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Revue de presse

Kaissar Sassi, médecin anesthésiste-réanimateur au CHU de Toulouse et membre fondateur de l’AMTM, à La Presse : « La dernière ligne droite pour sauver le secteur de santé tunisien… »

La presse | Tunisie | 25/09/2022

Au lendemain de l’Indépendance, le discours le plus long prononcé en matière de santé était “Nous sommes les meilleurs !”. Il est vrai que des décennies durant, la santé en Tunisie était efficace et bien organisée, et ce, malgré des ressources modestes.

Mais à partir des années 1990, la donne s’est inversée avec un secteur en perte de vitesse et handicapé par l’arrivée de la pandémie du Covid-19 qui a mis à nu les mauvais choix de l’Etat en matière de santé et le besoin urgent de construire une infrastructure de soins de santé de qualité à l’heure où le secteur public accapare à lui seul plus de 80% des demandeurs de prestations. Mais malgré cette situation qui semble alarmante et assez difficile, il ne faut pas baisser les bras ni se décourager. Au contraire, il faut y croire, se battre et avancer pour trouver un nouveau souffle à un secteur qui s’essouffle et qui doit se réinventer. Kaisser Sassi nous en dit plus dans cet entretien.

Tout d’abord, comment voyez-vous l’avenir du système de santé en Tunisie étant donné que, depuis les années 1990, la santé, censée être un facteur de justice sociale, est devenue une source d’écarts injustes entre les couches sociales ?

La médecine tunisienne a toujours su se distinguer à l’échelle internationale. Au Xe siècle, Ibn El Jazzar rédigeait déjà des ouvrages médicaux à l’école de médecine de Kairouan. Au XIVe siècle, l’Université Al Zaitouna offrait déjà une branche d’études médicales. Les professeurs de médecine de l’époque portaient le célèbre titre “Al-Tabib-Al-Skoli”. Dès les premiers mois qui ont suivi l’Indépendance, le gouvernement de Bourguiba a fait de la santé une priorité nationale et a investi activement dans l’autonomie médicale, tant au niveau de la formation que de la pratique. Cette stratégie d’Etat a permis le développement rapide de ce secteur public par rapport au reste de l’Afrique.

Plus l’arbre est haut, plus la chute est lourde. Cet héritage historique majestueux exaspère nos sentiments face à la dégradation actuelle de notre secteur de la santé. La décadence avait commencé sous l’ère Ben Ali, et ses conseillers qui ont commis une erreur stratégique majeure qui affecte profondément l’ensemble du système de santé jusqu’à aujourd’hui. Sous l’ère Ben Ali, l’Etat a choisi de développer encore la politique de sectorisation médicale et de la maintenir en l’état. L’Etat a choisi de maintenir le déficit d’accès aux soins dans les régions intérieures et de concentrer le budget de la santé sur les hôpitaux universitaires déjà existants. Mais cette stratégie ne peut fonctionner que dans une dictature. Car, dans une dictature, le peuple ne peut pas critiquer les décisions de l’Etat. En ce qui concerne les régions intérieures, les citoyens ont été forcés d’accepter l’inégalité d’accès aux soins de santé entre la côte et le reste du territoire tunisien. Mais après 2011, les citoyens tunisiens étaient enfin libres et ils n’ont plus accepté cette inégalité. L’accès à la santé s’est imposé en tant que slogan principal dans de nombreuses manifestations notamment à Sidi Bouzid, berceau de la révolution. Mais une fois la dictature révolue, le constat concernant nos hôpitaux, sans l’épée de Damoclès imposé par l’ancien régime, était sans appel.

Nous avons réalisé que notre système de soins était totalement déficient et ne pouvait pas répondre au droit constitutionnel à la santé. En plus de cela, il y a la croissance démographique de la population et son vieillissement qui implique systématiquement une augmentation de la demande de soins. Un autre événement majeur, survenu 3 ans après la révolution, a donné le coup de grâce au système de santé tunisien. Il s’agit du gouvernement de Ali Laarayedh qui a tenté d’imposer aux jeunes médecins un service civil obligatoire de 3 ans après la fin de leurs études. En réponse, les jeunes médecins se sont mis en grève nationale. La loi a finalement été promulguée par la force mais la durée du service obligatoire a été réduite à un an. Nous avions mis en garde contre les conséquences catastrophiques d’une telle loi, mais les politiciens de l’époque étaient d’un autre avis et ont fait la sourde oreille. Cette loi a déclenché un exode massif de jeunes médecins vers l’étranger. La promulgation de la loi a été concomitante avec l’ouverture des portes de l’Allemagne pour le recrutement de médecins étrangers à la seule condition de maîtriser la langue.

