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Revue de presse

Kaisser Sassi, médecin anesthésiste-réanimateur au CHU de Toulouse et membre fondateur de l’Association des médecins tunisiens dans le monde (AMTM), à La Presse : « Seuls 50% des médecins émigrés envisagent un retour en Tunisie »

La presse | Tunisie | 03/02/2022

Au lendemain de la révolution, la pression migratoire, qui touche des secteurs vitaux dont l’éducation, la santé, le numérique…, a augmenté dans notre pays et devrait s’intensifier encore à cause d’une conjoncture économique morose et difficile où les jeunes diplômés peinent à trouver un emploi. Et depuis, la question de la migration de nos médecins à l’étranger a été évoquée de façon récurrente sans parvenir à mettre fin à ce fléau qui tue à petit feu notre modèle de santé, déjà à l’agonie. Pis encore, aujourd’hui, avec l’accélération de la fréquence d’apparition des pandémies et face à un système de santé qui pourrait souffrir d’une pénurie en ressources humaines, cette fuite des cerveaux, qui touche la crème des qualifiés, est de nouveau sur la table de discussion. Kaisser Sassi nous en dit plus.

La migration de médecins a-t-elle contribué à une détérioration de l’état de santé des populations qui restent dans le pays ?

Le nombre des problèmes, qui causent la décadence de notre secteur de santé, s’est multiplié ces dernières années. Entre la surconsommation d’antibiotiques, causant l’émergence de bactéries très nocives, la pénurie de médicaments, les déserts médicaux, la faillite des caisses d’assurance maladie…, notre système de santé est, aujourd’hui, en totale déperdition. Toutefois, l’exode des médecins demeure une des problématiques majeures de ce secteur comme soulignée par l’ancien président du Conseil national de l’ordre des médecins (Cnom), Dr Slim Ben Salah.

Parlons chiffres, en 2021, l’Institut national de la statistique (INS) a compté 3.300 médecins ayant quitté le pays au cours des 5 dernières années, soit l’équivalent de 15 promotions d’étudiants en médecine de la Faculté de médecine de Sousse. Cette émigration impacte directement l’espérance de vie dans notre population. Cela se fait en creusant l’iniquité d’accès aux soins sur le territoire pour les citoyens. La preuve ; aujourd’hui, dans plusieurs gouvernorats, notamment dans les régions, nous ne retrouvons toujours pas des gynécologues pour assurer la continuité des soins dans les maternités ou des radiologues pour interpréter les explorations radiologiques urgentes. Et donc, le départ massif des médecins à l’étranger majore les déserts médicaux qui s’étalent actuellement sur plus de 50% du territoire. Et sur une seule année, des dizaines de milliers de Tunisiens doivent se déplacer des centaines de kilomètres pour une consultation spécialisée. Cette difficulté d’accès aux soins aggrave les délais des prises en charge médicales et fait perdre un temps précieux aux patients qui développent des complications évitables à cause de ce retard.

Peut-on estimer le coût réel de la fuite des cerveaux dans ce secteur ?

L’estimation du coût de formation d’un médecin est très difficile car elle dépend d’un nombre infini de variables. En 2014, l’ancien ministre Abdellatif Mekki avait déclaré que la formation d’un médecin coûtait à l’Etat 1 million de dinars. Ce chiffre me semble très élevé. Mais je sais bien que la formation d’un médecin dans une faculté privée en Roumanie dépasse largement les 100.000 euros. Cependant, je pense que le vrai coût des départs de ces médecins est indirect. A titre d’exemple ; un diabétique habitant dans un désert médical sera mal suivi. De ce fait, il a plus de chance de développer des complications qui incomberont directement le coût de la prise en charge des complications couvertes par les assurances maladies. Il s’agit des dépenses qui peuvent être épargnées s’il y avait moins de déserts médicaux. Ces coûts dépassent largement des centaines de millions de dinars par année.

Faut-il s’inquiéter de notre futur avec le vieillissement progressif des praticiens dans ce métier ?

Selon une déclaration de Sigma Conseil, via son patron Hassen Zargouni, en 2018, plus de 40% des jeunes médecins ont quitté la Tunisie pour s’installer ailleurs. Ce phénomène s’est intensifié depuis 2014 avec les premiers départs vers l’Allemagne. Cette dernière avait facilité l’accueil des médecins tunisiens où une seule condition était exigée, celle de la maîtrise de la langue. Cette seule condition n’était pas un blocage, au contraire, elle a ouvert la porte aux médecins tunisiens pour partir en Allemagne et s’y former en faisant une spécialité. Donc, les médecins généralistes n’avaient qu’à maîtriser la langue pour partir en Allemagne et y faire la spécialité de leur rêve. Et aujourd’hui, nous comptons au moins mille médecins tunisiens partis en Allemagne.

Concernant la France, notre partenaire historique exige la réussite à une épreuve de vérification des connaissances avant de pratiquer la médecine sur son territoire. Plusieurs milliers de candidats de partout le monde passent ce concours annuellement. La moyenne de réussite pour les pays maghrébins (hors Tunisie) est de 17%. Pour la Tunisie, cette moyenne a atteint les 40% et en 2019, 500 médecins tunisiens avaient réussi ces épreuves selon Jed Henchiri, ancien président de l’Organisation tunisienne des jeunes médecins.

