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La presse | Tunisie | 08/04/2007
Ils étaient considérés comme étant des cas désespérés,
des personnes que la folie déleste de ce qu’ils ont de plus prestigieux,
à savoir la raison et les voue à un sort indigne.
Incapables de se défendre et de surmonter, seuls, leurs maladies, les
malades psychiatriques nécessitent d’être traités,
soignés et pris en charge.
En Tunisie, l’hôpital Razi a été créé
en 1934. Il constituait un asile. Ce n’est que vers les années
50 que les traitements des maladies psychiatriques ont vu le jour, donnant ainsi
l’espoir aux patients, mais aussi à leurs familles. Aujourd’hui,
l’assistance psychiatrique acquiert une dimension plus complète.
De l’enfermement et de la marginalisation, le malade est passé
au traitement à la fois psychiatrique et thérapeutique qui vise
la stabilisation d’une maladie, certes chronique, et par la suite, la
réinsertion socioéconomique du malade.
L’hôpital psychiatrique Razi, situé à La Manouba,
représente le principal Etablissement public de santé (EPS) chargé
de l’assistance psychiatrique. Comptant neuf services de psychiatrie,
un service de médecine interne et un service de neurologie, dirigés
par 58 médecins et 342 paramédicaux, il accueille des patients
pour des consultations de jour, mais aussi pour une hospitalisation dont la
durée dépend du cas et de la pathologie en question.
Dans les services de psychiatrie générale, il est question de
prendre en charge, que ce soit par le biais de consultations, mais aussi par
l’hospitalisation, de l’ensemble des pathologies psychiatriques.
Le Pr Karim Tabbène est chef de l’un des services psychiatrie générale
depuis 20 ans.
Selon ses propos, les principales pathologies dont souffrent les malades sont
«les troubles anxieux, tels que la panique, les crises d’angoisse
aiguës, l’anxiété chronique, les troubles obsessionnels
convulsifs, les états de stress, post-traumatiques et la dépression
sous toutes ses formes. A côté des troubles anxieux, il y a les
pathologies relatives aux troubles schizophréniques et les troubles bipolaires
ou magniaco-dépressifs», précise le Pr Tabbène.
Et d’ajouter que les troubles anxieux et autres, dépressifs, concernent
10% de la population et que les troubles schizophréniques et bipolaires
comptent 0,8% de la population, et ce, en prévalence sur la vie. «Il
est très important d’expliquer que ces pourcentages internationaux
sont fondés sur la prévalence sur la vie, c’est-à-dire
que l’on compte parmi les 10% des cas de troubles anxieux et dépressifs
des personnes qui ont, par exemple, eu une dépression à un moment
donné de leur vie», indique M. Tabbène.
Il est à noter que ces pathologies sont liées au facteur de
l’âge. En effet, si la dépression n’a pas d’âge,
la schizophrénie, elle, touche essentiellement les adolescents et les
jeunes adultes. Les malades atteints de troubles anxieux et bipolaires sont
généralement âgés entre 20 et 30 ans.
Par ailleurs, si la schizophrénie et les troubles bipolaires touchent
de la même fréquence et les hommes et les femmes, la dépression,
elle, est deux fois plus fréquente chez la gent féminine.
«Toutes les prises en charge se ressemblent et aucune ne ressemble
à une autre»
Les nouveaux traitements pharmacologiques sont au cœur de l’approche
médicamenteuse à laquelle recourent les psychiatres dans le traitement
des pathologies. «Tolérés chez 80% des patients, ces médicaments
sont d’une grande efficacité. Ils ne représentent pas de
risques de dépendance et n’ont pas d’effets secondaires gênants»,
note le chef de service.
Il indique, en outre, que la prise en charge du malade varie en fonction de
la nature de la maladie et de son degré.
«La meilleure approche, dans le domaine psychiatrique, c’est de
combiner l’approche médicamenteuse et l’approche psychothérapeutique
afin de donner de meilleurs résultats», souligne le Pr Tabbène.
Les patients consentant au traitement bénéficient de consultations.
Seuls les patients dont la maladie empêche de coopérer sont hospitalisés.
Psychiatrie légale : un séjour qui peut durer une vie
Il s’agit d’un service psychiatrique qui date de 2003. Il concerne
les cas d’ex-détenus jugés comme étant irresponsables
de leurs actes parce que souffrant de pathologies psychiatriques sévères.
Hospitalisés d’office sur décision judiciaire et avis médical,
ces patients ont été détenus pour délit ou crime.
Le Pr Rym Ridha, chef de service psychiatrie légale, affirme que 80% des malades sont psychotiques et 10% sont des handicapés mentaux et des déments. «Nous avons également quelques cas de psychopathe ainsi que des cas d’épilepsie temporale», note A. Ridha.