Selon l’Institut national de la statistique, au moins 3.300 médecins ont quitté la Tunisie au cours des 5 dernières années. Donc pour résumer le problème : nous sommes face à un système de santé qui a des décennies de retard en termes d’adaptation à la demande croissante de soins, une sectorisation de l’accès aux soins qui ne peut fonctionner que dans une dictature et un exode massif des jeunes médecins. Les conséquences de cette crise ont été révélées à de nombreuses reprises depuis 2011, entre les épidémies d’hépatite A, la mort des nouveau-nés à l’hôpital de La Rabta et enfin le triste bilan du Covid-19. Ce sont autant de preuves qu’en Tunisie, le système de santé est en totale déperdition.

Faut-il instaurer un dialogue sociétal pour réformer le secteur et améliorer la santé dans notre pays ?

Plusieurs dialogues sociétaux concernant la santé ont eu lieu en Tunisie, notamment depuis 2011. Certains étaient sérieux, comme la conférence nationale du 27 juin 2019. D’autres l’étaient moins, comme ceux organisés par Hichem Mechichi et Youssef Chahed pour apaiser l’opinion publique après le drame de l’hôpital de La Rabta et la crise du Covid-19. Ces deux dialogues n’ont abouti à aucune amélioration, alors que la conférence de juin 2019 a pu fixer des objectifs nommés “les 8 chantiers” pour 2030. A mon humble avis et bien que ce travail soit remarquable, ces objectifs de la conférence en question sont complètement déconnectés de la réalité de notre pays. Le dialogue sociétal de 2019 prouve, encore une fois, qu’en Tunisie, nous vivons dans deux mondes parallèles. Un monde où on appelle à réformer le secteur de la santé en dépensant des sommes très importantes et le monde réel où la Tunisie traverse l’une des pires crises financières de son histoire. Ce projet politique national soi-disant de grande envergure n’a pas mis en évidence, par exemple, la grave pénurie de capacité d’hospitalisation des patients critiques sur le territoire ainsi que le solde négatif entre l’installation de nouveaux médecins sur le territoire et ceux qui quittent la Tunisie, ce qui provoque une augmentation quotidienne de la pénurie de médecins. L’année suivante du dialogue sociétal en juin 2019, la Tunisie a connu l’épidémie du Covid-19 et nous étions l’un des pays avec l’un des taux de mortalité les plus élevés en Afrique. Je pense que le seul axe d’amélioration pertinent apporté par ce dialogue sociétal est l’appel à la lutte contre la corruption dans les hôpitaux. Tous les autres “chantiers” nécessitent des dépenses que l’Etat ne peut actuellement assumer.

Mais, de l’autre côté, nous sommes convaincus que tout dialogue sociétal sur la santé en Tunisie est voué à l’échec. Cela est dû à une raison principale, à savoir l’attitude des politiciens au cours des dix dernières années, qui ont utilisé des slogans de promotion de la santé dans leurs campagnes électorales. Le meilleur exemple est l’engagement du mouvement Ennahdha à créer une faculté de médecine à Mednine. Par conséquent, mener un dialogue sociétal avec les décideurs des partis qui se sont engagés sur des promesses électorales fallacieuses mettra rapidement fin à ces dialogues.

D’une façon plus générale, l’autre obstacle à la conduite de ces dialogues est que le nombre d’acteurs dans le domaine de la santé est très élevé, rendant ce paradigme d’approche d’amélioration très difficile à mettre en œuvre. Entre les administrateurs, les gestionnaires et les financiers dont les axes d’amélioration sont la rationalisation des dépenses, les professionnels de la santé qui cherchent à améliorer les conditions de travail, les usagers et les patients qui font valoir leurs droits constitutionnels d’accès à la santé ; mettre tous ces acteurs dans une salle fermée pour améliorer notre secteur de la santé ne me semble pas être pragmatique.

Dans ce même cadre, qu’est-ce que vous proposez et les moyens d’y parvenir ?

