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La presse | Tunisie | 19/10/2017
Dans la législation alimentaire tunisienne, on est passé d’un mode répressif, des fraudes, des industriels à un mode préventif de protection du consommateur, afin de limiter la consommation des produits alimentaires industriels à base d’additifs de colorants chimiques... qui peuvent être néfastes à la longue pour la santé !
La profusion d’additifs alimentaires dans les biscuits, de pesticides dans les fruits, d’arômes et colorants dans les jus et boissons constitue des menaces non négligeables, pour la santé. Exposés, au premier plan, on trouve les enfants, qui en consomment à tort et à travers, au cours des récréations scolaires ou au réfectoire. La Presse a contacté le Dr Thouraya Annabi Attia, médecin major de la santé publique et Mme Bessima Cheour, nutrionniste, pour mieux comprendre le phénomène du dépérissement alimentaire. Car, une alimentation déséquilibrée, faite de grignotages, goûters et encas en dehors, du foyer parental, peut devenir source d’obésité et de diabète. Ecouter leurs conseils et suivre leurs recommandations devient nécessaire. « Il faut se donner du temps. Le temps d’acheter, de préparer, de passer à table. Notre alimentation le mérite », affirmait un chef restaurateur français. D’un autre côté, l’utilité et la fonction de ces additifs, le taux contrôlé par une teneur en arômes et colorants, en adéquation et conformité aux normes sont recherchés. Les risques pour le consommateur, sur le plan sanitaire également. L’enjeu est de savoir si les émulsifiants, épaississants, conservateurs, arômes et colorants artificiels présents sur toute une chaîne alimentaire sont éventuellement nocifs ou toxiques et dans quelle mesure ou teneur ils demeurent tolérables. « Il y en a plus de 300, que l’on peut incorporer dans un biscuit ou un plat préparé alors que l’on ignore tout de l’impact sur la santé de ces substances et de la façon dont elles interagissent entre elles », affirmait, récemment, dans une revue spécialisée, un médecin nutrionniste français.
Trois règles d’or en cuisine
« Bien laver ses aliments, les faire cuire ou bouillir à l’eau et utiliser l’huile d’olive pour la friture ». Mme Bessima Cheoûr donne ses précieuses astuces en matière de bonne nutrition avant d’entrer, dans le vif du sujet, à propos des additifs alimentaires et de leurs mauvais effets sur la santé. « La dénomination huile végétale est inscrite pour se substituer au mot huile de palme, souvent masqué pour ne pas éveiller les soupçons du consommateur. Les huiles consommées, y compris les huiles subventionnées et contrôlées et vendues dans des bouteilles à bas prix ont prouvé depuis 25 ans qu’elles contiendraient du savon liquéfié à 200% source de cancer ! ». Cependant l’huile de palme ne serait pas un poison en lui-même, mais il faudrait éviter, les excès liés à sa surconsommation.
Enfants et mauvais régime alimentaire
Les enfants sont les plus exposés aux méfaits liés aux additifs, arômes et colorants que l’on trouve dans les produits de confiserie, biscuiterie et pâtisserie. Il existe trois catégories de produits consommés quotidiennement par les enfants. La première concerne les biscuits à base de génoise et de crème ou les gaufrettes : ces biscuits prisés par les enfants contiennent de l’huile de palme, qui peut être cancérigène. La deuxième : les jus à base de colorants et la troisième catégorie inclut les bonbons gélatineux.
Cancers de l’intestin et de l’estomac, apparaissent alors. Malgré cela, une campagne de sensibilisation est menée par certains nutritionnistes pour prévenir l’hyperglycémie. « Il faut savoir que 80% des obèses sont diabétiques, a souligné la nutritionniste. On est allé dans les écoles maternelles pour sensibiliser au bon comportement alimentaire des enfants âgés entre trois et quatre ans ».
Par ailleurs, elle apporte d’autres recommandations. « Il faut varier la composition des sandwichs pour enfants en les préparant avec des sardines ou du thon par exemple et éviter les mléoui et chapatis, et les chips cuits au four à 1.000 degrés, car la nourriture à une cuisson supérieure à 250 degrés est véritablement toxique ».
Une mère au foyer témoigne des difficultés qu’elle éprouve quotidiennement pour imposer des repas et des goûters sains à ses enfants, deux jeunes adolescents qui leur préfèrent les produits et les confiseries industriels. « Je me sens perdue et désemparée, face aux choix que je dois décider pour le bien-être alimentaire de mes enfants. Les priver de goûter en semaine vu qu’ils mangent des fruits et des compotes plutôt saines au goûter commun à l’école, est une option qui ne tient pas, au retour à la maison. Les nombreuses gâteries qu’ils attendent de moi, telles les crêpes à la Nutella, les gaufres au speculoos (une crème de cookies), les mercredis après-midi ou les biscuits et chips à croquer et qu’ils grignotent au cours des sorties dominicales me laissent dans l’embarras… Les additifs alimentaires, c’est tellement vaste que je dois me documenter et m’informer sans cesse des nouvelles études qui se font, pour prémunir mes enfants de produits toxiques».
