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La presse | Tunisie | 09/04/2018
La contrebande de médicaments : une activité florissante
Il faut d'abord reconnaître que le secteur de la contrebande est devenu très actif sur les frontières et le secteur des médicaments y représente une activité florissante, d'autant plus que le transport des médicaments ne demande pas, dans de nombreux cas, des moyens importants, notamment pour l'acheminement d'un millier de paquets qu'il suffit d'emballer dans un petit sac en plastique ou dans un carton que des passeurs se chargent de livrer à leurs destinataires moyennant l'acquittement d'une somme d'argent.
« Dans un petit sac, je peux emballer l'équivalent de 50 mille dinars », nous a confié un ancien trafiquant de carburant qui explique « qu'il est plus facile d'agir dans le secteur des médicaments que dans celui des hydrocarbures car cela peut s'effectuer sur une moto ou même à pied, par contre, dit-il, le carburant est lourd et requiert un travail d'équipe et des moyens de transport conséquents ».
Et d'ajouter : « Le trafic touche à tous les médicaments en commençant par les anti-inflammatoires ou des antalgiques jusqu'aux pommades dermatologiques ou les médicaments traitant les maladies gastriques » pour ne citer que ceux-là.
Le responsable chargé de la pharmacie du groupement sanitaire du Kef, Mohamed Hussein Mouelhi, estime que « ce n'est pas l'argent qui manque, mais plutôt les médicaments à la Pharmacie centrale qui seraient en rupture de stock, notamment certains médicaments destinés au traitement des maladies neurologiques, des crises d'épilepsie (dépakine, etc.) expliquant que le problème des médicaments destinés est devenu structurel et ne concerne pas une unité hospitalière ou deux, mais surtout les grosses unités du pays comme les hôpitaux (C.H.U.) de Sfax, Sousse Tunis et d'autres établissements hospitaliers régionaux qui seraient déjà lourdement endettés tant la Caisse nationale d'assurance maladie n'a pas réussi à honorer ses dettes vis-à-vis de ces établissements, créant une situation d'imbrication complexe qui dérange tout le monde, autrement dit une situation de contagion qu'il est difficile de traiter comme un cas isolé mais plutôt comme une situation endémique générale.
Côté privé, les pharmacies auraient dénoncé dans plusieurs régions du pays la convention avec la Cnam tant celle-ci est devenue coercitive pour les pharmaciens, acculés à composer avec les dettes.
Néjib Zaghdoud, pharmacien au Kef, l'air jovial et débonnaire, se veut avant tout rassurant : « Les médicaments sont relativement disponibles sur le marché même si parfois l'on constate une certaine rupture de stock à la pharmacie ».
Et d'ajouter : « Toutefois certains médicaments ne sont pas disponibles sur le marché comme les contraceptifs », ce qui pourrait provoquer selon lui des désagréments pour certaines catégories de la population en quête de stabilité familiale et pour lesquelles la vigilance est de mise en matière de contrôle des naissances.
Un homme d'un certain âge explique à ce sujet qu'il a la peur au ventre à la seule idée de penser qu'il peut avoir un nouvel enfant à son âge, se disant très embarrassé de la conduite à tenir à ce sujet.
« Aurait-on décidé de mettre en péril le programme de limitation et de contrôle des naissances », s'indigne un autre quinquagénaire qui a fait, en vain, le tour des pharmacies à la recherche d'un contraceptif quelconque.
Ce qui est certain, c'est que certains médicaments, même s'ils sont disponibles sur le marché, ne sont pas remboursés par la Cnam, qui ne prend en compte que les génériques, s'ils sont toutefois disponibles. Pis encore, certains médicaments nécessaires aux traitements des maladies chroniques sont restés longtemps introuvables sur le marché, à l'instar de l'insuline pour diabétique, selon des responsables de structures sanitaires. Ce qui montre l'instabilité de l'approvisionnement du marché national en médicaments et traduit incontestablement la situation de désarroi dans laquelle est plongé depuis quelques années le secteur des médicaments dans le pays.
Par Jamel Taibi
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