Pour sauver notre secteur de la santé, nous avons besoin d’une approche pratique avec des objectifs rapidement réalisables. Depuis 2013, alors que nous étions plusieurs jeunes médecins à la Commission de promotion de la santé au ministère de la Santé en tant que représentants du syndicat des internes et des résidents, nous n’avons cessé de réfléchir collégialement à un plan pour sauver notre secteur de la santé. Et même après la dissolution de cette Commission, qui n’a pas vécu longtemps, nous avons continué à travailler sur la question. La principale condition de réussite de ce plan d’action était qu’il puisse être mis en œuvre avec un financement minimal compte tenu de l’état des caisses de l’Etat. Nous avons intitulé ce projet dans le temps : “Donnez-nous zéro dinar et nous sauverons le secteur de la santé”. Le plan a été finalisé et amélioré au cours de plusieurs années de travail acharné et s’articule autour de 5 axes d’amélioration.

Le premier consiste à créer un Comité national de coordination entre les sociétés savantes de médecine tunisienne pour la création de références médicales opposables (RMO). Les RMO sont créées par la convention médicale dans le but d’éviter les prescriptions abusives. Elles ne sont pas obligatoires, bien qu’opposables, dans le cadre de l’exercice libéral de la médecine. Il s’agit d’une régulation médicale de base et globale des dépenses de santé.

Le deuxième point de notre stratégie est de développer la chirurgie ambulatoire dans tous les hôpitaux publics. En déployant l’hospitalisation ambulatoire, nous pourrons économiser des millions de dinars et réduire la charge de travail des différents soignants. La chirurgie ambulatoire vise à raccourcir le parcours de soins du patient en limitant les hospitalisations post-opératoires abusives. Et donc, plus de 50% des interventions chirurgicales peuvent être réalisées en ambulatoire. Notons que le développement de la chirurgie ambulatoire ne nécessite pas de financement et les circuits de prise en charge des patients sont déjà établis dans les pays développés et font l’objet de publications scientifiques.

On a aussi plaidé pour optimiser les règles de prescription de l’antibiothérapie et introduire le concept de référent en antibiothérapie dans tous les hôpitaux publics et privés du pays. Une charge financière importante et évitable en Tunisie est due à l’augmentation de la résistance bactérienne qui provoque des infections postopératoires et des infections nosocomiales nécessitant des soins très lourds et coûteux. L’affectation d’une équipe de référence et d’approbation obligatoire, composée d’infectiologues dans toutes les structures de soins, limitera ce mauvais usage. Elle réduira donc l’émergence de germes résistants et le taux d’infections graves.

S’agissant du quatrième point, il concerne la fracture de l’extrémité supérieure du fémur, qui constitue un problème de santé publique en Tunisie. Il est nécessaire d’établir une standardisation d’un protocole de prise en charge commun en obligeant les services d’orthopédie à opérer ces patients dans les 48 heures de leur hospitalisation, sauf contre-indication médicale, au détriment de l’activité froide, ainsi que la mise en place d’un protocole de dépistage et de traitement de l’ostéoporose. Au mieux, la durée moyenne de séjour des patients atteints de ces fractures est de 7 jours dans nos hôpitaux. Cela représente un coût très important par patient si l’on considère l’hospitalisation, la chirurgie et les complications causées par le retard de prise en charge. Cependant, théoriquement, cette chirurgie nécessite 48 heures d’hospitalisation y compris le jour de l’opération ce qui améliore la survie de ces patients et diminue le coût de la prise en charge.

Finalement mais non moins important, il faut développer la télémédecine dans toute la Tunisie et surtout pour la médecine de première ligne dans les régions qui souffrent d’un manque de médecins. La pratique de la télémédecine n’est pas coûteuse et permet au moins de détecter les zones où les citoyens n’ont pas accès aux soins et de traiter leurs maladies comme le diabète et l’hypertension à un stade précoce avant le développement de complications qui sont très lourdes et coûteuses à gérer.

Vous dites donc que le chemin n’est pas si facile. Mais de l’autre côté, l’hôpital public, qui reste au cœur du système de santé, nécessite une attention particulière. Qu’est-ce que vous proposez pour une nouvelle gouvernance de l’hôpital public ?