Les psychotiques ont généralement commis leurs délits
suite à leur délire de persécution. Leurs actes agressifs
revêtent pour eux, un aspect de légitime défense.
Les déments, eux, sont souvent des personnes âgées qui subissent
l’effet de leurs illusions et qui agissent en fonction de ce sentiment.
Le service de psychiatrie légale est hautement contrôlé. Basé sur l’enfermement, il assure trois fonctions enchaînées et complémentaires : «Notre rôle consiste à assurer à ces malades un traitement pharmacologique adapté à chaque cas, un accompagnement psychologique et enfin un accompagnement à caractère social», note le Pr Ridha. Elle précise : «Dans le cadre de l’accompagnement psychologique, nous aidons les malades délirants qui ont commis inconsciemment des agressions sur d’autres personnes à surmonter leur souffrance psychologique et leur sentiment de culpabilité».
Pour les psychotiques, il importe de les aider à reconnaître les contextes favorables à leurs pulsions agressives et à apprendre à maîtriser cette force négative.
Ergothérapie : L’estime de soi et le respect des règles
pour une insertion socio-économique
En troisième phase du traitement, les malades hospitalisés en
psychiatrie légale sont soumis à une thérapie rééducatrice.
L’érgothérapie (thérapie par le travail) consiste
à apprendre aux patients le respect des règles grâce à
l’apprentissage de techniques artisanales ainsi que des activités
de loisir. Cette thérapie les aide à avoir confiance en eux-mêmes
et les prépare à la réinsertion sociale», indique
le Pr Ridha.
Le chef de service affirme que 70% des cas admis quittent l’hôpital
après un séjour qui dure en moyenne entre 2 et 5 ans. Leur sortie
est décidée suite à la levée de la décision
d’hospitalisation d’office, et ce, auprès d’un staff
de trois médecins. Elle prouve ainsi la stabilisation de leur état
de santé mentale et la levée de la menace qu’ils constituaient
pour la société.
Outre l’aspect psychiatrique, l’hôpital Razi assure, depuis 4 ans, des soins en neurologie. «Il importe beaucoup d’éviter la confusion entre les maladies neurologiques et psychiatriques», souligne Mme Hamida Abdeljelil, directrice générale de l’hôpital Razi. «Il s’agit d’un service hautement équipé tant en appareils spécialisés qu’en matériel informatique, assurant ainsi un travail en réseau, permettant au cadre médical d’effectuer leur travail d’analyse et d’interprétation, tout en épargnant au malade d’y assister», indique le Pr Riadh Gouider, chef de service neurologie, précisant en outre que son service accueille jusqu’à 15.000 malades par an.
La psychiatrie entre acquis et aspirations
La notion de la santé mentale s’est approfondie suivant la recherche
scientifique en la matière, mais aussi par le biais d’un ensemble
de lois protégeant les biens du malade et définissant les types
d’hospitalisation. En effet, selon Mme Abdeljelil, il existe trois types
d’hospitalisation possibles pour un malade psychiatrique.
«L’hospitalisation d’office se fait suite à la décision du procureur et à un certificat médical imposant l’hospitalisation. La levée de l’hospitalisation se fait par la décision du juge après avis d’un staff de trois médecins. Outre l’hospitalisation d’office, un malade psychiatrique peut être hospitalisé à la demande d’un tiers majeur, en l’occurrence soit le père ou la mère, le mari ou la femme, les enfants, ou des cousins proches», explique Mme Abdeljelil. M. Ridha Arrouchi, responsable de la gestion des malades explique que «généralement, dans les deux premiers cas, les patients n’acceptent pas leurs maladies et refusent le traitement.
Dans le cas contraire, c’est-à-dire dans le cas où le patient
est conscient de sa maladie, c’est l’hospitalisation libre qui est
opérationnelle».
Bien que la loi et la science soient en faveur du malade psychiatrique, la mentalité
de la société demeure assez injuste face à cette souffrance.
«Certes, la mentalité de la société a évolué
par rapport à la maladie psychiatrique, mais pas d’une manière
homogène. La stigmatisation a diminué, mais n’a pas disparu.
Le problème, c’est que plus il y a stigmatisation, plus l’insertion
sociale devient difficile. De plus, elle retarde le recours aux soins»,
note le Pr Tabbène.
La lutte contre la stigmatisation et les préjugés est plus que
nécessaire.
Pour sa part, le Pr Ridha insiste sur l’importance d’imposer, ne
serait-ce que par un texte juridique, les consultations d’après-hospitalisation
afin de garantir aux patients un suivi régulier.
Dorra BEN SALEM
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