De son côté, Mme Cheour poursuit son argumentaire : « La préparation des goûters est à revoir car celle-ci est généralement à base de charcuterie et de confiserie industrielle ce qui est vivement déconseillé dans le régime alimentaire d’un enfant. Leur composition doit inciter les parents à les éviter et à leur préférer des produits plus sains pour l’alimentation de leurs enfants.
La cuisson des aliments peut également produire des effets néfastes à l’organisme comme les chips qui passent au four à 1.000 degrés pour avoir un aspect gonflé et croquant alors que le dépassement du seuil de 280 degrés rend les aliments toxique ».
La dernière polémique a trait aux perturbateurs endocriniens qui sont des « composants chimiques présents dans certains pesticides, plastiques, ustensiles de cuisine. Présents, sous forme de molécules, ils modifient l’action de nos hormones naturelles au risque de provoquer des troubles de la fertilité, des malformations fœtales, voire de favoriser l’apparition du diabète ou de cancers hormonaux », selon une revue spécialisée de santé, le mensuel français Psychologies.
Une experte relativise...
Médecin retraitée de la santé publique, le Dr Thouraya Annabi Attia, qui a une très bonne connaissance de la problématique des additifs et de leur impact sur la santé, s’est confiée dans une longue déclaration : « La question des additifs est complexe. En effet, depuis que les peuples ont créé les diverses cultures culinaires, ils se sont servis d’additifs pour conserver les aliments, les embellir (colorants) ou augmenter leur saveur ».
Avec le passage à l’ère industrielle qui s’est accompagnée de la synthèse chimique des additifs alimentaires, la question de l’innocuité s’est alors très vite posée. «Notre suspicion, fort légitime vis-à-vis des additifs matérialise notre angoisse vis-à-vis de la “modernité” car il s’agit de produits peu visibles, ou du moins qu’on ne sait pas matérialiser à l’instar d’une contamination microbienne par exemple qui change l’aspect de l’aliment et le rend non consommable ».
Mais qu’en est-il, alors, de ces molécules chimiques en très petites quantités (grammes ou milligrammes) qui sont étiquetées sous des noms barbares sur les différents produits alimentaires d’origine industrielle ? Ces molécules seraient à l’origine de problèmes de santé insidieux et chroniques, le spectre du cancer étant fortement présent.
Cet aspect du risque sanitaire lié aux additifs contribue fortement à leur mauvaise réputation et nous fait souvent oublier leurs avantages, car sans additifs et autres auxiliaires on ne peut envisager une industrie alimentaire viable. « Il est vrai, qu’il est de bon ton de s’insurger, fustiger et dénoncer l’impact des produits alimentaires industriels dans notre vie. Le retour au naturel est une sorte de vœu pieux qu’on ne cesse de valoriser. Certes, cueillir les plantes de son jardin et ramasser les œufs de ses poules nourries amoureusement à la main est un mode de vie très agréable, mais réalisable par très peu de gens.
Le consommateur en général et tunisien en particulier, ne s’informe pas assez sur ce qu’il mange, ne lit pas les étiquettes et ne fait pas de recherche sur les ingrédients utilisés par l’industrie agro-alimentaire.
Concernant les additifs alimentaires par exemple, trop peu de personnes s’informent sur le codage en E qui est spécifique à l’Union européenne : lettre E (pour Europe) suivie d’un nombre de trois chiffres (le SIN ou Système international de numérotation). La codification SIN est valable pour tous les pays, elle est retrouvée dans les références techniques et scientifiques à l’instar du codex alimentarius, ce qui facilite la recherche d’information. La traduction de cette information se fait par les actes individuels (ne pas manger ce qu’on pense ne pas être bon pour nous) et des actes citoyens (agir par l’intermédiaire des associations).
Comment protéger le consommateur ?
La seconde réponse est liée à l’application de la loi qui nous protège. En effet, les produits reconnus dangereux ou à risque sont censés être interdits, donc objet d’un texte juridique ou réglementaire à appliquer par des instances officielles de contrôle. Dans le cas des additifs, un petit tour sur internet vous démontera qu’il n’y a pas de vrai consensus à propos de la nocivité de l’un ou de l’autre. Certains pays interdisent, d’autres autorisent. Pire, certaines études incriminent des molécules dans les effets délétères sur la santé, d’autres les disculpent.