Il est d’abord nécessaire d’établir les défaillances de cette gouvernance. Ces défaillances sont au nombre de trois et sont communes à la quasi-totalité des hôpitaux publics. La première défaillance est l’animosité des négociations entre les syndicats et l’administration hospitalière. Le meilleur exemple est celui de l’hôpital de Sfax, et l’opinion publique se souvient des conflits rapportés entre le syndicat des soignants et l’administration. Le syndicat avait une influence importante sur les décisions de l’administration. C’est évidemment un obstacle majeur à tout développement d’une structure de service public. La deuxième défaillance est la dette majeure de la Cnam envers les hôpitaux. Rappelons que ces dettes n’ont cessé de croître de manière exponentielle, frôlant, en 2020, plus de 1,3 milliard de dinars. Le meilleur exemple des conséquences de cette mauvaise gestion financière est celui de l’hôpital de La Rabta à la fin de l’année 2019 quand il s’est retrouvé dans une situation financière critique suite au non-paiement par la Cnam de la somme de 30 millions de dinars à l’hôpital. Quant à la troisième, c’est celle de la centralisation et de la prise des décisions. Les grandes lignes de fonctionnement de l’hôpital dépendent entièrement du ministère de la Santé. Cela signifie que la structure sanitaire perd l’autonomie nécessaire pour s’adapter à la demande de soins.

Au vu de ces éléments, la stratégie d’amélioration de la gouvernance doit donc s’articuler sur ces trois axes d’amélioration. La première étape consiste à raisonner les négociations entre les syndicats et les hôpitaux et à limiter la tyrannie syndicale par des moyens légaux. Un syndicaliste ne devrait pas avoir le droit de bloquer l’entrée de l’hôpital par un cadenas pour faire aboutir ses revendications. Le deuxième point crucial est de modifier les circuits de gestion financière entre la Cnam et les hôpitaux. Cette gestion doit dorénavant respecter les exigences et les délais de paiement. Si ces délais ne sont pas respectés, les hôpitaux doivent engager sans hésiter des actions en justice. Quant au troisième axe d’amélioration, il consiste à donner une certaine autonomie aux administrations hospitalières et à leurs responsables. Il faut leur donner plus de liberté, par exemple dans les négociations salariales et les appels à projets. Cette autonomie permettra à l’hôpital d’améliorer les conditions de travail de ses employés et d’adapter son offre de soins aux besoins réels.

Pourquoi cette priorité — la réforme du secteur — n’est-elle pas prise en considération de façon sérieuse alors que la crise sanitaire liée au Covid-19 a confirmé, encore une autre, la défaillance totale de notre système de santé ?

Depuis les temps anciens, le droit à la santé a toujours été difficile à définir. Plusieurs penseurs se sont posés la question : Comment pouvons-nous définir une société en bonne santé ? Il existe aujourd’hui des indicateurs épidémiologiques qui nous aident à mieux comprendre l’état de santé d’une société, à savoir la mortalité maternelle et l’espérance de vie. En Tunisie, en 1960, l’espérance de vie était de 42 ans. En 2020, elle est passée à 76 ans. La mortalité maternelle a diminué en 30 ans, passant de 74 à 33 pour 100.000 naissances. N’importe quel politicien se contentera de ces deux informations, qui le rendront sceptique quant à tout caractère urgent d’une réforme de la santé. Cependant, le revers de la médaille est que ces deux informations nécessitent une analyse plus affinée, car au cours des dix dernières années, nous n’avons pas été en mesure d’améliorer l’espérance de vie en Tunisie, qui reste statique. Et en ce qui concerne la mortalité maternelle, nous sommes à un écart très important des objectifs du millénaire fixés par les instances scientifiques et cette mortalité ne devrait pas dépasser 18 pour 100.000 naissances.

Malheureusement, les politiciens du monde entier accordent peu d’attention à l’urgence de promouvoir le secteur de la santé. Ils ne réagissent qu’après des situations très urgentes et après revendication de l’opinion publique. Prenons l’exemple de la crise du Covid-19 et des lits de réanimation, y a-t-il eu une augmentation des lits de réanimation en Tunisie après la crise ?! Rappelons que notre pays a dû faire face à l’une des pires épidémies de l’histoire avec 400 lits de réanimation pour 10 millions de citoyens. Prenons un autre exemple, celui des agressions dans les hôpitaux qui incitent 65 % des médecins à quitter le pays et reste une cause majeure de leur exode. En juillet 2021, le Président de la République a accueilli un jeune médecin qui a été violemment agressé à l’hôpital de Ben Arous. Mais y a-t-il eu depuis un projet étatique pour limiter les agressions dans les hôpitaux ? Cela nous amène à la question suivante : la santé de la société est-elle une priorité pour les politiques ?

