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La presse | Tunisie | 23/03/2019
La progression mondiale de la Résistance aux AntiMicrobiens (RAM) représente une menace majeure pour la santé humaine et animale. Elle met en danger la médecine vétérinaire et humaine moderne et constitue un risque pour la salubrité de notre alimentation et de notre environnement. De nombreux organismes internationaux ont décrit l'émergence rapide des bactéries résistantes comme une "crise" ou un "scénario cauchemardesque" pouvant avoir des "conséquences catastrophiques".
L'Organisation Mondiale de la Santé (OMS) prévoit qu'en 2050, les maladies infectieuses résistantes aux antibiotiques seront la première cause de décès par maladie (10 millions de décès/an dans le monde contre 700.000 actuellement, c'est-à-dire plus que le cancer).
La 39e conférence de la FAO, tenue en juin 2015, a adopté la résolution 4/2015 sur la résistance aux antimicrobiens, qui reconnaît que la RAM constitue une menace croissante pour la santé publique et la durabilité de la production alimentaire et souligne que, pour intervenir de façon efficace, il faut mobiliser tous les acteurs du gouvernement et de la société. De son côté, l'Organisation mondiale de la santé animale (OIE) a développé une large gamme de normes internationales et de lignes directrices dans ce domaine. Celles-ci fournissent un cadre pour une utilisation responsable et prudente des agents antimicrobiens chez les animaux ainsi que pour la surveillance et le suivi des quantités utilisées.
Modes de dissémination de la résistance aux antimicrobiens
D'après Dr Mohamed Salah Abbassi, chercheur à l'Institut de la recherche vétérinaire de Tunisie (Irvt), il existe deux types de résistance : naturelle ou intrinsèque et acquise. Pour la première, il s'agit d'un caractère d'espèce qui touche toutes les bactéries de l'espèce considérée. Pour le deuxième type, c'est un caractère qui ne concerne que quelques souches d'une espèce donnée. Dans ce cas, la résistance se propage souvent de façon importante dans le monde bactérien. « La résistance acquise résulte d'une modification du capital génétique de la bactérie lui permettant de tolérer une concentration d'antibiotique plus élevée que celle qui inhibe les souches sensibles de la même espèce », indique-t-il.
Le chercheur ajoute qu'il existe, aujourd'hui, plusieurs mécanismes de résistance aux antibiotiques à l'instar de la mutation de la cible de l'antibiotique, la modification de l'antibiotique, la réduction de la perméabilité membranaire et l'afflux des antibiotiques... « La diversité des gènes de résistance aux antibiotiques posant problème en clinique n'est que la partie émergée de l'iceberg de la diversité totale présente dans les bactéries environnementales. Les gènes transférés des souches de l'environnement aux pathogènes cliniques subissent un processus de propagation et de diversification qui s'adapte aux pathogènes de sélection propres au contexte clinique », explique-t-il.
En ce qui concerne les modes de dissémination, Dr Abbassi en a cité quatre : la faune sauvage, le sol, les milieux aquatiques et les milieux hospitaliers. Pour la première, il a précisé que de nombreuses publications ont montré que la faune sauvage constitue un réservoir important de bactéries résistantes aux antibiotiques et que de nombreux marqueurs de l'antibiorésistance ont été identifiés dans certaines espèces. Dans ce cas, les bactéries naturellement résistantes contribuent ainsi à l'enrichissement du pool de gènes de résistance portés par les bactéries pathogènes pour l'homme. « Il est important de souligner que le rôle des oiseaux sauvages migrateurs est important dans la dissémination rapide de la résistance aux antibiotiques à grande échelle », ajoute-t-il.
En ce qui concerne le sol et l'élevage, Abbassi indique que l'évolution rapide de l'élevage entraîne une augmentation de l'utilisation d'antibiotiques à usage vétérinaire. Pour les antibiotiques polluants du sol, la quantité d'antibiotique utilisé pour le traitement ou comme facteur de croissance qui est excrété par les animaux reste variable selon la famille d'antibiotique. Autre point de la même importance, l'irrigation par des eaux traitées devient de plus en plus populaire dans les zones arides et semi-arides du monde en raison de la diminution des ressources en eaux, associée à la croissance démographique, à la croissance du secteur agricole et à l'influence du changement climatique mondial. « Les sols agricoles constituent un réservoir important de bactéries résistantes et de gènes de résistance à forte concentration », souligne-t-il.
Pour l'environnement aquatique, le chercheur précise que la problématique de la résistance aux antibiotiques est traditionnellement considérée comme un problème clinique. Mais récemment, les milieux non cliniques tel que l'environnement aquatique ont été évalués comme facteur important de la dissémination des bactéries résistantes aux antibiotiques. Un mélange diversifié d'antibiotiques et d'autres polluants de leurs métabolites et de bactéries résistantes atteignent le milieu aquatique par les eaux usées, traitées ou non traitées. « Les taux élevés de bactéries résistantes aux antibiotiques observées dans les écosystèmes aquatiques proviennent essentiellement des eaux usées domestiques, des rejets des établissements hospitaliers et des rejets agricoles issus d'élevages ».
Quant à la résistance aux antibiotiques à l'hôpital, Abbassi affirme que des bactéries deviennent de plus en plus résistantes aux désinfectants dans les hôpitaux. « L'hôpital devient alors un lieu de résistance parfois farouche mais non généralisée. Cette opposition repose sur l'incertitude de l'avenir... Il va falloir élaborer de nouvelles stratégies pour venir à bout des bactéries dans les hôpitaux ».
Par Meriem Khdimallah
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