Depuis quelques années, la Tunisie est devenue une destination médicale de choix pour un grand nombre de patients en provenance de pays frères et amis. La notoriété acquise en la matière s’explique, certes, par le haut niveau atteint par les services de soins sanitaires qui n’ont plus rien à envier à ce qui existe dans les pays développés, plus particulièrement ceux européens, mais, le tourisme et la santé étant des services destinés aux ménages et dont la qualité est un facteur essentiel pour leur garantir la compétitivité requise, la Tunisie a su leur fournir les facteurs nécessaires à cette compétitivité dont notamment les infrastructures de transport, les infrastructures hôtelières, la compétence et la proximité linguistique, la sécurité et la stabilité, le taux de change.

Profitant de la mondialisation, les Européens sont de plus en plus nombreux à opter pour les soins loin de chez eux tout en agrémentant leur voyage d’un séjour touristique. Ainsi, des «packages» de soins-chirurgie-vacances sont proposés par des agences de tourisme, spécialisées dans ce domaine, aux patients selon des formules comprenant l’acte chirurgical ou les soins et le séjour. Le tout à un prix pouvant aller jusqu’à 3 à 5 fois moins cher qu’en Europe ou aux Etats-Unis d’Amérique.
Pour en savoir plus, nous avons contacté Dr Noureddine Charni, directeur de la réglementation et des professions de santé au ministère de la Santé publique, qui a bien voulu nous entretenir de la question et nous fournir toutes les données en la matière qui font de notre pays une destination médicale privilégiée.

La Tunisie a bien compris les enjeux
Il faut dire que, selon une étude effectuée par, M. Marc Lautier, universitaire, pour le compte de l’Agence française de développement (AFD), la valeur du commerce mondial des services de santé était estimée, en 2003, à 12 milliards de dollars, ce qui représente environ 0,75% du commerce mondial des services. Or, lorsqu’on sait que ce commercial enregistre une expansion plus rapide que la moyenne des échanges mondiaux, soit une croissance annuelle de près de 23% depuis 2000, on comprend mieux l’importance acquise par ce secteur.
La Tunisie, comme certains autres pays asiatiques et latino-américains, a compris l’ampleur des enjeux représentés par ce secteur et, sous l’impulsion du Chef de l’Etat, a multiplié les initiatives et les mesures, notamment depuis l’avènement du Changement, en vue de se doter de tous les atouts nécessaires à la réussite de cette œuvre qui n’est sûrement pas de tout repos.
Il y a lieu de souligner que la Tunisie a su exploiter au mieux une conjoncture favorable. En effet, dans les pays occidentaux, la population est inversée avec un nombre de plus en plus important de personnes âgées, les soins y sont de plus en plus chers sans oublier que le système de santé n’arrive plus à faire face à la demande de soins, d’où des listes d’attente relativement longues et une recherche de destinations fiables pour se faire opérer ou se faire soigner à l’étranger.
Et si les Américains choisissent de se rendre dans certains pays asiatiques tels que l’Inde, la Thaïlande et Singapour, les Européens préfèrent le pourtour méditerranéen. Et c’est la Tunisie, bien devant la Jordanie, qui les attire le plus pour plusieurs raisons objectives.
Outre la proximité géographique, notre pays offre de nombreux avantages, notamment en matière d’infrastructure, de compétences humaines et de diversification. Les structures de santé, essentiellement privées, disposent des équipements sophistiqués et à la pointe des innovations, ce qui les met sur un pied d’égalité, voire plus, avec les cliniques européennes. On y trouve, effectivement, les équipements les plus lourds tels que le scanner, l’IRM, la chimio, etc.

Excellents indicateurs de santé et mesures d’accompagnement salutaires
Et pour faciliter la tâche au secteur privé, le gouvernement a pris des mesures d’accompagnement en y accordant une place importante lors de la réforme de santé et la mise en place de la Caisse nationale d’assurance maladie (Cnam) sans oublier l’encadrement, la démarche qualité, le déblocage de financements supplémentaires et l’organisation de séminaires avec les cliniques privées avec l’apport et la contribution de l’Organisation mondiale de la santé (OMS).
A cela, il faut ajouter les excellents indicateurs de santé (espérance de vie de plus en plus longue et une couverture vaccinale optimale), le climat de sécurité et de stabilité politique et sociale qui règnent en Tunisie, ce qui contribue, largement, à mettre en confiance ceux qui optent pour la destination Tunisie.
Le coût, nettement en deçà de celui en vigueur en Europe, est un autre facteur qui favorise le choix de notre pays par les patients étrangers. En effet, le prix d’une intervention chirurgicale esthétique, à titre d’exemple, est 50% moins cher qu’en France. Une intervention à cœur ouvert coûte cinq fois moins cher.
Ainsi, la Tunisie, qui commence à se faire un nom dans le domaine, connaît une évolution sensible des patients étrangers hospitalisés chez nous dont le nombre est passé, selon les chiffres fournis par Dr Charni, de 42.000, en 2003, à plus de 71.000 pour l’année 2006.
Les spécialités les plus concernées sont la chirurgie cardio-vasculaire, l’ophtalmologie, l’orthopédie, les remplacements articulaires, la chirurgie esthétique, alors que la répartition de ces patients par nationalités est marquée par une dominante africaine d’un taux de 90% du total dont 80% sont des Maghrébins. Et à l’intérieur de ce taux, 70% sont constitués de nos frères libyens. Les 10% restants sont des Européens.