L’OMS a tenté de trouver une définition qui incitera les politiciens à mieux considérer l’importance de la santé pour le progrès d’une société : « Une meilleure santé est essentielle au bonheur et au bien-être. Une meilleure santé contribue également de manière importante au progrès économique, puisque les populations en bonne santé vivent plus longtemps, sont plus productives et épargnent plus » (Organisation mondiale de la santé 2009). Mais il n’en reste pas moins que dans la plupart des pays, la réponse de la politique de santé d’un pays est déconnectée des besoins réels, et la pandémie du Covid-19 a mis en évidence ce fait indéniable.

Avons-nous besoin, aujourd’hui, d’un engagement politique, un vrai, pour concrétiser ce chantier énorme ?

La généalogie de l’implication de la santé dans la politique d’un pays a été marquée par trois périodes dans l’Histoire : l’une allant de l’après-Seconde Guerre mondiale jusqu’au milieu des années 80 où la santé était présente dans la politique d’un pays de manière relativement périphérique, la deuxième allant du milieu des années 80 au début des années 2000 où la santé a pris une place importante dans le discours politique, mais où le financement est resté relativement faible, et enfin la période à partir des années 2000 où la santé a pris une place de plus en plus importante dans le discours et la politique de développement d’un pays.

La Tunisie est clairement coincée dans la deuxième période et n’a pu suivre le rythme des pays développés. C’est pourquoi j’insiste sur l’importance des solutions pratiques pour sauver le secteur de la santé qui ne nécessitent pas d’engagement politique. Tous les pays sont passés par cette phase où la santé fait partie du discours politique sans réelle concrétisation et le passage à la troisième phase n’est pas si simple, nécessitant une stabilité politique, mais aussi financière. Il est clair que le contexte politique actuel de notre pays n’est pas propice à un changement radical, notamment le passage à la troisième phase de la relation politique-santé.

epuis la révolution, la question de la migration de nos médecins à l’étranger a été évoquée de façon récurrente sans parvenir à mettre fin à ce fléau. Mais une fois qu’on est sur le bon chemin et qu’on entame ces réformes, peut-on dire que ce secteur pourrait se rattraper ou beaucoup reste à faire ?
Lors d’un audit d’un échantillon de 393 médecins ayant quitté le pays, nous avons posé une question sur les conditions qui leur donneraient envie de revenir travailler en Tunisie. Les résultats sont très clairs : plus de 50% des médecins qui ont quitté la Tunisie sont prêts à revenir dès qu’il y aura une amélioration des conditions de travail et des salaires. Une autre condition est demandée par ces médecins : le droit de travailler à temps partagé à l’étranger. Beaucoup de ces médecins se sont engagés dans une formation ou une sous-spécialisation et souhaitent conserver le droit d’exercer à l’étranger pour maintenir leur expertise et pouvoir l’apprendre par la suite aux jeunes médecins tunisiens. Cependant, la loi actuelle ne permet pas la double inscription entre le Conseil national de l’Ordre des médecins tunisien et un autre conseil. A cet égard, si le système de santé tunisien souhaite bénéficier de ces médecins, une nouvelle législation doit être adoptée. L’Etat doit également prendre en considération un autre fait annoncé ce mois-ci ; l’OMS vient d’alerter sur le vieillissement des soignants avec un tiers des médecins ayant plus de 51 ans en Europe. La Tunisie n’est évidemment pas épargnée par ce vieillissement.

Et donc, le secteur de la santé tunisien est doublement pénalisé avec deux fléaux que sont le vieillissement mondial des soignants qui va pousser les pays développés à recruter plus de médecins et l’exode déjà existant en Tunisie. Je ne serai pas choqué de voir des CHU sans médecins en Tunisie d’ici 2030. C’est pour toutes ces raisons que les hautes autorités de notre pays doivent prendre au sérieux ce problème. C’est la dernière ligne droite pour sauver le secteur de santé tunisien…

Meriem KHDIMALLAH

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