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La presse | Tunisie | 15/10/2018
Malgré les efforts déployés pour moderniser les 136 centres de soins de santé de base ainsi que l’hôpital régional Ibn El Jazzar pour les doter surtout d’équipements de pointe et de personnel médical, beaucoup de lacunes persistent, notamment en ce qui concerne la prise en charge des patients et leur suivi après une longue hospitalisation pour éviter les récidives et les complications.
En effet, le manque de médecins spécialistes, notamment dans les domaines de la cardiologie, de la neurologie, de la gynécologie, de la stomatologie, de l’ophtalmologie, de la gériatrie et de la pédiatrie, est handicapant pour ces structures.
D’ailleurs, la plupart des villageois du gouvernorat de Kairouan estiment que les établissements sanitaires de leurs lieux de résidence manquent de médicaments, de ressources humaines en cadres médical et para-médical.
Najet Chhaïbi, 42 ans, originaire de Sbikha, nous confie dans ce contexte : « Mon vœu le plus cher est le fait de constater que dorénavant, tous les malades pourront être pris en charge totalement dans les structures de santé si leur situation sanitaire l’exige après le diagnostic médical et sur instructions du médecin traitant. Or, ce que nous constatons de nos jours, c’est que les familles démunies et les chômeurs, qui n’ont pas les moyens de se payer des soins médicaux dans le secteur privé, souffrent énormément en cas de maladies imprévisibles ou d’accidents. Parfois, il nous arrive de faire 5 à 6 déplacements à Kairouan pour nous faire soigner d’un kyste ou pour nous faire opérer d’une cataracte. En outre, les rendez-vous fixés pour les patients ayant besoin d’un scanner peuvent aller de deux à six mois d’attente, ce qui représente un grand risque. Et il arrive que le patient meure avant son rendez-vous! ».
Scènes de violence et d’agressivité
Notons dans ce contexte que les moyens sont inadaptés aux besoins quand on sait, par exemple, que le service des urgences de l’hôpital Ibn-El Jazzar est exigu, surchargé et reçoit plus de 200 patients par jour en consultation soit 6.000 par mois. D’où des scènes de maltraitance, de violences physiques et verbales. En effet, les malades en état de détresse trouvent qu’il y a trop de laisser-aller et d’indifférence. Et le cadre médical et paramédical reproche aux nombreux accompagnateurs de perturber le déroulement de leurs travaux. Et les scènes de violence et d’agressivité à l’égard du personnel médical et para-médical augmentent de jour en jour et créent un sentiment d’insécurité aussi bien auprès des patients et des citoyens qu’auprès du corps médical et administratif.
Résultat : les sit-in de protestation des médecins, des infirmiers et des employés sont de plus en plus fréquents, et ce, pour dénoncer les agressions récurrentes et pour demander l’arrestation des agresseurs comme cela s’est passé dans les hôpitaux de Nasrallah, Bouhajla, Kairouan et Chrarda.
D’ailleurs, tout récemment, soit le 10 octobre, les unités sécuritaires ont dû utiliser les gaz lacrymogènes à l’unité chirurgicale « les Aghlabides », et ce, pour disperser les familles de 2 délinquants venus se faire soigner de leurs blessures au service des urgences tout en semant la pagaille. Evidemment, les malades dont les personnes âgées et les nourrissons ont été incommodés par le gaz lacrymogène.
Le lendemain, le 11 octobre, le cadre médical et para-médical de cette unité les a observé une grève de 2 heures pour dénoncer le manque de spécialistes en anesthésie-réanimation. En effet, sur les 3 médecins affectés à ce service, l’un vient de prendre sa retraite, le 2e est en congé de maladie (longue durée) et le 3e vient tous les 2 jours de Monastir et travaille pendant 24 heures puis rentre chez lui.
Donc, l’hôpital de Kairouan se retrouve sans anesthésiste ce qui porte préjudice aux citoyens ayant besoin d’être opérés en urgence. Heureusement qu’un médecin du privé a fait preuve de solidarité et d’esprit patriotique quand il est allé au service de chirurgie pour aider les chirurgiens à accomplir les actes chirurgicaux qui ne pouvaient pas attendre.
Et à l’hôpital de Hajeb El Ayoun, on souffre du manque de cadre médical surtout que trois médecins sur les 9 exerçant sont en congé de longue durée.
En outre, l’ambulance du SMUR n’a pas été utilisée depuis son acquisition il y a 2 ans et cela faute de médecins et de techniciens, ce qui prive des milliers de villageois habitant dans les zones reculées d’être secourus lors d’accidents à domicile, de crises cardiaques, d’évanouissement, d’agressions ou d’accidents de la route.
Par ailleurs, une des infirmières exerçant dans cet hôpital — qui reçoit en moyenne 120 malades en consultations externes par jour —, a été victime d’un braquage, ce qui l’a conduit à prendre un congé de plusieurs semaines vu le préjudice moral et physique qu’elle a subi.
On peut mourir en voulant donner la vie !
D’autre part, les différentes maternités périphériques du gouvernorat de Kairouan manquent de cadres para-médicaux, de gynécologues et d’équipements, d’où les nombreux cas de transfert de femmes en cas d’accouchement difficile vers l’hôpital Ibn El Jazzar avec tous les risques que cela comporte. Plusieurs femmes sont décédées en cours de route à cause de fortes hémorragies. Tel le cas d’une jeune femme âgée de 24 ans et habitant à « Dar El Jenna », une bourgade située au cœur du Djebel Oueslat, à 45 km de Kairouan.
Ayant accouché de son 2e bébé, à domicile elle a eu une forte hémorragie 12 heures après la délivrance. Malheureusement, il a fallu beaucoup de temps à ses proches pour trouver un véhicule privé qui a accepté de l’emmener à la maternité de Kairouan. Hélas, c’était trop tard et la femme est morte juste à son arrivée. C’est la troisième femme à décéder en couches à domicile à Dar El Jenna faute de pistes praticables surtout par temps pluvieux. D’où le nombre de décès enregistrés et qui est dû à l’impossibilité de se déplacer vers les centres hospitaliers.
Il va sans dire que ces conditions difficiles à vivre et la morosité ambiante sont aggravés par les discours alarmistes de certains responsables politiques qui ne parlent que d’épidémies et de maux prévus d’ici 2050!
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