De ce fait, la vraie problématique n’est pas celle du départ des médecins, mais plutôt du départ des jeunes médecins qui ne garderont pas d’attache en Tunisie puisqu’ils entament leurs vies professionnelles à l’étranger. Aujourd’hui, les anciennes générations de médecins le disent déjà dans les bureaux —de plus en plus vides— des hôpitaux publics, “nous ne savons pas à qui nous allons faire la passation”. De ce fait, la situation se dirige inéluctablement vers l’aggravation si l’Etat reste les bras croisés.

Selon une récente étude que vous avez menée auprès des médecins tunisiens ayant quitté le pays, plus de 50% d’entre eux ont l’intention d’y revenir. Pourquoi reviennent-ils et avec quelles conditions ?

Nous avons mené une enquête descriptive auprès d’un échantillon représentatif de 393 médecins ayant quitté la Tunisie pour pratiquer la médecine ailleurs. Dans cette étude, nous avons constaté que plus de 50% des médecins émigrés envisageraient un retour en Tunisie, si les conditions nécessaires sont réunies. La condition majeure requise par ces médecins est le droit de travailler en temps partagé avec l’étranger. Ils souhaitent pouvoir garder un pied à l’étranger pour entretenir leurs expertises dans des sous-spécialités médicales indisponibles en Tunisie, telle la chirurgie robotique en vogue ces dernières années. Garder un pied à l’étranger leur permet aussi d’améliorer leurs salaires qui sont très modestes en Tunisie. Toutefois, la loi actuelle ne permet pas la double inscription entre le Conseil national de l’Ordre des médecins tunisiens et un autre conseil, ce qui rend ce retour impossible dans les circonstances actuelles. A cet égard, si le système de santé tunisien souhaite bénéficier de ces médecins, une nouvelle législation doit voir le jour.

Mais là, il faut préciser que le problème est plus compliqué pour les médecins partis en Allemagne car l’Etat ne reconnaît pas leurs diplômes allemands de spécialisation en médecine. Déjà plusieurs acteurs de la société civile ont commencé à réfléchir sur des solutions à ces problèmes. Pour sa part, Dr Ali Mrabet, ministre de la Santé, a déclaré récemment son avis favorable à une éventuelle réflexion nationale pour mettre en place ces nouvelles modalités d’exercice en mettant en place le cadre législatif nécessaire.

Toujours selon l’étude, quelles sont les raisons de non-attractivité de ce métier noble dans notre pays ?
Ce que nous avons constaté en termes de raison de départ est choquant. L’un des chiffres alarmants que nous avons relevé est le taux des médecins qui partent du pays à cause du harcèlement moral et professionnel qui touche un médecin sur deux partis de Tunisie (soit 50,6%). L’insécurité dans les hôpitaux est une raison de départ retrouvée chez 62,3% des médecins émigrés… Et dans une autre étude type, audit, que j’ai menée moi-même, 200 médecins femmes déclarent avoir été victimes d’une agression physique au cours de leur cursus professionnel.

Nous avons trouvé aussi d’autres raisons indépendantes de la pratique médicale, notamment la situation sociopolitique du pays (pour 50,1%). Néanmoins, la cause principale qui pousse les médecins tunisiens à partir demeure les conditions de travail très difficiles et inadaptées avec les exigences des règles de bonnes pratiques (pour 75,8%). Ils dénoncent un manque des moyens et des heures de travail interminables qui peuvent dépasser les 120 heures par semaine.

Ce qu’il faut retenir de cette étude ?

La conclusion de cette étude était une vision d’un projet national pour sauver le secteur de la santé. Ce projet se base sur trois axes. On doit tout d’abord commencer par un audit des structures sanitaires, indépendant du ministère de la Santé. Ceci permettra, pour une première de l’histoire de notre pays, d’établir un vrai état des lieux des hôpitaux publics. Cette étape est indispensable pour pointer les failles et pouvoir proposer une solution pérenne.

Le deuxième axe est l’établissement de normes de pratiques médicales pour toutes les spécialités et l’optimisation de la sécurité sur les lieux de travail. Ces normes seront la garantie d’une pratique médicale dans les règles de l’art.

Finalement, mais non moins important, il faut lutter contre l’émigration des médecins et là, il faut absolument reconsidérer la revalorisation salariale. A savoir que 70% des médecins émigrés ont quitté le pays à cause de la rémunération jugée inadéquate par rapport aux efforts fournis. L’autre solution miracle est sans doute la mise en œuvre du cadre légal qui permettra aux médecins partis de la Tunisie de pouvoir y revenir et y pratiquer la médecine en temps partagé avec l’étranger en modifiant la loi exigeant une inscription exclusive au Conseil national de l’Ordre des médecins tunisiens.

A mon avis, un projet d’Etat, qui se base sur ces trois axes, encouragera les médecins tunisiens à revenir exercer dans leur pays. Car qu’on le veuille ou pas, ne pas réagir au phénomène de l’émigration des médecins met en péril la santé des citoyens tunisiens et là je cite un autre chiffre alarmant de cette étude : 30% des répondants pensent qu’on ne peut plus sauver le système de la santé en Tunisie !

Meriem KHDIMALLAH

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