Un état des lieux prometteur
Il est utile et significatif de remarquer, à ce propos, que les progrès de la médecine et de l’infrastructure sanitaire en Tunisie ont entraîné une réduction considérable du nombre des malades envoyés à l’étranger et dont l’effectif a baissé de 1152 patients en 1987 à 130 seulement chaque année actuellement.
Il est bon de rappeler certains chiffres édifiants concernant l’infrastructure en la matière : 80 cliniques à vocation multidisciplinaire ou mono-disciplinaire, 940 cabinets de médecine dentaire, une capacité de 16.500 lits dans le public contre 2.350 dans le privé, soit 12% de la capacité d’accueil nationale, 3.293 cabinets médicaux dont 50,9% sont spécialisés, 1.392 pharmacies, 156 laboratoires d’analyses médicales, 147 laboratoires de biologie médicale et 9 laboratoires d’anatomie biologie, 56 services de transport sanitaire, 81 centres d’hémodialyse, 567 cabinets paramédicaux de libre pratique.
Ainsi, si l’attraction d’étrangers exercée par l’offre touristique génère mécaniquement des flux de patients vers les cliniques tunisiennes, l’accumulation du nombre des flux de patients étrangers soignés et des succès médicaux engendre, à son tour, des effets d’expérience et de notoriété qui construisent la confiance dans un système de santé

Deuxième destination mondiale de thalassothérapie
Mais la destination Tunisie dans le secteur sanitaire touche, également et surtout, les centres de thalassothérapie et les stations thermales.
En effet, forte d’importants gisements d’eau de source ou d’eaux froides, notre pays dispose de plusieurs stations thermales et de bains maures (hammams) pour le traitement de plusieurs maladies par les eaux géothermiques.
Lancée depuis 11 ans, la thalassothérapie tunisienne est, aujourd’hui, une référence de qualité pour des curistes chaque année plus nombreux. Avec 28 centres en exploitation et 19 autres en cours d’étude ou de construction, la Tunisie a bien mérité son rang de 2e destination mondiale de thalassothérapie en accueillant, chaque année, des curistes plus nombreux dépassant les 150.000 durant l’année 2006, en provenance notamment de la France, d’Allemagne, de Suisse et, de plus en plus, de Russie.
La spécificité de cette "thalasso à la tunisienne" est d’avoir su allier les exigences de rigueur et de qualité propres à ce produit aux atouts touristiques d’une destination ensoleillée. Son originalité consiste dans le fait d’avoir su puiser dans des traditions ancestrales pour, comme le reconnaissent d’éminents spécialistes européens, renouveler la pratique de la thalassothérapie. L’enveloppement d’algues adapté au hammam est une de ses trouvailles heureuses.

Mise à niveau des stations thermales
D’autre part, en matière de thermalisme, les stations, situées dans différentes régions du pays et qui font l’objet d’une série de programmes de mise à niveau, offrent des services de plus en plus diversifiés à la clientèle locale et étrangère (traitement de l’obésité et du diabète, rhumatisme, dermatologie, massages pour les personnes âgées et les enfants handicapés, rééducation et autres soins).
Les multiples décisions du ministère de la Santé publique confirment les vertus et les performances médicales et préventives de ces stations, notamment les plus connues d’entre elles, en l’occurrence Korbous, Hammam Bourguiba, Jebel El Oust et Djerba sans oublier la programmation de deux grands projets, le premier à El Hamma de Gabès et le second à Korbous.
Toutefois, l’étude stratégique, présentée dernièrement à Tunis, sur le développement du secteur du thermalisme à l’horizon 2016, montre que les stations thermales tunisiennes nécessitent une rénovation et que certaines d’entre elles demeurent inaccessibles à cause de l’absence de routes qui les desservent et de leur présence loin des zones urbaines.
La Tunisie est, certes, en train d’occuper la place qui lui sied et de prendre sa bonne part du marché en question avec une évolution annuelle de près de 20%, mais la vigilance doit être de mise pour maintenir le même rythme de progression et faire face à d’éventuelles concurrences qui ne manqueraient pas de voir le jour.
La mise en place d’un cadre législatif pour la création de cliniques off-shore (3 accords de principe sont déjà établis), la participation accrue aux foires internationales et la coopération étroite et en symbiose entre les départements de la Santé et du Tourisme sont autant de facteurs garants et prometteurs d’un développement sûr du secteur pour mieux s’imposer, dans la durée, sur la scène internationale.

Noureddine HLAOUI