C’est pour cela, qu’aujourd’hui la réglementation alimentaire se base sur la science, obligeant la publication de la méthodologie et autres détails techniques afin que les résultats puissent être validés ou infirmés par les pairs et puissent constituer une preuve sur laquelle se base toute restriction légale. Plus encore, ces preuves ne sont souvent pas absolues mais liées à l’exposition. Il s’agit alors de quantifier des valeurs toxicologiques de référence telle qu’une dose journalière à ne pas dépasser et qui sont à la base de la plupart des restrictions légales actuelles.
Cependant cette question de l’exposition relativise les risques, ainsi les additifs ou (surtout) les contaminants liés à un produit dépendent des quantités consommées de ce produit. Ceci explique la difficulté de copier/coller certaines mesures de protection quand on ne connaît pas bien la consommation de la population, d’où l’intérêt de multiplier les études à l’échelle de la population en général et de populations particulières également telles que végétariens par exemple ou vulnérables (les enfants).
Pour ce faire, les pays se sont dotés d’instances d’évaluation des risques sanitaires (comme l’Efsa pour l’UE), la Tunisie n’est pas en reste puisqu’elle a un projet bien avancé. Les pays, sur les recommandations des instances spécialisées des Nations unies, ont même changé leur modèle juridique pour passer d’un mode plutôt passif de répression des fraudes à un mode préventif de protection du consommateur (les deux modes coexistent dans la législation alimentaire tunisienne actuelle) pour les dépasser et aller vers un mode proactif basé sur le principe de précaution et la preuve scientifique (base du projet de loi alimentaire sans cesse reporté en Tunisie). « S’agissant des textes d’application spécifiques aux additifs, vous pourrez voir qu’ils sont régulièrement mis à jour dans les pays occidentaux, au fur et à mesure de l’avancement des connaissances et des études sur la population, explique, à ce propos, le Dr Thouraya Attia. Pour les pays qui ne disposent pas de données ou connaissances scientifiques suffisantes, la législation peut être basée sur les publications des comités d’expert des Nations unies tiennent compte dans leurs études de très larges bases de données pouvant représenter « une moyenne » des pays. Ainsi en Tunisie, un projet de texte d’application spécifique est en cours pour remplacer le texte obsolète qui existe actuellement ».
Risque sanitaire multiforme et complexe
Pour résumer, il sera difficile d’établir « une black-list » d’additifs ou de produits alimentaires à prohiber de ses placards. « Je dirais que je serais, plutôt, pour un changement d’attitude du consommateur tunisien que pour un hypothétique renforcement du contrôle et de la répression. L’histoire ayant prouvé que cela donnait peu de résultats probants. Le consommateur peut mieux s’informer, adapter son régime alimentaire à ses besoins spécifiques, notamment pour les enfants, privilégier une nourriture saine et équilibrée, dont la recette est bien connue (et disponible chez tous les praticiens quand il s’agit de besoins particuliers) plutôt que de se laisser aller à la facilité du consumérisme et de n’avoir recours qu’aux fast-foods et autres denrées prêtes-à-consommer au lieu de varier, innover, prendre du plaisir, cuisiner et pourquoi pas cultiver son jardin », renchérit la médecin retraitée.
Le risque sanitaire est aujourd’hui multiforme et complexe. Il est souvent peu maîtrisable par les individus. Qui peut aujourd’hui se prémunir des résidus de pesticides ? L’exposition n’est par ailleurs pas uniquement alimentaire, puisqu’elle vient de l’environnement et des milieux de vie (maison, travail). L’impact sur la santé est difficilement quantifiable et bien plus complexe qu’on veut bien nous le présenter puisque la plupart des études disponibles se basent sur une relation linéaire cause-effet sans explorer par exemple la coexistence de plusieurs dangers dans une même source... La vigilance est donc de mise, mais l’obtention de résultats probants de protection de la santé ne peut se faire sans actions concertées entre les divers protagonistes et notamment les industriels ! ».
Des campagnes visant à inscrire des messages alarmants et prohibitifs, sous forme de slogans restrictifs, à l’achat, pour les produits les plus nocifs devraient voir le jour. Sur le modèle de ceux sur lesquels on signale le danger de la consommation tabagique, cela permettrait au consommateur d’y réfléchir à deux fois avant de céder à la tentation de chips, biscuits et bonbons bourrés de produits chimiques et toxiques. Il y va de la santé des adultes et des enfants.
Auteur : Mohamed Salem Kechiche
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