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Revue de presse

Antibiorésistance : Halte à la consommation excessive d’antibiotiques !

La presse | Tunisie | 29/01/2019

La Tunisie est le deuxième plus grand consommateur d’antibiotiques au monde après la Turquie. Elle consomme deux fois plus que la France et une fois et demie plus que la Grèce, classée premier consommateur des antibiotiques en Europe.

L’usage abusif et trop souvent incorrect des antibiotiques a contribué au développement et à la dissémination de bactéries qui sont devenues résistantes aux antibiotiques. L’antibiorésistance, décrite par l’Organisation mondiale de la santé (OMS) comme une des plus grandes menaces pour la santé publique, pourrait coûter la vie à 700.000 personnes par an. Si rien n’est fait, les maladies infectieuses d’origine bactérienne pourraient redevenir en 2050 une des premières causes de mortalité dans le monde, en provoquant jusqu’à 10 millions de morts.

En Tunisie, la situation ne semble pas s’améliorer

La Tunisie, comme tout autre pays, n’en est pas épargnée et on note une expansion de plus en plus rapide de la résistance bactérienne aux antibiotiques. Selon une étude réalisée par des chercheurs américains, sur un total de 76 pays, la Tunisie est classée le deuxième plus grand consommateur d’antibiotiques au monde, après la Turquie. Elle consomme deux fois plus que la France et une fois et demie plus que la Grèce, classée premier consommateur d’antibiotiques en Europe.

En 2015, la Turquie, la Tunisie, l’Algérie et la Roumanie faisaient ainsi partie des six pays au taux de consommation d’antibiotiques le plus élevé, alors qu’en 2000, les pays à revenus élevés comme la France, la Nouvelle-Zélande, l’Espagne, Hong Kong, et les États-Unis, enregistraient le plus fort taux de consommation d’antibiotiques au monde. En termes d’évolution du taux de consommation des antibiotiques dans le monde, entre les années 2000 et 2015, la Tunisie occupe la première place.

« La consommation excessive d’antibiotiques a provoqué l’antibiorésistance, un phénomène qui consiste, pour une bactérie, à devenir résistante aux antibiotiques. Les bactéries exposées aux antibiotiques évoluent et développent des mécanismes de défense qui leur permettent d’échapper à leur action », indique le président du Conseil national de l’ordre des pharmaciens de Tunisie (Cnopt), Chedly Fendri.

Notre interlocuteur ajoute que ce phénomène constitue, aujourd’hui, une menace réelle et grave pour la santé publique en Tunisie, mais aussi dans les quatre coins du monde. Il commence à devenir inquiétant car si rien n’est fait, le monde s’achemine vers une ère post-antibiotique, où des infections courantes et des blessures mineures qui ont été soignées depuis des décennies pourraient à nouveau tuer. « L’exacerbation des résistances a pris une tournure qui exige une mobilisation générale de la part des instances de santé, des médias et du citoyen. C’est dans ce cadre que le Cnopt vient de lancer, à partir du 23 janvier 2019, une campagne de lutte contre l’antibiorésistance », souligne-t-il.

L’objectif de cette action qui concerne toutes les parties prenantes (Etat, pharmaciens et citoyens) est de faire sensibiliser le citoyen du danger de l’antibiorésistance. Aujourd’hui, les pharmaciens, que ce soit dans les secteurs public ou privé, agissent ensemble pour jouer pleinement leur rôle et lutter contre ce fléau qui menace notre santé. « Pas mois de 400 mille citoyens passent quotidiennement par les officines privées. Pour contrer la menace, on a pris l’initiative de lancer cette campagne et d’assurer une formation continue pour les pharmaciens.
Par son réseau de pharmaciens, le conseil va contribuer à la collecte des données et surtout à la diffusion de l’information auprès du public. Une action avec la faculté de pharmacie est envisageable pour sensibiliser les futurs pharmaciens à ce fléau », précise Fendri, ajoutant que sur le plan national, quelques actions ont été menées, d’autres sont en cours, avec des objectifs pertinents. Des comités nationaux de suivi ont été mis en place, dont la stratégie de lutte contre les bactéries multirésistantes se base sur plusieurs axes.

Pour ou contre l’automédication ?

Delenda Bennour, secrétaire générale du Cnopt, indique que l’automédication ne cesse de prendre de l’ampleur en Tunisie d’où l’urgence d’en parler et de mettre le doigt sur les vraies causes ayant conduit à cette situation.

