques. La présence de résidus dans les produits d’origine animale se transmet à l’homme à travers l’alimentation (viande, lait, œufs). «Les antibiotiques, destinés aux animaux, se vendent encore au kilo dans les garages» s’est-il écrié. Dr Kamel Idir, directeur général de la pharmacie et du médicament, a tenu à préciser, à ce propos, que «des structures sanitaires déploient des efforts incessants pour veiller au contrôle des éleveurs».
Par ailleurs, et en réponse à certaines réflexions sur les différentes négligences qui sévissent en milieu hospitalier et autres atteintes aux règles d’hygiène, le directeur général de la santé, Dr Nourreddine Bouzouia, a ajouté que l’hygiène est une culture qui s’acquiert avant qu’elle ne constitue de simples mesures ponctuelles prises et imposées au personnel.

Aussi, une enquête nationale de prévalence de l’infection hospitalière a été effectuée dans 66 établissements hospitaliers publics et privés avec ce souci de se baser sur une plateforme chiffrée quant aux taux d’infection endémiques dans les établissements du pays. L’objectif de cette enquête, menée en 2005, étant d’estimer les principales caractéristiques de propagation de l’infection mais aussi de sensibiliser le personnel hospitalier en suscitant son adhésion à des programmes futurs de lutte et de prévention. Sur les 485 infections identifiées, 149 (soit 30,7%) seulement ont été documentées bactériologiquement (culture positive).

Les dépenses en médicaments, selon le ministère de la Santé publique, représentent le tiers des dépenses globales de santé. Les antibiotiques, en milieu hospitalier, y tiennent la première place, soit 30% du budget total du médicament, sachant que 20% des prescriptions peuvent être évitées. Aussi et pour reprendre un slogan tiré d’une campagne de sensibilisation : «aider son corps à se défendre, ça s’apprend».

Hella Lahbib