Il est vrai que la couverture sociale s’est améliorée avec la Cnam, mais elle n’est pas tout à fait généralisée. En outre, le plafond annuel des montants des prestations, fixé à 200 dinars par an, n’a pas été révisé depuis 2008 à l’heure où le niveau de vie ne cesse de se dégrader depuis des années. Donc, cette somme ne sert à rien aujourd’hui et dans la plupart du temps, le citoyen tunisien se trouve obligé (par manque de moyens financiers) de se soigner sans passer par un médecin spécialiste. A cet égard, l’automédication est la responsabilité de tous ; l’Etat qui doit jouer pleinement son rôle en améliorant la couverture sociale et l’accès aux soins (parce qu’il est le premier et le principal garant de la santé publique), les professionnels de la santé (notamment les pharmaciens qui doivent éradiquer ce phénomène) et les citoyens (la nécessité de les sensibiliser aux dangers de l’automédication et de l’usage abusif des médicaments).

« Outre les moyens financiers, le manque de conscience est sans nul doute la conséquence de cette situation. Dans plusieurs cas, même avec la disponibilité des moyens financiers, le citoyen choisit l’automédication considérée comme le chemin le plus court et le plus facile. D’où la nécessité de le sensibiliser et l’urgence de tirer la sonnette d’alarme pour mettre terme à ce fléau. Pour leur part, les pharmaciens ne doivent pas céder à la pression du citoyen quand il demande un antibiotique. C’est une réalité à laquelle on ne peut pas tourner le dos », explique-t-elle.

Il y a d’autres causes…

D’après Fendri, l’automédication n’est pas le seul responsable de l’antibiorésistance qui se développe par la prise inutile d’un antibiotique de manière très importante et à plusieurs reprises. Mais c’est l’un des principaux facteurs responsables de l’augmentation des résistances bactériennes aux antibiotiques. Il y a également la prise d’antibiotiques lors d’infections virales, ce qui constitue aussi un facteur déclenchant de la résistance. Parmi les autres causes, il y a le non-respect des règles d’utilisation des antibiotiques et la non-application des conseils du pharmacien qui conduisent au sous-dosage de l’antibiotique. Fendri indique également que l’élevage des animaux est particulièrement incriminé dans l’apparition de l’antibiorésistance et constitue, de loin, la cause la plus redoutable et la plus grave dans l’émergence des souches résistantes.

A cet égard, les conséquences de l’inefficacité des antibiotiques sont multiples : certaines des infections courantes et banales sont devenues potentiellement dangereuses, car elles résistent de plus en plus aux traitements médicamenteux, des maladies plus longues et plus difficiles à soigner, des complications plus ou moins graves de la maladie, des consultations médicales supplémentaires et un séjour d’hospitalisation plus prolongé, une utilisation de médicaments plus puissants et plus chers pour arriver à soigner l’infection, des décès causés par des infections bactériennes jusqu’alors faciles à traiter... « Selon l’OMS, l’antibiorésistance entraîne, aujourd’hui, l’émergence de « superbactéries » mortelles, qui résistent à tous les antibiotiques connus. Nous sommes dans un stade très avancé et inquiétant où une petite blessure ou des infections courantes pourraient être mortelles. Outre le coût en pertes humaines, le coût financier des soins pour la société s’élèverait dans le monde entier à plus de 1.000 milliards de dollars ! », indique-t-il.

Pour lutter contre ce fléau, Fendri affirme qu’il est nécessaire d’éviter l’usage abusif ou excessif des antibiotiques qui accélère le phénomène de résistance. Le contrôle des antibiotiques ne se limite pas à la médecine humaine mais aussi au secteur animal et en particulier à l’élevage. Donc, la stratégie de lutte contre l’antibiorésistance est à la fois individuelle et collective.

Sur le plan individuel, il faut éviter strictement l’automédication en matière d’antibiotiques, respecter scrupuleusement les règles d’utilisation des antibiotiques prescrits et observer les bonnes conditions d’hygiène. Sur le plan collectif, il est essentiel de contrôler les réservoirs de résistance, d’où la nécessité de mieux comprendre comment les bactéries résistantes se disséminent et remplacent les bactéries sensibles. Le second axe consiste à rechercher de nouveaux antibiotiques qui sont efficaces sur les bactéries résistantes. La vaccination contre les infections bactériennes est un moyen d’éviter les maladies, par conséquent l’antibiorésistance.

Auteur : Meriem KHDIMALLAH

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